Les maires forts et la démocratie : le projet de loi 39 va trop loin, selon des experts
Des experts et des mili‐ tants joignent leur voix à celles d'élus municipaux de Toronto et d’Ottawa pour dénoncer le projet de loi provincial qui offrirait aux maires de ces deux plus grandes villes ontariennes des pouvoirs supplémen‐ taires. Certains déplorent une atteinte à la démocra‐ tie.
Le gouvernement Ford an‐ nonçait la semaine dernière un projet de loi qui donnerait le pouvoir aux maires de To‐ ronto et d’Ottawa de faire avancer des règlements muni‐ cipaux avec l’appui de plus d’un tiers du conseil, plutôt que la majorité.
Ce pouvoir s'appliquerait uniquement pour les règle‐ ments qui s'alignent avec les priorités de la province.
Le gouvernement entend également nommer des facili‐ tateurs dans les administra‐ tions régionales de Durham,
Halton, Niagara, Peel, Water‐ loo et York afin de déterminer la meilleure manière d’étendre le système de maires forts dans ces régions.
De nombreux conseillers municipaux tant à Toronto qu’à Ottawa ont décrié l’initia‐ tive.
Le professeur de sciences politiques et d’administration publique à l’Université métro‐ politaine de Toronto, Myer Siemiatycki, soutient qu’une telle législation serait une pre‐ mière au Canada.
Ce serait la première fois qu’un organe législatif serait en mesure de gouverner avec l’appui d’une minorité, ex‐ plique le politologue.
Selon lui, s’il est accepté, ce projet de loi établirait un dan‐ gereux précédent pour la dé‐ mocratie. Ça rattache davan‐ tage l’Hôtel de Ville à la volon‐ té et aux priorités de la pro‐ vince, estime-t-il en plus d’ajouter qu’une telle législa‐ tion remettrait en question l'existence même des conseils municipaux.
Il s’explique par ailleurs mal les intentions du gouver‐ nement Ford.
Par courriel, une porte-pa‐ role du ministre des Affaires municipales et du Logement réitère que la mesure fourni‐ rait aux maires démocratique‐ ment élus de Toronto et d'Ot‐ tawa un outil supplémentaire pour réaliser les priorités communes à la province et aux municipalités, notam‐ ment la construction de 1,5 million de nouvelles mai‐ sons au cours des 10 pro‐ chaines années.
M. Siemiatycki soutient pourtant que le gouverne‐ ment provincial a tous les pouvoirs nécessaires pour im‐ poser ses priorités aux conseils municipaux s’il le dé‐ sire.
Je pense que la province sait que certaines initiatives [pour construire plus de loge‐ ments] seront impopulaires, et elle préférerait que les maires et les conseils munici‐ paux avalent la pilule à sa place, offre-t-il en guise d’ex‐ plications.
Plus vite, mais pas né‐ cessairement mieux
Le cofondateur de l’orga‐ nisme Démocratie en sur‐ veillance, Duff Conacher, sou‐ tient pour sa part que les conseils municipaux onta‐ riens ont déjà l’intention de construire plus de logements.
Ils ont déjà effectué de longs processus de planifica‐ tion, ont consulté le public. Ça prend du temps, mais c’est comme ça qu’on arrive avec un plan qui est dans l’intérêt de tous, dit-il.
Les gens sont ignorés lors‐ qu’une seule personne a le pouvoir, ajoute-t-il.
M. Conacher soutient que le système de maires forts est lui-même dommageable. Il préférait que la province oc‐ troie plus de pouvoirs aux conseils municipaux pour que ceux-ci n'aient pas à se réali‐ gner avec les priorités de la province lorsqu’il y a un chan‐ gement de gouvernement.