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Jimi Hendrix ressuscite dans un album pour ses 80 ans

- Louis-Philippe Ouimet

Un des plus grands guita‐ ristes du 20e siècle aurait eu 80 ans le 27 novembre prochain. Jimi Hendrix (1942-1970) est mort au sommet de sa gloire à l'âge de 27 ans, mais sa mémoire et son oeuvre demeurent toujours aussi vivantes, comme en témoigne la sor‐ tie, la semaine prochaine, de l’enregistre­ment devant public d’un concert légen‐ daire. Et c'est en partie grâce à Eddie Kramer, son ingénieur de son et gardien du feu sacré.

Au bout du fil, Eddie Kra‐ mer est convaincu que le meilleur de Jimi Hendrix était à venir parce qu'il ne cessait de pousser la note encore plus loin. À quelques jours de ce qui aurait été le 80e anni‐ versaire de son ami, une cer‐ taine tristesse habite l'ingé‐ nieur de son, mais il se console en se disant qu'en‐ core aujourd'hui on écoute la musique du maître de la Fen‐ der Stratocast­er.

Je me sens privilégié d'avoir travaillé avec lui pen‐ dant quatre ans. Nous parta‐ geons la même année de nais‐ sance. Je suis né en avril, il est né en novembre 1942. Mais il est vivant, sa musique n'ar‐ rête jamais, nous dit Eddie Kramer.

Le génie de Jimi Hendrix résidait dans sa capacité à in‐ venter de nouveaux sons et à sortir des sentiers battus, concert après concert. Ça s'entend bien sur les enregis‐ trements inédits que l'ingé‐ nieur de son ressuscite au compte-gouttes.

Après l'album Live at Maui, enregistré en concert en 1970 et sorti en 2020, voici donc le disque Jimi Hendrix Experience – Los Angeles Fo‐ rum: April 26, 1969, qui sera lancé à l’occasion du 80e anni‐ versaire de naissance de la lé‐ gende.

Ce concert est particuliè­re‐ ment bon et il était dans les voûtes depuis un bon mo‐ ment déjà. Lorsque je l'ai écouté, j'ai senti qu'on avait quelque chose de vraiment spécial, même si tout a été en‐ registré sur sept pistes, ex‐ plique Eddie Kramer.

Jimi Hendrix communique vraiment bien avec le public, il fait même des blagues à pro‐ pos de la forte présence poli‐ cière à ce spectacle. Les gens étaient aussi craintifs parce qu'il y avait eu un tremble‐ ment de terre à Los Angeles et Jimi calmait tout le monde.

15 minutes de musique instrument­ale pour com‐ mencer

Enregistré le 26 avril 1969 au Forum de Los Angeles, le concert débute avec l'inter‐ prétation d'une quinzaine de minutes de Tax Free, une pièce d'un duo suédois de jazz instrument­al. Un pari in‐ usité, mais tellement à l'image de Jimi Hendrix, qui était d'une éternelle jeunesse.

Qui à part lui commence‐ rait un concert avec une pièce instrument­ale de 15 minutes? C'est incroyable­ment bien joué, il y a là-dessus le rêve de tout guitariste au niveau de la technique de jeu. Après ça, il y a une version incroyable de Red House. J'entends des choses que je n'avais jamais entendues.

Pendant ce concert avec Mitch Mitchell à la batterie et Noel Redding à la basse, Hen‐ drix s'est aussi attaqué à ses classiques Foxey Lady et Purple Haze. On y entend aussi une mouture électrifié­e de l'hymne national américain The Star-Spangled Banner, quatre mois avant celle qu’il jouera au Festival de Wood‐ stock en août 1969.

C'est une bonne version qui annonce la mythique in‐ terprétati­on à Woodstock, dit Eddie Kramer.

Les temps changent. Les billets pour ce fameux concert au Forum de Los Angeles se vendaient à l'époque 6,50 $... bien loin des quelque 300 dol‐ lars exigés aujourd'hui pour voir un spectacle de rock dans un aréna. Qu'en aurait pensé Jimi Hendrix aujourd'hui? Se‐ lon Eddie Kramer, il aurait été choqué de voir de tels prix.

Il aurait dit "Si un idiot veut payer 500 $, laissez-le faire." Mais il aurait dit aux agents : "Sortez d'ici et nous allons vendre les billets à 50 $ ou à un autre prix raison‐ nable."

Des albums originaux remixés?

Jimi Hendrix avait construit son propre studio, l'Electric Lady, dans Green‐ wich Village, à New York, quelques mois avant sa mort. Il aimait travailler avec le meilleur son possible. À l'époque, les audiophile­s de‐ vaient débourser un montant exorbitant pour avoir une chaîne stéréo haute-fidélité et obtenir ainsi le meilleur des enregistre­ments.

Aujourd'hui, grâce aux nouvelles technologi­es, les vieux enregistre­ments sonnent très bien même avec une chaîne stéréo de moyenne gamme. Nous avons pris les rubans d'il y a 50 ans pour les combiner à l'analogique et au numérique, raconte Kramer. En plus du stéréo, il y a une version en Dolby Atmos. Ça sonne en‐ core mieux et nous donne une nouvelle approche avec le son.

Une oeuvre artistique de‐ meure vivante tant et aussi longtemps qu'elle est vue ou entendue. En cette époque de musique en continu et de réa‐ lité virtuelle, le fantôme de Ji‐ mi Hendrix et ses notes stri‐ dentes – gracieuset­é de ses pédales – nous hantent tou‐ jours.

Depuis la sortie en 2018 de l'album d'inédits Both Sides of the Sky, les personnes qui gèrent la succession de Jimi Hendrix sortent surtout des archives des enregistre­ments en concert.

Est-ce que du nouveau matériel en studio pourrait voir le jour? Eddie Kramer de‐ vient alors peu bavard. C'est une excellente question. Je ne peux rien dire, mais attendez, il va y avoir du bon matériel, prévient-il

Imaginez si les albums ori‐ ginaux étaient remixés en Dolby Atmos. Si Hendrix était vivant aujourd'hui, il me dirait : "Kramer, amène ton cul dans le studio et fais du mixage en Dolby Atmos pour moi!"

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