Maya Cousineau Mollen reçoit le Prix littéraire du Gouverneur général en poésie
L'autrice innue Maya Cousi‐ neau Mollen reçoit le Prix du Gouverneur général du meilleur ouvrage de langue française en poésie pour son second recueil, Enfants du lichen, publié aux édi‐ tions Hannenorak le 5 avril.
Dans ce recueil, la voix de la poète se fond dans la mé‐ moire du territoire, de la culture, de ses racines, la mé‐ moire du corps intime autant que celle, atrophiée, de l’His‐ toire, selon le communiqué qui en fait l'annonce.
Maya Cousineau Mollen est originaire d'Ekuanitshit (Mingan) sur la Côte-Nord, mais a été élevée par une fa‐ mille québécoise qui avait été choisie par ses parents biolo‐ giques et qui l'encourageait à ne jamais perdre contact avec d'où elle venait.
Le Prix du Gouverneur gé‐ néral du Canada représente l'une des distinctions litté‐ raires les plus prestigieuses au Canada et remet annuelle‐ ment, depuis 1936, 450 000 $ en bourses aux auteurs réci‐ piendaires.
Surprise et émotion
Au moment de la publica‐ tion d'Enfants du lichen, je n'avais aucune attente parti‐ culière, à savoir si le recueil al‐ lait être particulièrement bien reçu par la critique, expliquet-elle en entrevue avec Es‐ paces autochtones.
Ça a commencé par de belles critiques dans diffé‐ rents médias, ce que je trou‐ vais déjà touchant, puis ça a culminé avec cette nomina‐ tion pour le Prix littéraire du Gouverneur général. La se‐ maine après la nomination, on m'appelle pour me dire que j'étais la gagnante, mais que je ne pouvais pas encore le dire!
J'espère vraiment que ça encouragera les jeunes Au‐ tochtones à utiliser n'importe quelle moyen artistique pour performer, s'exprimer et nous faire connaître.
Maya Cousineau Mollen, lauréate du Prix littéraire du Gouverneur général en poésie
Elle ajoute : c'est un mo‐ ment que j'aurait adoré parta‐ ger avec ma famille, autant adoptive que innue, voir leurs réactions et entendre leurs commentaires, mais seul mon père innu est survivant, et habite à Mingan.
De la colère à l'espoir
il
Selon le comité d'évalua‐ tion pour ce prix, il s'agit d'un livre de colère et d'espoir, qui crée des ponts entre le pré‐ sent et le passé, entre l'hu‐ main et le territoire.
Questionnée au sujet de la colère exprimée dans le livre, l'autrice explique : Je dis des choses difficiles, qui sont par‐ fois dures et teintées de co‐ lère, mais elle ne se veut pas blessante, c'est une colère que je crois que toute per‐ sonne des Premières Nations porte. Le but n’est pas d’acca‐ bler les gens de mépris […], mais plutôt d’amener les gens à être curieux naturellement face à nos enjeux
Elle explique qu'elle est, encore aujourd'hui, sou‐ vent bouleversée, choquée ou même enragée face a cer‐ tains événements.
Ce sont des émotions qu'elle a vécues étant adoles‐ cente durant la crise d'Oka, et qui ont été ravivées par des événements récent comme les sépultures potentielles re‐ trouvées autour de plusieurs pensionnats ou même encore ceux liés aux Wet'suwet'en avant la pandémie.
Il faut encore montrer et prouver que l'impact de la co‐ lonisation est toujours bien présent.
Il ne faut pas penser que la fin des mesures colonisatrices du gouvernement remonte à loin, je suis de la première gé‐ nération de ma communauté qui n'est pas allée au pension‐ nat, et le dernier a fermé alors que j'étais à l'université.
Maya Cousineau Mollen, gagnante du Prix littéraire du Gouverneur général en poésie
Malgré tout, en étant bien consciente des limites ac‐ tuelles de la société, elle sou‐ haite utiliser ses oeuvres litté‐ raires pour porter un mes‐ sage d'espoir.
Selon ses dires, avec l'ex‐ périence et la maturité qu'elle acquiert toujours, la colère qu'elle ressent est devenue plus latente, en dormance, et [la] motive à continuer son oeuvre.
Elle juge néanmoins qu'il y a espoir de tirer du positif d'événements comme ceux des sépultures potentielles d'enfants retrouvées à Kam‐ loops ou la mort de Joyce Echaquan, qui éveillent la po‐ pulation aux réalités vécues par les Premières Nations de‐ puis longtemps.
Dédicace et remercie‐ ment
Durant l'entrevue, elle sou‐ ligne vouloir profiter de la couverture médiatique asso‐ ciée à son prix pour dédier son recueil à sa soeur, Nancy Mollen.
Elle représente pour elle un exemple de résilience, elle qui est parvenue à ne pas transférer les fantômes des impacts intergénérationnels des pensionnats à ses quatre enfants aujourd'hui adultes. Ils sont vaillants, sensibles, tout en restant conscients de la société dans laquelle ils évoluent
Elle remercie également toute l'équipe de son éditeur, ainsi que Sylvie Nicolas qui l'a épaulée pour la rédaction de son recueil Enfants du lichen.
Maya Cousineau Mollen ira à la fin du mois de no‐ vembre en Europe pour pré‐ senter une série de confé‐ rences en Italie et en France. À son retour, elle donnera une conférence à la bibliothèque Gaston Miron, à SainteAgathe-des-Monts.