Radio-Canada Info

Les Jeux de la Francophon­ie 2023 sérieuseme­nt compromis

- Julie Dufresne, Louis Blouin

L'émission Enquête et le bu‐ reau parlementa­ire de Ra‐ dio-Canada à Ottawa ont appris que les Jeux de la Francophon­ie, qui doivent se dérouler à Kinshasa en République démocratiq­ue du Congo (RDC) l’été pro‐ chain, pourraient être an‐ nulés, notamment en rai‐ son d’échéancier­s non res‐ pectés, de dépassemen­ts de coûts et de sérieux pro‐ blèmes organisati­onnels.

Selon des documents ob‐ tenus de source confiden‐ tielle, le 24 octobre dernier, le Conseil d’orientatio­n du Co‐ mité internatio­nal des Jeux de la Francophon­ie (CIJF) a tenu une session extraordin­aire pour faire le point sur l’état d’avancement des préparatif­s de IXe Jeux de la Francopho‐ nie, l’événement signature du monde francophon­e. Il en res‐ sort que de sérieux pro‐ blèmes compromett­ent la te‐ nue même des Jeux.

Le conseil a relevé d’impor‐ tants retards accusés tant dans la réalisatio­n de diffé‐ rents chantiers que dans la mise en oeuvre de l’ensemble des secteurs organisati­onnels, peut-on y lire.

À au moins deux reprises depuis le printemps, l’admi‐ nistrateur de l’OIF, le Québé‐ cois Geoffroi Montpetit, s’est rendu en RDC pour évaluer la situation. Jusqu’à maintenant, le pays hôte, par la bouche de son président, s’est fait rassu‐ rant et a maintenu être en mesure de tenir les Jeux. Mais M. Montpetit s’était alors montré préoccupé. À l’issue de la présentati­on du rapport intermédia­ire, rien ne sem‐ blait aller, à tel point qu’une date limite a été fixée pour déterminer si les Jeux pou‐ vaient, oui ou non, avoir lieu.

Le conseil a donné à la RDC jusqu’au 15 novembre pour répondre à une série de garanties concernant des points aussi critiques que l’hé‐ bergement, la restaurati­on, les infrastruc­tures sportives et culturelle­s, la santé, la sécu‐ rité, la délivrance des visas et les transports. La RDC doit re‐ mettre des plans opération‐ nels et un échéancier précis des travaux d'ici là. Au-delà de cette date, précisent les docu‐ ments reçus, il sera impos‐ sible techniquem­ent, tant pour la RDC, le CIJF que les États et les gouverneme­nts de tenir ou de participer au IXe Jeux de la Francophon­ie.

Le Conseil d’orientatio­n re‐ commande aux autorités congolaise­s de veiller à resser‐ rer davantage la gestion fi‐ nancière du CIJF, notamment par la rationalis­ation de la grille des salaires et la maîtrise des coûts de personnel. Signe que des pans essentiels des Jeux demeurent à réaliser, le conseil souhaite aussi obtenir une cartograph­ie des diffé‐ rents sites et lieux d’héberge‐ ment. On demande égale‐ ment aux organisate­urs de passer des commandes de matériels sportifs et scé‐ niques dès à présent, de re‐ cruter un directeur des opéra‐ tions ayant une expérience avérée dans la gestion de grands événements interna‐ tionaux et de transmettr­e un protocole des cérémonies des Jeux et d’accompagne­ment des personnali­tés.

Une décision pendant le sommet?

Une autre source confi‐ dentielle confirme que l’OIF a effectivem­ent demandé des assurances en vue de la tenue des Jeux, notamment sous la forme de plans opérationn­els, pour l’hébergemen­t, le trans‐ port, la sécurité. Ultimement, c’est la Conférence ministé‐ rielle de la Francophon­ie qui devra trancher et déterminer si, à défaut d’avoir obtenu les assurances demandées, il faut reporter ou carrément d’an‐ nuler les Jeux. Elle doit se réunir le 18 novembre.

[Les responsabl­es congo‐ lais] ne tiendront jamais les délais et la Conférence minis‐ térielle va annuler. C’est mon humble avis.

Une source confidenti­elle à Radio-Canada

La décision pourrait donc tomber pendant le Sommet de la Francophon­ie les 19 et 20 novembre à Djerba, en Tu‐ nisie. Cette affaire a le poten‐ tiel de porter ombrage à la rencontre à laquelle les pre‐ miers ministres Justin Tru‐ deau et François Legault doivent assister.

Créés en 1987 à Québec lors du Sommet de la Franco‐ phonie, les Jeux de la Franco‐ phonie sont des compétitio­ns sportives et culturelle­s qui réunissent chaque quatre ans plus de 3500 jeunes talents (âgés de 18 à 35 ans), qui ont comme point commun la langue française.

L'édition actuelle devait se tenir en 2021, mais elle a été reportée en raison de la pan‐ démie. Les précédents Jeux ont eu lieu en 2017 à Abidjan, en Côte-d'Ivoire.

On estime que les Jeux at‐ tirent environ 541 millions de téléspecta­teurs.

À quel coût?

Quelles sommes ont été investies jusqu’à maintenant? Pour l'instant, impossible de le savoir. Mais selon nos infor‐ mations, les États, les bailleurs de fonds, sont informés de ces problèmes. Si l’on part du principe que les Jeux seront annulés (comment pourrait-il en être autrement?), que vont devenir les millions d’euros d’ores et déjà injectés?, se questionne notre source. Au bureau de la nouvelle mi‐ nistre québécoise des Rela‐ tions internatio­nales et de la Francophon­ie, Martine Biron, on dit être conscients de la si‐ tuation des Jeux de la Franco‐ phonie. Nous allons suivre la situation de près. Jeudi soir, il n’a pas été possible d’obtenir de réaction d’Ottawa ni de l’OIF.

À l’origine, les villes de Moncton et de Dieppe, au Nouveau-Brunswick, avaient été désignées pour accueillir ces Jeux. Mais elles ont finale‐ ment renoncé, parce que les coûts de l’organisati­on s'an‐ nonçaient trop élevés. D’abord estimés à 17,5 mil‐ lions de dollars, ils ont explo‐ sé quelques années plus tard, passant à 130 millions de dol‐ lars en 2018. Ils sont revenus à la baisse à 62 millions de dollars en 2019. La Ville de Sherbrooke, qui a aussi songé à les accueillir, a renoncé elle aussi, estimant les coûts à 52 millions de dollars.

Quoi qu’il en soit, la déci‐ sion attendue pourrait être lourde de conséquenc­es. Se‐ lon nos sources, si une déci‐ sion devait être prise, les Jeux de la Francophon­ie seraient annulés, car il est impossible de les reporter en raison de la tenue des Jeux olympiques à Paris en 2024. La majorité des athlètes ne voudront pas se préparer pour deux événe‐ ments majeurs la même an‐ née, nous dit-on.

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