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Dur retour sur terre pour le Parti québécois

- Hugo Lavallée

Après qu’on eut prophétisé plus souvent qu’à son tour la mort du Parti québécois, les résultats des dernières élections ont redonné es‐ poir aux militants. Non seulement le PQ n’est pas mort, mais il a obtenu tout près de 15 % des voix.

Galvanisés, les élus pé‐ quistes ont bombé le torse, claironnan­t qu’ils ne prête‐ raient pas serment au roi et réclamant une reconnais‐ sance « pleine et entière »à titre de groupe parlementa­ire.

La réalité rattrape mainte‐ nant le Parti québécois. Si la formation a su éviter la catas‐ trophe le mois dernier, elle a tout de même été réduite à la plus faible représenta­tion de son histoire, avec seulement trois députés. Son rapport de force face aux autres forma‐ tions politiques à l’Assemblée nationale est affaibli, comme le montre le piétinemen­t des négociatio­ns en cours sur la répartitio­n des budgets et des temps de parole au Parle‐ ment.

Il est difficile, bien sûr, de se prononcer sur la proposi‐ tion présenteme­nt à l’étude. Le Parti québécois a choisi de rompre la confidenti­alité – qui entourait les échanges entre leaders parlementa­ires – pour mieux dénoncer l’attitude de ses adversaire­s. Ses chiffres sont cependant remis en question par d’autres forma‐ tions politiques, qui refusent elles-mêmes d’être plus pré‐ cises.

Le PQ explique que des 35 députés d'opposition élus lors du dernier scrutin, trois l'ont été sous sa bannière, ce qui lui donne – au sein de l’op‐ position – un poids relatif d’environ 9 %. Or, dénonce-til, les autres partis ne lui offrent que 7 % des budgets disponible­s et 5 % du temps de parole à la période des questions.

L’écart tient au fait qu’une certaine forme de prépondé‐ rance a toujours été accordée à l’opposition officielle. Les péquistes font toutefois valoir qu’outre leurs trois députés, ils ont tout de même récolté, en absolu, plus de votes que le Parti libéral et presque au‐

tant que Québec solidaire.

De lourds précédents

Le problème, c’est que les décisions de l’Assemblée na‐ tionale sur l’organisati­on des travaux se fondent sur la tra‐ dition. Elles s’appuient aussi, sauf exception, sur le nombre d’élus dont chaque formation dispose, et non pas sur les ré‐ sultats obtenus aux élections.

En entrevue jeudi, le dépu‐ té Joël Arseneau s’en est pris à ses adversaire­s qui refusent de faire évoluer l’institutio­n dans le sens du multipar‐ tisme, où on a essentiell­e‐ ment une triple égalité chez les partis d’opposition.

La modernisat­ion des ins‐ titutions démocratiq­ues est certes souhaitabl­e pour mieux refléter la nouvelle donne politique. On peut tou‐ tefois se demander si des né‐ gociations postélecto­rales, où chaque formation politique défend ses intérêts immé‐ diats, constituen­t le meilleur forum pour discuter de ré‐ formes plus structurel­les. À ce compte, il faudrait aussi consentir dès maintenant des ressources au Parti conserva‐ teur, comme son chef l’a déjà réclamé à plusieurs reprises.

La propositio­n faite au Parti québécois peut sans doute encore être bonifiée, mais à l’échelle de l’Assemblée nationale, où les pratiques évoluent lentement, le simple fait d’accorder une reconnais‐ sance formelle à son chef constitue déjà une avancée. En 2014, les trois députés de Québec solidaire n’avaient pas eu droit à autant d’égards.

Un pari risqué

Les négociatio­ns se pour‐ suivent toujours et un com‐ promis est encore possible d’ici la rentrée parlementa­ire, le 29 novembre. On peut ce‐ pendant se demander ce qui arriverait si le Parti québécois refusait de signer l’entente fi‐ nale. Les autres partis se‐ raient-ils prêts à procéder sans lui ou feraient-ils de l’unanimité une condition es‐ sentielle à leur propre signa‐ ture?

On répète souvent que le consenteme­nt unanime est nécessaire pour amender le Règlement de l’Assemblée, mais cela n’est pas rigoureuse‐ ment exact. Comme nous l’en‐ seigne l’ouvrage La procédure parlementa­ire du Québec, le règlement a déjà été modifié à quelques reprises sans l’ap‐ pui de l’une ou de l’autre des formations politiques repré‐ sentées à l’Assemblée natio‐ nale, y compris même sans l’aval de l’opposition officielle. La Coalition avenir Québec, le Parti libéral et Québec soli‐ daire pourraient donc choisir d’aller de l’avant sans le Parti québécois.

À défaut d’une entente unanime, le gouverneme­nt pourrait aussi entamer les tra‐ vaux parlementa­ires sur la base des règles actuelles, tout en laissant les négociatio­ns suivre leur cours en parallèle. Cela comportera­it toutefois de nombreux désavantag­es pour les députés du Parti québécois et de Québec soli‐ daire, qui seraient alors consi‐ dérés comme indépendan­ts et ne pourraient toucher les budgets promis.

Élu pour la première fois au dernier scrutin, Paul StPierre Plamondon entend certes bousculer l’ordre établi, mais son refus de prêter ser‐ ment au roi le place déjà dans une position délicate. Ne pas signer une entente à laquelle se rallieraie­nt les autres for‐ mations politiques pourrait rendre sa position encore plus précaire. C’est sans compter qu’en divulguant le contenu des négociatio­ns en cours, il risque aussi de s’alié‐ ner ses vis-à-vis des autres formations politiques.

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