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Vulgaires Machins : le retour triomphal d’un groupe essentiel

- Philippe Rezzonico

Il y a des groupes qui de‐ meurent ensemble durant toute leur carrière. Cer‐ tains se séparent et ne se reforment jamais. Et il y a ceux qui prennent une pause afin de mieux reve‐ nir. C’est le cas de Vulgaires Machins.

La tournée de l’album Dis‐ ruption qui a fait escale, sa‐ medi soir, au MTelus, était bien plus qu’un formidable concert de punk rock vitami‐ né. C’était aussi une réaffirma‐ tion du plaisir pleinement me‐ surable de (re)vivre sur scène à long terme après avoir vécu cette même renaissanc­e sur disque le mois dernier.

Il s’était écoulé plus d’une décennie de silence discogra‐ phique commun pour le groupe formé désormais de Guillaume Beauregard, MarieÈve Roy, Maxime Beauregard et Pat Sayers, même si Beau‐ regard et Roy avaient lancé des albums solo au cours de cette période.

Il était temps qu’on re‐ vienne en c…, a hurlé Beaure‐ gard à la foule déchaînée après une demi-douzaine de chansons qui venaient de confirmer que le groupe n’avait rien perdu de son mor‐ dant sur les planches.

Avec son humour très par‐ ticulier, ce dernier a résumé les années de pause de Vul‐ gaires Machins en faisant por‐ ter tous les maux de la pla‐ nète aux admirateur­s du groupe.

Pendant qu’on se reposait, vous avez élu la CAQ deux fois et vous avez starté une pan‐ démie. Maintenant qu’on est dans la marde, vous voulez rouler à 120 kilomètres à l’heure sur les autoroutes en criant "libarté"! On est en train de se dire qu’on n’arrêtera plus jamais…, a-t-il ajouté avant l’interpréta­tion de la nouvelle chanson Asile.

Soirée marathon

C’est exactement ce que cette foule gonflée à bloc avait le goût d’entendre. La clameur était sans équivoque, quoique les amateurs avaient eu l’occasion de manifester, de crier, de hurler et de chan‐ ter à profusion avant l’arrivée de la tête d’affiche. Charogne et Mudie – Hugo, de son pré‐ nom – avaient commencé à mettre de l’ambiance dès 19 h avant que les Américains d'Anti-Flag ne viennent littéra‐ lement mettre le feu.

Avec une trentaine d’an‐ nées de carrière derrière lui, le groupe punk de la Pennsylva‐ nie politiquem­ent à gauche est un habitué des scènes du Québec et pas seulement celles de Montréal. Il a d’ailleurs accompagné Vul‐ gaires Machins lors de ses concerts dans la province.

Pendant un peu plus d’une heure, Justin Sane et sa bande ont balancé THE FIGHT OF OUR LIVES, Drink Drank Punk, Funk Police Brutality, Branderbur­g Gate ainsi que des reprises des Clash et des Ramones dans le tapis et à la puissance 10. Et comme les spectateur­s connaissen­t toutes les paroles, on se serait cru à un concert du groupe à Pittsburgh.

Énergie à revendre

Ce déferlemen­t de décibels et d’énergie n’a pas inquiété une seconde Vulgaires Ma‐ chins, dont les membres en avaient à revendre. Si une montre sportive avait enregis‐ tré le nombre de sautille‐ ments effectués par MarieÈve Roy durant le concert, elle indiquerai­t probableme­nt que la guitariste a grimpé l’équivalent de la Place VilleMarie en 75 minutes de pres‐ tation qui étaient également dignes d’une performanc­e.

La guitariste est d’ailleurs plus présente sur scène, voca‐ lement parlant, elle qui inter‐ prète la moitié des chansons du plus récent disque. C’est d’ailleurs elle qui a pris l’avantscène sur Vivre en ouverture de concert.

Il y a 30 ou 40 ans, j’enten‐ dais parfois qu’on ne pouvait faire du rock en français. Ça n’a jamais été un problème pour Vulgaires Machins, sur‐ tout quand tu as tant de choses à dire et à défendre. Résolument altermondi­aliste et toujours contre la surcon‐ sommation, le groupe s’est très, très légèrement adouci, dirons-nous.

Il y a quelque chose de cu‐ rieux à entendre Beauregard chanter : Mon nihilisme est ri‐ sible et nuisible et abject dans

Obsolète, lui qui s’est gargari‐ sé à cette idéologie durant des décennies. Mais bon, la mi-quarantain­e et deux en‐ fants (avec Marie-Ève) changent un peu les choses. Mais entendons-nous, Vul‐ gaires Machins demeure Vul‐ gaires Machins, dans la forme et dans le fond. Appelons les petites nuances comme étant de l’évolution, tout simple‐ ment.

Fournée de classiques

En 1994, on avait 17 ans, a rappelé Marie-Ève Roy. On avait fait l’amour trois fois… à la gang. Guillaume travaillai­t chez Pacini et on écrivait des chansons sur des animaux. S’il y en a qui nous suivaient déjà en 1994, c’est pour vous.

Enchaîneme­nt avec Pis‐ tache, aussitôt suivi de Petit

Patapon. Globalemen­t, le groupe a bien alterné ses nouvelles chansons (une de‐ mi-douzaine) avec des clas‐ siques de tous ses albums. Comme une brique portait la lourdeur de son appellatio­n et Dieu se pique, livrée à fond la caisse, a été particuliè­re‐ ment efficace.

Remarquez qu’à ce petit jeu, c’est quand même le disque Comptez les corps qui a eu droit à la part du lion avec les brûlots que sont la chanson-titre Anéantir le dogme (percutante) et l’in‐ contournab­le Puits sans fond.

N’empêche, c’est peut-être ce moment de tendresse que fut la version acoustique de Je m’appelle Guillaume qui a été l’instant charnière de la soirée.

C’était touchant de voir et d’entendre Guillaume et Ma‐ rie-Ève ensemble, paisible‐ ment, baignant dans la lu‐ mière braquée sur eux, dans un rare moment de répit de ce concert énergique au pos‐ sible.

Quoique, pour une specta‐ trice, le moment fort, ce fut plutôt durant Je lève mon verre. C’est à ce moment qu’elle a demandé son chum en mariage. Il a dit oui.

En définitive, c’est parfois quand on a failli perdre un groupe – le Québec en a per‐ du des tas – que l’on réalise à quel point il était pertinent.

Vulgaires Machins l’était et il l’est encore. Et on espère que Guillaume Beauregard va tenir sa promesse et ne ja‐ mais plus arrêter.

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