La Première Nation Heiltsuk oeuvre vers une souveraineté énergétique
Au coeur des fjords de la côte centrale de la Colom‐ bie-Britannique, la Pre‐ mière Nation Heiltsuk s’af‐ faire à réduire son em‐ preinte carbone. Grâce à plusieurs projets clima‐ tiques, elle espère at‐ teindre une souveraineté énergétique et servir de modèle de transition vers les énergies renouvelables.
Gahtuwos Brown est fière de sa Nation qui fait de l’ac‐ tion climatique une priorité. Ce que nous espérons, c'est que d'autres communautés et municipalités puissent ob‐ server ce que nous faisons et réaliser qu'elles peuvent aussi faire des changements, dit la directrice des communica‐ tions de l’équipe de l’action cli‐ matique Heiltsuk.
Vers une meilleure qua‐ lité de vie
Située à Bella Bella sur l’île Campbell, la communauté de 1600 résidents est accessible uniquement par bateau ou par avion. L'équipe s'est tout d'abord penchée sur le plus gros émetteur de carbone de la communauté : le chauffage. Ils ont donc éliminé les four‐ naises domestiques à ma‐ zout, un hydrocarbure livré par bateau, pour les rempla‐ cer par des thermopompes, fonctionnant à l'électricité.
Environ 75 % des maisons de Bella Bella sont aujourd’hui pourvus de ces systèmes. Ce que nous pouvons constater, c'est que chaque foyer écono‐ mise en moyenne 1500 dol‐ lars par an sur les coûts de chauffage et génère cinq tonnes de moins d'émis‐ sions de gaz à effet de serre par an et par foyer, explique Michael Vegh, conseiller de la mise en oeuvre des projets énergétiques de l’équipe de l’action climatique Heiltsuk.
Cela permet d'obtenir une meilleure qualité de l'air et ré‐ duire les problèmes respira‐ toires, ajoute-t-il. Les rénova‐ tions incluent également une meilleure isolation des mai‐ sons pour conserver la cha‐ leur.
Nos maisons sont notre fenêtre sur le monde et nous avons besoin de maisons saines pour avoir un avenir sain.
Michael Vegh, citant le Chef héréditaire de la Pre‐ mière Nation Heiltsuk Frank Brown
Un tournant dans l’his‐ toire
En octobre 2016, un évé‐ nement catastrophique a été déterminant dans leur quête de s’affranchir de leur dépen‐ dance aux énergies fossiles. Le naufrage du remorqueur Nathan E. Stewart au large de Bella Bella a marqué la Pre‐ mière Nation.
Pendant plus de 20 jours, les membres de la commu‐ nauté ont tenté de réduire l’impact du déversement de diesel dans les eaux du pas‐ sage Seaforth, raconte Mi‐ chael Vegh. Nous avons réali‐ sé à quel point, étant une communauté éloignée, nous sommes livrés à nous même.
Le déversement de 110 000 litres de diesel a eu des conséquences dévasta‐ trices sur leur territoire tradi‐ tionnel de pêche.
Je pense que cela a permis à la communauté de prendre conscience du risque réel que représente le transport de pé‐ trole et de diesel pour ré‐ pondre à nos besoins essen‐ tiels. Aujourd'hui, ce n'est tout simplement plus un risque que nous avons besoin de prendre, raconte Michael
Vegh.
Les énergies renouvelables se sont donc rapidement im‐ posées comme une solution énergétique plus propre, mais cette transition a toutefois soulevé de nouveaux enjeux.
Le soleil guérisseur
Cet hiver, la moitié de la communauté a subi une panne de courant pendant deux semaines, raconte Gah‐ tuwos Brown, qui déplore que la centrale hydroélectrique ait atteint le maximum de sa ca‐ pacité.
Notre but est d’obtenir une souveraineté énergétique en tant que Nation et une partie de ce plan est le projet d’énergie solaire, dit-elle en face du centre de santé et de bien-être de Kunsoot.
Alors que les derniers rayons du soleil de la journée brillent sur les panneaux so‐ laires, elle explique que le centre est entièrement ali‐ menté à l’énergie solaire, une énergie renouvelable qui s’est imposée pour cet espace dé‐ dié à la guérison.
Si votre territoire et vos océans sont en mauvaise san‐ té, alors votre peuple et votre esprit le sont aussi.
Gahtuwos Brown, direc‐ trice des communications de l’équipe de l’action climatique Heiltsuk
Un exemple d’autosuffi‐
sance que la membre de la Première Nation Heiltsuk compte reproduire.
Le coût du chauffage de l’école en hiver peut dépasser les 10 000 $ par mois, c'est de l'argent qui est retiré de leur éducation. [...] Nous allons nous assurer que les espaces communautaires, les maga‐ sins, l’école soient alimentés par le soleil.
L'agriculture verticale pour favoriser l’autonomie alimen‐ taire ou encore l'utilisation du biodiesel comme carburant pour les bateaux font égale‐ ment partie des projets pro‐ posés.
Ces projets ambitieux ont toutefois un coût élevé. Ça va nous coûter plus de 19 mil‐ lions de dollars. Nous avons obtenu 1,8 million de finance‐ ments pour ces projets et donc, nous commençons par quelques-uns d'entre eux , constate Gahtuwos Brown.
Elle aimerait que ce genre de financement soit plus fré‐ quent. Ça doit être la norme, le strict minimum pour chaque Première Nation, pour chaque communauté au
Canada.
Un modèle au pays
La majorité des 224 com‐ munautés isolées au Canada qui dépendent de ce carbu‐ rant sont des communautés autochtones. La Première Na‐ tion Heiltsuk est l'une des premières à avoir reçu le sou‐ tien d'un programme fédéral visant la transition du diesel vers des énergies propres.
Le but à long terme c'est de mettre en place une straté‐ gie pour pouvoir soutenir la transition hors diesel de toutes les communautés éloi‐ gnées qui le désirent, affirme Éric Lévesque, gestionnaire des politiques au Carrefour de l’énergie propre pour les com‐ munautés autochtones éloi‐ gnées chez Ressources natu‐ relles Canada.
Pour le moment, seule‐ ment 24 champions du climat ont été appuyés par cette ini‐ tiative, mais il affirme que le gouvernement soutient d'autres projets de transition énergétique. Au cours des cinq, six dernières années, il y a environ 130 communautés qui ont été soutenues de ma‐ nière variée, dit-il.
Le plan d’action climatique de la Première Nation Heilt‐ suk s'est démarqué à l'échelle fédérale par la portée et la quantité des projets propo‐ sés, et leur a valu le prix de la communauté de l'année dé‐ cerné par Clean Energy BC.
Nous accomplissons ce travail pour assurer à nos en‐ fants un avenir meilleur et les changements climatiques rendent ce parcours incroya‐ blement difficile, mais notre petite nation agit pour que cela devienne une réalité, avance Michael Vegh.