Hôpitaux pédiatriques : « Ça va être un hiver excessivement difficile »
Du Québec à l'Alberta, en passant par l'Ontario, les urgences pédiatriques dé‐ bordent d’enfants qui ont besoin de « soins aigus », voire d’être placés aux soins intensifs, pour traiter des maladies respiratoires. Comment expliquer cette tendance inquiétante?
En Ontario, des médecins affirment même que c’est du jamais vu.
C’est le pire que j’aie vu en 14 ans de service, a écrit sur Twitter Tracey Bruce, anesthé‐ siste pédiatrique au McMas‐ ter Children's Hospital, à Ha‐ milton en Ontario. L’ampleur des maladies est grave. Des infections virales multiples, souvent chez le même enfant [avec] des infections bacté‐ riennes secondaires superpo‐ sées [causant] des résultats catastrophiques et une mor‐ bidité incroyable.
L’hôpital pédiatrique Sick‐ Kids, situé à Toronto, est à ce point débordé que les autres hôpitaux de la province doivent mettre la main à la pâte, a expliqué la Dre Valérie Sales, pédiatre spécialiste des maladies infectieuses à l'Hôpi‐ tal Markham Stouffville, en entrevue à RDI, dimanche. On essaie de prodiguer les soins dont les enfants ont besoin, mais on n’a pas nécessaire‐ ment les soins intensifs pédia‐ triques.
Le gouvernement ontarien a même demandé aux centres hospitaliers de mettre les enfants de 14 ans et plus assez grands dans les lits de soins intensifs pour adultes.
Résultat : des enfants avec des maladies respiratoires qui doivent recevoir de l’oxygène à l’aide de gros tuyaux dans le nez se retrouvent sur presque tous les étages de l’hôpital.
C’est quelque chose qui n’a jamais été vu, je pense, par‐ tout au Canada, d’avoir au‐ tant d’enfants qui sont ma‐ lades en même temps et qui ont besoin de soins très aigus dans les soins intensifs.
Dre Valérie Sales, pédiatre spécialiste des maladies infec‐ tieuses à l'Hôpital Markham Stouffville
La situation n’est pas plus rose au Québec, où le mi‐ nistre de la Santé, Christian Dubé, a même déclaré que l’hiver sera excessivement dif‐ ficile, en entrevue aux Cou‐ lisses du pouvoir, dimanche. On lutte contre [plusieurs] vi‐ rus. Il n’y a pas juste la COVID. Il y a l’influenza et toutes les maladies respiratoires pour les jeunes.
À l'Hôpital Sainte-Justine à Montréal, par exemple, 300 enfants sont admis chaque jour, soit le double de sa capacité d'accueil.
Plus à l’ouest, en Alberta, un nombre croissant d’en‐ fants s’absentent de l’école parce qu’ils sont malades. Mercredi seulement, plus de 20 000 élèves ne sont pas allés en classe.
Un cocktail de virus
La gravité des symptômes des enfants malades est no‐ tamment attribuable au fait qu’ils arrivent souvent à l’hô‐ pital en combattant plus d’un virus à la fois. Le plus fréquent est le virus respiratoire syncy‐ tial (VRS), la principale cause de maladies respiratoires chez les enfants, estime la Dre Sales. Selon le site de l’Hô‐ pital de Montréal pour en‐ fants, le VRS est excessive‐ ment contagieux et survient souvent durant les mois d’hi‐ ver.
À cela s’ajoutent parfois l’influenza ou la COVID-19, ex‐ plique Dre Sales. Et lorsque le système immunitaire des en‐ fants est déjà fragilisé par ces virus, il est plus sensible aux infections bactériennes, qui peuvent alors s’ajouter à ce cocktail, comme les otites.
Mais pourquoi plus d’en‐ fants malades cette an‐ née?
Plusieurs facteurs peuvent être pris en compte, explique Dre Sales. Les enfants de moins de quatre ans ont été peu exposés aux différents vi‐ rus durant les différentes vagues de COVID-19 et les confinements visant à proté‐ ger la population, et ont ainsi développé moins d’anticorps. Ils auraient normalement déjà pu avoir certains de ces virus et ne seraient peut-être pas tombés aussi malades en ayant un second virus.
La pénurie actuelle d'anal‐ gésiques pour enfants fait aussi partie du problème.
On manque de médica‐ ments pour contrôler la fièvre [...] Beaucoup d’enfants se présentent à l’urgence parce que les parents sont inquiets et ne peuvent pas contrôler la fièvre de leur enfant.
Dre Valérie Sales, pédiatre spécialiste des maladies infec‐ tieuses à l'hôpital Markham Stouffville
Et depuis plus récemment, des médecins et des pharma‐ ciens canadiens ont même de la difficulté à trouver des anti‐ biotiques cruciaux pour trai‐ ter certaines infections bacté‐ riennes chez les enfants.
Face à cette situation, l’On‐ tario recommandera de nou‐ veau lundi le port du masque dans certains endroits. Une très bonne idée, selon Valérie Sales. C’est la façon de se pro‐ téger les uns les autres. Les masques fonctionnent très
bien. Il faudrait qu’on les re‐ commande et qu’on les rende disponibles, par exemple à l’entrée du métro, pour que ce soit accessible pour tous.
Au Québec, le directeur na‐ tional de santé publique, le Dr Luc Boileau, avait récem‐ ment demandé aux citoyens d’user de leur bon sens et avait recommandé à ceux qui présentaient des symptômes de porter un masque, et ce, peu importe le type de virus.
Dimanche, le Collège des médecins a pris position en ce sens.
Enfin, à l’échelle fédérale, on ne prévoit pas de réinstau‐ rer des mesures préventives, mais on encourage fortement la vaccination. C'est qu'il faut faire preuve de prudence si on veut aider nos travailleurs de la santé à prendre soin des gens qui en ont le plus besoin, a déclaré dimanche le mi‐ nistre canadien de la Santé, Jean-Yves Duclos. Se faire vac‐ ciner, c'est la base.
Avec des informations de Charlotte Dumoulin