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Que veut Elon Musk? « Seul lui le sait », répond un ex-membre du C. A. de Twitter

- Olivier Bourque

Plusieurs ont cette ques‐ tion sur les lèvres depuis des semaines à propos d'Elon Musk : que veut-il faire exactement avec Twitter? Le Québécois Pa‐ trick Pichette, jusqu’à tout récemment membre du conseil d’administra­tion de ce réseau social, dit vouloir donner la chance au cou‐ reur. Il s’est confié au sujet des derniers mois qui ont mené à la transactio­n.

En entrevue à Zone écono‐ mie, l’homme d’affaires, qui vient tout juste de perdre son poste au sein du C. A., s'est montré philosophe en citant un ancien président chinois.

C’est Deng Xiaoping qui avait dit la fameuse phrase : "Too early to tell." Trop tôt pour le dire. Le temps va bien faire les choses et je veux res‐ ter optimiste, a répondu M. Pichette lorsque Gérald Fil‐ lion lui a demandé s’il était in‐ quiet de voir Elon Musk à la tête de Twitter.

Patrick Pichette assume totalement la vente au milliar‐ daire. Il souligne que si ce der‐ nier venait à faire chuter Twit‐ ter avec ses décisions, de nou‐ velles options pourraient arri‐ ver rapidement. Si Elon brise l’ethos de Twitter, la beauté d’Internet, demain matin, tu as huit autres plateforme­s qui se pointent, dit-il avec un large sourire.

Au cours des derniers jours, Elon Musk a annoncé une série de changement­s chez Twitter, notamment la mise à pied de la moitié des effectifs. Il a même évoqué la faillite du groupe, ce qui a pro‐ voqué une flopée de critiques à son endroit.

Un signal est très clair : il a fallu qu’il rappelle des gens, il a fait l’erreur de les licencier, alors qu’il en avait besoin pour les opérations critiques. Ça prouve qu'il n’est pas en contrôle de ce qui est encore vraiment important à Twitter.

Patrick Pichette, exmembre du C. A. de Twitter, en entrevue avec Patrice Roy

Il cherche l’attention

Dans un échange de cour‐ riels avec Radio-Canada, Pa‐ trick Pichette s’est montré beaucoup plus acerbe envers le milliardai­re. À la question : Que veut Elon Musk?, le Qué‐ bécois avait une réponse simple.

Un, [il cherche] l'attention, et deux, [il veut] aller sur la planète Mars. Après ça, seul lui le sait, et même encore, [ce n'est] pas certain, écrit le Qué‐ bécois.

A-t-il un plan pour Twitter? Va-t-on assister à un véritable chaos au cours des prochains mois? On va assister à une belle expérience, répond M. Pichette.

Mais faut-il s’inquiéter de la santé financière du groupe? Là encore, l’ancien directeur fi‐ nancier de Google veut at‐ tendre d’avoir un portrait complet avant de se pronon‐ cer.

Trop tôt et trop de boule‐ versements pour se faire une idée claire du modèle d'af‐ faires et [pour savoir] si les an‐ nonceurs vont revenir. Donc, à suivre. Seul le temps a la ré‐ ponse à cette question, a-t-il écrit dans un courriel.

M. Pichette continue tou‐ tefois de souhaiter la survie de la plateforme, essentiell­e, selon lui, à la liberté d’expres‐ sion.

Parce que Twitter, c’est une plateforme, c’est l’endroit public où les groupes margi‐ nalisés, les gens qui ont be‐ soin de protection, peuvent s’exprimer librement. C’est une plateforme absolument extraordin­aire et importante.

Patrick Pichette, exmembre du C. A. de Twitter

Les mains liées

Lors une valse-hésitation très médiatisée, Elon Musk a finalement acheté l’oiseau bleu pour 44 milliards de dol‐ lars américains en octobre dernier après plusieurs mois qui se sont s'apparentés à une véritable saga.

Pendant tout le processus, Patrick Pichette croit que le conseil d’administra­tion avait les mains liées dans le dossier et considère qu’un person‐ nage comme M. Musk n’aurait pas pu acheter aussi facile‐ ment une entreprise cana‐ dienne.

Au Canada, le conseil d’ad‐ ministrati­on a une obligation fiduciaire envers la compa‐ gnie et doit se pencher sur les intérêts de toutes les parties. Aux États-Unis, ce n’est pas la même chose, dit-il.

Quand on a commencé le débat, on s’est fait rappeler par nos avocats qu’une socié‐ té au Delaware a un seul sta‐ keholder, l’actionnair­e. [...] Tu as les mains attachées, tu ne peux pas dire : "Je vais réin‐ venter les règles, car ça me tente", raconte-t-il.

Mais il constate que les ac‐ tionnaires en ont eu pour leur argent. Moi, j’ai servi mes ac‐ tionnaires, lance-t-il.

Évincer Trump n’a pas été très difficile

Patrick Pichette est aussi revenu sur un moment phare de l’histoire de Twitter, celui où le président Donald Trump a été évincé de la plateforme après l’invasion du Capitole, le 6 janvier 2021.

Les règles de Twitter sont relativeme­nt simples. N'im‐ porte qui peut aller sur le site et les lire. Et dans les règles de Twitter, il y en a une qui dit : tu n’as pas le droit d’inciter à la violence, raconte-t-il.

En tant que politicien, c’est important dans cet espace que si tu dis des choses qui sont rocamboles­ques, c’est important que les gens l’en‐ tendent. Mais si tu brises une des six règles de Twitter, c'est très clair.

Patrick Pichette, ancien président du conseil d'admi‐ nistration de Twitter

En ce sens, M. Pichette af‐ firme que la décision n’a pas été très difficile, car le pré‐ sident américain avait violé une de ces règles.

Le projet Kenauk

Plus tôt dans la journée, Patrick Pichette a pris part à une conférence de presse au Château Montebello, en Ou‐ taouais, afin d’annoncer une série de mesures destinées à protéger Kenauk, une réserve naturelle considérée comme un joyau presque complète‐ ment à l'abri de l’activité hu‐ maine.

Il y a des investisse­ments que tu fais avec ta tête et il y a des investisse­ments que tu fais avec ton coeur. Kenauk, c’est définitive­ment le deuxième, dit-il.

L’organisme Conservati­on de la nature Canada et l’Insti‐ tut Kenauk vont notamment créer un laboratoir­e de re‐ cherche, un des plus impor‐ tants du genre en Amérique du Nord. M. Pichette a lancé une campagne de finance‐ ment pour protéger le terri‐ toire à 100 %.

C’est un territoire qui est tellement grand qu’il y a deux meutes de loups. Il est telle‐ ment grand qu’il y a tout des‐ sus, lance-t-il.

M. Pichette avait fait l’ac‐ quisition de cette réserve pour plus de 43 millions de dollars. Il affirme avoir sauvé la réserve d’un projet immobi‐ lier.

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