Radio-Canada Info

Toutes les options n’avaient pas été épuisées avant de recourir aux mesures d’urgence

-

Les ministres fédéraux n'avaient pas épuisé toutes les options qui leur avaient été soumises avant de se tourner vers la Loi sur les mesures d'urgence pour mettre fin aux manifesta‐ tions du « convoi de la li‐ berté », selon plusieurs té‐ moignages entendus à la commission Rouleau ven‐ dredi.

Jacquie Bogden et Jeff Hut‐ chinson, du secrétaria­t à la protection civile et à la relance post-COVID du Bureau du Conseil privé, ont été les deux premiers témoins à s'amener, vendredi, à la barre de la Commission sur l'état d'ur‐ gence, chargée de déterminer s'il était justifié pour le gou‐ vernement fédéral d'invoquer la Loi sur les mesures d'ur‐ gence l'hiver dernier.

Mme Bogden a dévoilé qu'après la première fin de se‐ maine de manifestat­ion à Ot‐ tawa – lorsqu'il est devenu clair que les manifestan­ts n'avaient pas l'intention de quitter le centre-ville –, plu‐ sieurs ministres se sont réunis pour examiner l'éventail d'op‐ tions dont disposait le gou‐ vernement fédéral pour mettre fin aux blocages.

L'objectif était de privilé‐ gier un « plan A » en utilisant les pouvoirs ordinaires du gouverneme­nt. Le « plan B », lui, proposait des solutions hors du commun. Par exemple, tenir un grand dé‐ bat national pour entendre les doléances des protes‐ tataires, interdire aux entre‐ prises de camionnage partici‐ pant au convoi de décrocher des contrats gouverneme­n‐ taux ou encore confier à la Gendarmeri­e royale du Cana‐ da (GRC) le contrôle de la « zone rouge » dans le centrevill­e d'Ottawa.

Nous étions aux prises avec une situation préoccu‐ pante, et nous nous deman‐ dions comment faire pour empêcher qu'elle empire, a ré‐ sumé Mme Bogden.

L'invocation de la Loi sur les mesures d'urgence faisait aussi partie du « plan B », se‐ lon un rapport rédigé le 9 fé‐ vrier par le Bureau du conseil privé. Le rapport en question, qui regroupait les possibles outils pour mettre fin à la crise, a été présenté le lende‐ main au Groupe d'interven‐ tion en cas d'incident, une ins‐ tance de haut niveau regrou‐ pant le premier ministre et certains membres de son Ca‐ binet.

Lors de cette réunion, la greffière du Bureau du Conseil privé Janice Charette a demandé aux sous-ministres de proposer encore plus d'op‐ tions pour mettre un terme aux manifestat­ions.

Le deuxième week-end de manifestat­ions au centre-ville d'Ottawa avait attiré encore plus de participan­ts que la fin de semaine précédente, et des blocages frontalier­s avaient cours au pont Ambas‐ sador, entre Windsor et Dé‐ troit, ainsi qu'à Coutts, princi‐ pal point de passage commer‐ cial entre l'Alberta et les ÉtatsUnis.

Nous ne devons négliger aucune piste. Nous devons nous assurer que nous exami‐ nons chaque pouvoir, chaque devoir, chaque autorité dont nous disposons, chaque res‐ source, pour nous assurer que nous apportons le plein pouvoir du gouverneme­nt fé‐ déral, a alors dit Mme Cha‐ rette aux sous-ministres, se‐ lon son témoignage devant la Commission vendredi.

J'ai dit [aux sous-mi‐ nistres] : tout est sur la table, aucune idée n'est trop farfe‐ lue, examinons absolument tout.

Janice Charette, greffière du Bureau du Conseil privé

Il s'est finalement écoulé cinq jours entre l'évocation de la Loi sur les mesures d'ur‐ gence par le Bureau du Conseil privé, le 9 février, et l'annonce en grande pompe de son invocation par le pre‐ mier ministre Trudeau, le 14 février. Le reste de l'his‐ toire est connu.

Le gouverneme­nt Trudeau a invoqué la Loi sur les me‐ sures d’urgence le 14 février 2022 pour mettre fin à un ras‐ semblement réunissant des camionneur­s et d’autres ma‐ nifestants opposés aux me‐ sures sanitaires liées à la CO‐ VID-19, qui ont paralysé le centre-ville d’Ottawa du sa‐ medi 29 janvier au dimanche 20 février.

Cette loi – adoptée en 1988 pour succéder à la Loi sur les mesures de guerre – prévoit notamment qu’une enquête publique doit a for‐ tiori se pencher sur les cir‐ constances ayant mené les autorités à prendre une telle décision.

Dernier recours, ou pas?

Or, pendant son témoi‐ gnage, Mme Charette, aux cô‐ tés de son adjointe Nathalie Drouin, a reconnu que tous les outils à la dispositio­n des autorités n'avaient pas été épuisés avant l'invocation des mesures d'urgence, une loi pourtant de dernier recours.

Les deux greffières ont aussi indiqué que le Cabinet en avait bel et bien été infor‐ mé.

Mais la question, c'était plutôt de savoir si les outils en question étaient les bons pour répondre à la crise, a nuancé Janice Charette.

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada