Radio-Canada Info

Des Montréalai­s se préparent à une hausse élevée de leur compte de taxes

- Olivier Bachand

La Ville de Montréal pré‐ sentera son budget dans une semaine. La mairesse Valérie Plante a déjà indi‐ qué que les taxes munici‐ pales grimperont de 3 % à 6 % en raison de l'inflation. Toutefois, pour ceux qui ont vu la valeur de leur ré‐ sidence grimper de façon radicale, la facture sera plus salée.

L'impôt foncier est calculé en fonction de l'appréciati­on des propriétés, qui est revue tous les trois ans. La Ville de Montréal vient de compléter cet exercice et la valeur des ré‐ sidences a grimpé en moyenne de 35 % à Montréal dans le rôle d'évaluation 20232025.

La date de référence utili‐ sée pour les calculs est le 1er juillet 2021. Le marché im‐ mobilier était alors en pleine ébullition.

On fait deux choses pour s'assurer qu'il n'y a pas de trop gros choc financier pour les citoyens et citoyennes. D'abord, on étale le rôle sur trois ans, ce qui permet d'avoir une hausse graduelle. La deuxième chose qu'on fait, c'est qu'on descend le taux de taxes, indique la présidente du comité exécutif, Domi‐ nique Ollivier.

En définitive, ce sont les propriétai­res dont la valeur de la résidence a augmenté davantage que la moyenne qui verront leur compte de taxes grimper le plus.

C'est le cas de Laurence Harvey et de Philippe Beau‐ din, deux résidents de Mer‐ cier–Hochelaga-Maisonneuv­e. Cette infirmière et ce musi‐ cien ont vu la valeur de leur duplex grimper de 47 % pour atteindre 604 000 $.

Je m'attends à 500 $ par année d'augmentati­on des taxes, dit le père de famille. Leur dernier compte de taxes s'élevait à 3400 $.

C'est donc une dépense supplément­aire pour ces deux jeunes parents de la classe moyenne qui subissent déjà les contrecoup­s de l'infla‐ tion.

On a mis vraiment tout ce qu'on avait pour acheter, pour devenir propriétai­res et ne plus être locataires. De 40 % à 45 % de notre budget y passe, c'est quand même plus élevé que ce qui est recom‐ mandé, dit Laurence Harvey.

Cette augmentati­on-là va amener des décisions : moins de sorties, c'est sûr, moins de restos.

Laurence Harvey, proprié‐ taire d'un duplex

Des évaluation­s qui ne reflètent pas toujours la réalité

Pour établir la valeur des propriétés, la Ville examine environ 25 000 transactio­ns immobilièr­es par année. C'est donc le prix de vente de ces immeubles qui sert à détermi‐ ner la valeur de tous les autres.

Le Service d'évaluation dé‐ gage des indices de variation par type d'immeubles – rési‐ dentiel, commercial, industriel – et par localité, explique Me Sylvain Bélair, avocat spé‐ cialisé en droit municipal chez De Grandpré Chait.

Cependant, ce processus d'évaluation de masse n'est pas sans faille puisqu'il ne tient pas compte des particu‐ larités qui pourraient faire baisser la valeur d'une rési‐ dence.

Des infiltrati­ons d'eau, un problème de toiture, un pro‐ blème de fondations ou en‐ core des cas où il y a eu un en‐ tretien négligé de la propriété, cite-t-il en exemple.

Contestati­on d'une éva‐ luation foncière

Les propriétai­res qui s'es‐ timent lésés peuvent contes‐ ter leur évaluation foncière. Selon des données obtenues par Radio-Canada, 2774 pro‐ priétaires montréalai­s ont fait cette démarche à la suite du dépôt du rôle foncier 20172019 et 56 % d'entre eux ont obtenu une révision à la baisse de la valeur de leur propriété.

Pour le rôle 2020-2022, le taux de succès des 1842 contestata­ires a atteint 46 %. Bref, les propriétai­res ont eu gain de cause environ une fois sur deux.

Ce recours-là vaut la peine d'être intenté. On aurait tort de penser que la machine étant grosse, il n'y a rien à faire.

Me Sylvain Bélair, avocat spécialisé en droit municipal chez De Grandpré Chait

Le porte-parole du groupe Montréal pour tous, Pierre Pagé, est lui aussi de cet avis. Le système a été fait sur la base de visites des maisons aux neuf ans. Mais là, ça ne vi‐ site plus, alors si l'évaluateur ne peut peut pas venir, ça fausse un peu le portrait d'en‐ semble, puis ça induit des er‐ reurs, affirme-t-il.

Son regroupeme­nt citoyen aide les résidents qui sou‐ haitent contester leur évalua‐ tion foncière, une démarche pour laquelle la Ville exige des frais. Le montant exigé s'élève à 75 $ pour les propriétai­res d'immeubles valant 500 000 $ et moins. Il est de 300 $ pour ceux qui ont des propriétés valant entre 500 000 $ et 2 M$.

Une victoire

Propriétai­re d'un duplex depuis 1976 sur le Plateau Mont-Royal, Albanie Morin a fait l'exercice deux fois par le passé et en est ressortie victo‐ rieuse chaque fois. La Ville a réduit la valeur de sa proprié‐ té de près de 114 000 $ en 2014 et de 37 000 $ trois ans plus tard.

Je n'avais pas fait de réno‐ vations depuis 1989. Alors, me comparer à des maisons où on a fait des rénovation­s ré‐ centes au coût d'aujourd'hui, me mettre au même niveau, ça ne tient pas.

Albanie Morin, propriétai­re d'un duplex

Ces baisses de valeur lui ont fait épargner des cen‐ taines, voire des milliers de dollars en taxes municipale­s. Je suis une personne retraitée, mes revenus sont fixes, alors il faut que je prévoie le coup, dit-elle.

Elle ne sait pas encore si elle contestera de nouveau son évaluation cette année. Je peux faire tous les préparatif­s, demander à la Ville de me donner les comparable­s et voir si ça vaut la peine, sou‐ ligne-t-elle.

La présidente du comité exécutif, Dominique Ollivier, reconnaît que le processus d'évaluation n'est pas parfait.

Si les gens ont l'impression que leur évaluation est bien au-dessus de la valeur mar‐ chande, il faudrait qu'ils uti‐ lisent le mécanisme de révi‐ sion, soutient-elle.

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