Ceinture de verdure : un promoteur immobilier pourrait remporter un long combat
Après presque 20 ans de re‐ vers, la famille De Gasperis, propriétaire de l’entreprise Tacc Group, pourrait construire des maisons sur des terres de Pickering, si la réserve agricole de Duf‐ fins-Rouge est retirée de la Ceinture de verdure. Le gouvernement Ford pro‐ pose en effet de la sous‐ traire de la zone protégée.
Après avoir commencé à acheter des terres agricoles bon marché dans le nord de Pickering en 2003, l’entrepre‐ neur a tout tenté pour obte‐ nir les droits d’y aménager des quartiers résidentiels; de demandes de changement de zonage auprès des autorités locales et régionales à des re‐ cours judiciaires, en passant par des tentatives d’humilier un ancien premier ministre.
Ces démarches avaient jusqu’à maintenant échoué.
En 2005, le gouvernement libéral de Dalton McGuinty in‐ clut ces terres situées dans ce qui est maintenant connu comme la réserve agricole de Duffins-Rouge, une partie de la Ceinture de verdure.
Ces terres agricoles, ces fo‐ rêts et ces milieux humides qui s’étendent de Niagara Falls à Peterborough repré‐ sentent 810 000 hectares sur lesquels la construction rési‐ dentielle est interdite.
Le plan proposé par le gouvernement de Doug Ford autoriserait le lotissement de milliers d’hectares de la Cein‐ ture de verdure, incluant une partie de la réserve agricole Duffins-Rouge, permettant la construction d’habitations ré‐ sidentielles.
Difficile de savoir exacte‐ ment ce que la famille De Gas‐ peris souhaiterait construire sur ces terres une fois que ce‐ la sera permis.
Lors de nos appels au bu‐ reau de l’entreprise, les membres de la famille De Gas‐ peris et leurs représentants n’étaient pas disponibles pour répondre à nos questions. Une liste de questions écrites envoyée à l’entreprise n’a pas non plus obtenu réponse.
Une proposition qui sou‐ lève de nombreuses cri‐ tiques
Victor Doyle, souvent qua‐ lifié d'architecte de la Ceinture de verdure pour son travail comme planificateur pour la province, affirme se sentir
trompé en tant que planifica‐ teur et que citoyen, souli‐ gnant que le premier ministre Doug Ford et le ministre des Affaires municipales et du Lo‐ gement Steve Clark ont tous deux promis dans le passé de ne pas altérer la Ceinture de verdure.
Selon mon point de vue, ce sont les intérêts des pro‐ moteurs propriétaires de ces terres qui sont la priorité de ce gouvernement.
Victor Doyle, ancien plani‐ ficateur pour le gouverne‐ ment ontarien
Le cas particulier de Duffins-Rouge
La réserve agricole repré‐ sente environ 2000 hectares selon l'Office de protection de la nature de Toronto et de la région.
Ces terres ont fait l’objet d’expropriations, dans les an‐ nées 1970, puis ont été ven‐ dues aux agriculteurs de la ré‐ gion une vingtaine d’années plus tard après l’échec d’un projet d’aéroport régional à Pickering, à la condition qu’elles demeurent des terres agricoles à perpétuité.
Au cours des années, des promoteurs immobiliers, dont Silvio De Gasperis, ont acquis certaines d'entre elles dans l’espoir de pouvoir un jour y construire.
Un groupe d’entrepre‐ neurs, dont il faisait partie, avait entre autres tenté de s’entendre directement avec la Ville de Pickering, pour per‐ mettre leur lotissement.
Mais le gouvernement Mc‐ Guinty avait inclus les terres dans la Ceinture de verdure.
À l’époque de sa création, Silvio De Gasperis avait affir‐ mé que la décision avait coûté 240 millions de dollars en re‐ venus anticipés lors d’une en‐ trevue au National Post.
Aussi en 2005, le même gouvernement avait aussi adopté une loi ajoutant des protections supplémentaires contre le lotissement et la construction spécifiquement dans ce secteur.
Silvio de Gasperis avait alors affirmé au Toronto Star : McGuinty m’a déjà fait mal [...] maintenant je vais lui faire mal.
L’entrepreneur avait trans‐ mis aux médias une lettre contenant les détails d’un souper de financement, orga‐ nisé par Dalton McGuinty. Des promoteurs étaient invités à payer 10 000 $ le couvert. L'événement avait eu lieu pendant les discussions sur l’établissement des frontières de la Ceinture de verdure.
Finalement, l’entreprise de Silvio De Gasperis a entamé une série de procédures judi‐ ciaires contre le gouverne‐ ment de l’Ontario, mais les tri‐ bunaux n’ont pas penché en sa faveur, et les terres sont demeurées protégées.
La porte s’ouvre
Les changements propo‐ sés par le gouvernement de Doug Ford à la Ceinture de verdure incluent le retrait d’une vaste section de la ré‐ serve agricole Duffins-Rouge.
Le gouvernement de Doug Ford a aussi déposé, la se‐ maine dernière, un projet de loi qui retirerait à la réserve ses protections environne‐ mentales.
Une analyse de CBC des documents disponibles sur les propriétés et transactions foncières publiée le mois der‐ nier démontre que 16 pro‐ priétés, au sein de la réserve, appartiennent à des entre‐ prises pour lesquelles Sylvio, Carlo ou Michael De Gasperis agissent en tant qu'adminis‐ trateur.
Victoire éphémère : des militants déçus
Les membres d’une coali‐ tion qui avait milité pour l’in‐ clusion de ces terres dans la Ceinture de verdure et leur protection sont déçus.
Bonnie Littley avait cofon‐ dé la coalition Rouge-Duffins Greenspace.
Nous avons gagné. À l’époque, nous pensions que le dossier était clos.
Bonnie Littley, environne‐ mentaliste
La militante affirme être entrée en contact avec ceux qui ont mené le combat à ses côtés au début des années 2000 pour tenter de défendre l’intégrité de l’aire protégée. Mme Littley s’inquiète aussi pour le reste de la Ceinture de verdure. Est-ce que [les autres propriétaires de terres proté‐ gées] font la file devant la porte de Doug Ford? s’inter‐ roge-t-elle.
Dans une déclaration pu‐ blique, l'Office de protection de la nature de Toronto et de la région avançait craindre que l'étalement urbain qu’elle qualifiait d’urbanisation à grande échelle non planifiée ait un impact négatif sur les bassins hydrographiques.
Le bureau du ministre des Affaires municipales et du Lo‐ gement de l’Ontario, Steve Clark, a refusé de dire si des promoteurs ont fait du lob‐ bying pour que des parcelles précises de terrain soient reti‐ rées de la Ceinture de ver‐ dure.
Une porte-parole du mi‐ nistre a affirmé que les 15 em‐ placements identifiés de‐ vaient répondre à des critères clairs qui signifient que des maisons pourront être construites rapidement et que la Ceinture de verdure pourrait continuer de croître.
L'Ontario traverse une crise du logement et le gou‐ vernement considère toutes les avenues possibles pour construire plus de maisons plus rapidement.
Victoria Podbielski, porteparole, bureau du ministre Steve Clark
Soutien local
La porte-parole ajoute que le maire de Pickering appuie le développement de ces terres agricoles.
Kevin Ashe affirme que le conseil municipal demande la possibilité d’y construire des habitations depuis une ving‐ taine d’années.
Il considère que les ambi‐ tions de la province en ma‐ tière de construction d’habita‐ tions dans ce secteur sont réalistes. Avoir des maisons unifamiliales ainsi que d’autres options [...] je crois que c’est quelque chose qui serait bienvenu dans notre communauté, affirme le maire Ashe.
Dons politiques
La famille De Gasperis, aus‐ si propriétaire de terrains dans les régions de Vaughan et de Richmond Hill, a fait des dons considérables au Parti progressiste-conservateur, au Parti libéral et Nouveau Parti démocratique en Ontario.
Selon les registres d’Élec‐ tions Ontario, Silvio, Michael et Carlo De Gasperis ainsi que leurs entreprises Tacc Deve‐ lopments, Tacc Construction, Arista Homes et Opus Homes ont donné 163 362 $ au Parti progressiste-conservateur de‐ puis 2014, les plus anciennes données disponibles.
Ils ont aussi fait don de 84 413 $ au Parti libéral et 27 981 $ au NPD.
Ils ont également embau‐ ché trois lobbyistes inscrits au registre provincial ayant des liens étroits avec le Parti pro‐ gressiste-conservateur, selon les données du commissaire à l’intégrité de la province. Au‐ cun registre ne fait mention d’embauche dans le dossier de la Ceinture de verdure.
Avec des informations de Ryan Patrick Jones de CBC