Des opposants canadiens d’origine iranienne se disent menacés par le régime iranien
Des Canadiens d'origine ira‐ nienne s'inquiètent de plus en plus d'être menacés, surveillés et même suivis lors de manifestations et devant leur domicile par des membres du régime iranien présents au Cana‐ da.
Ils connaissent la vue de‐ puis mon appartement. Ils ont dit que c'était une école. Que j'ai trois chats. Ils connaissaient les amis qui sont venus chez moi, s'est confiée à CBC Maryam Shafi‐ pour, une militante iranienne désormais établie au Canada et qui s'exprime contre le ré‐ gime malgré le danger que ça représente.
L'année dernière, des membres du Corps des gar‐ diens de la révolution isla‐ mique (CGRI) – une branche des forces iraniennes dési‐ gnée comme organisation ter‐ roriste aux États-Unis – ont utilisé ces informations pour tenter de menacer sa famille en Iran et la faire revenir au pays.
Après cela, j'ai juste coupé mes relations avec tous mes amis parce que j'ai vraiment peur, a expliqué Mme Shafi‐ pour, qui a déjà des précé‐ dents avec la justice ira‐ nienne.
D'autres militants interro‐ gés par CBC affirment qu'eux non plus n'ont reçu aucune aide ni de la police ni du gou‐ vernement canadien, et qu'ils n'ont pas l'impression que la menace à leur encontre est prise au sérieux.
La semaine dernière, pour la première fois, le Service ca‐ nadien du renseignement de sécurité (SCRS) a toutefois confirmé qu'il enquêtait sur plusieurs menaces de mort émanant de la République is‐ lamique d'Iran.
En 2021, dans un rapport rendu public par le FBI sur les détails d'un complot visant à kidnapper l'activiste iranoaméricaine Masih Alinejad, des informations ont révélé le projet d'un autre complot vi‐ sant à kidnapper trois per‐ sonnes anonymes au Canada.
Espionnage numérique
S'inquiétant que le régime iranien ait piraté son télé‐ phone, Maryam Shafipour a fait appel à des experts du Ci‐ tizen Lab, un laboratoire de cybersécurité de Toronto qui aide les militants des droits de l'homme menacés de cybe‐ respionnage.
Nous savons avec certi‐ tude qu'ils [la République isla‐ mique] disposent de techno‐ logies étendues qui leur per‐ mettent de pirater les télé‐ phones portables des gens, de savoir où ils sont, avec qui ils communiquent, a déclaré Ron Deibert, directeur du Citi‐ zen Lab.
Il n'y a pas que les mili‐ tants très en vue comme Ma‐ ryam Shafipour qui se sentent en danger. D'autres, sans profil public, jugent qu'ils ne sont plus en sécurité pour critiquer ouvertement le ré‐ gime.
Deux individus ont parlé à CBC sous le couvert de l'ano‐ nymat, craignant pour leur sé‐ curité et celle de leur famille en Iran.
Ils disent avoir reçu des appels et des textos mena‐ çants à des numéros de télé‐ phone cellulaire qui étaient censés être privés. Les mes‐ sages les avertissaient d'arrê‐ ter de publier sur les médias sociaux et de parler de l'Iran.
J'ai tellement de membres de ma famille qui vivent en Iran et je les aime. Je ne veux pas qu'il leur arrive quoi que ce soit.
Destinataire iranienne d'un message de menaces en farsi
Un jeune homme a égale‐ ment reçu une série d'appels téléphoniques de numéros canadiens bloqués et locaux lui demandant pourquoi il avait publié des messages né‐ gatifs sur l'Iran sur les médias sociaux – en utilisant des comptes qui étaient privés.
J'étais terrifié et j'ai raccro‐ ché, raconte l'individu qui pré‐ fère rester anonyme.
Ces deux témoins ont le sentiment d'avoir été obser‐ vés lors de manifestations, ra‐ content-ils, des personnes présentes dans la foule utili‐ sant leur téléphone pour prendre des photos de leur vi‐ sage. Ils craignent que ces in‐ formations aient été ensuite envoyées au gouvernement iranien et dénoncent l'inac‐
tion de la police au Canada qui refuse de les entendre.
J'ai l'impression que la po‐ lice, que ce soit à Toronto ou ailleurs au Canada [...] attend que quelqu'un meure et en‐ suite, elle fera quelque chose, a déclaré l'un d'eux.
Je ne me sens pas en sé‐ curité au Canada
Ardeshir Zarezadeh, un Ira‐ no-Canadien qui a déjà passé deux ans en isolement dans une prison iranienne, observe une présence accrue du ré‐ gime iranien au Canada, ce qui provoque détresse et confusion au sein de sa com‐ munauté.
Ils [le régime iranien et ses affiliés] ont des entreprises ici. Des organisations non gou‐ vernementales. Des maisons. Ils sont partout. Et tout le monde le sait, prévient-il.
M. Zarezadeh raconte qu'il y a quelques années, un membre du régime s'est pré‐ senté à son cabinet d'avocats de Toronto après avoir appelé pour prendre rendez-vous à partir d'une cabine télépho‐ nique. Malgré le refus de le re‐ cevoir, l'homme s'est présen‐ té en personne.
J'ai rencontré tellement d'agents de renseignement quand j'étais en Iran, assure l'Irano-Canadien qui est aussi directeur du Centre interna‐ tional des droits de l'homme. J'ai été arrêté 12 fois. Beau‐ coup m'ont interrogé, donc je sais comment ils se com‐ portent, parlent, réagissent.
Il a immédiatement contacté le FBI qui lui a confir‐ mé que le visiteur était une menace connue et un haut responsable du régime, puis lui a conseillé de rester très prudent.
Ardeshir Zarezadeh assure qu'après avoir appelé la GRC à ce sujet, ses appels sont res‐ tés sans suite.
Je ne me sens pas en sécu‐ rité au Canada. Je surveille constamment mes arrières, j'emmène des gens avec moi partout où je vais parce que qui sait, je pourrais recevoir un coup de couteau dans le dos, d'un jour à l'autre.
Ardeshir Zarezadeh, direc‐ teur du Centre international des droits de l'homme
Le ministre fédéral de la Sécurité publique n'a pas ré‐ pondu aux questions de CBC sur l'absence de réponse de la police quant aux craintes sou‐ levées par les Canadiens se sentant menacés par le ré‐ gime iranien.
D'après les informations d'Angela Hennessy, de Katie Swyers et d'Adrienne Arse‐ nault, de CBC