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Brampton, Ontario : le pourvoyeur de talents étonnant du soccer canadien

- Raphaël Guillemett­e

Brampton, en Ontario, n'a pas la réputation de sa voi‐ sine, Toronto. Cette ban‐ lieue du nord-ouest de la métropole ontarienne n'attire, d'ordinaire, pas les regards, mais cela est en train de changer alors que brille, au Qatar, l'équipe canadienne de soccer mas‐ culin – et avec elle, ses plus grands ambassadeu­rs.

Beaucoup de gens l'ignorent encore, mais l'équipe nationale doit le quart de sa formation à cette ville, la neuvième plus popu‐ leuse du pays. 7 des 26 joueurs sélectionn­és par l'entraîneur-chef John Herd‐ man pour représente­r l'unifo‐ lié à la Coupe du monde sont en effet nés, ont grandi ou été formés à Brampton qui a même fait l'objet d'un repor‐ tage dans le New York Times cette semaine.

Il y a Atiba Hutchinson, le capitaine; Cyle Larin, le meilleur buteur de l'histoire de l'équipe masculine du Ca‐ nada; Tajon Buchanan, Junior Hoilett, Jonathan Osorio, Liam Millar et Iké Ugbo aussi.

On pourrait inclure Doneil Henry dans cette liste égale‐ ment, lui qui s'est blessé lors du dernier match de prépara‐ tion du Canada en vue du Mondial et dont la place dans l'effectif était assurée au point tel qu'il a été invité à rejoindre l'équipe au Qatar malgré tout.

Qu'est-ce qu'il y a dans l'eau à Brampton? Tout le monde pose la question ces jours-ci, dit Greg Spagnoli, professeur d'éducation phy‐ sique et entraîneur de soccer à l'école secondaire St. Ed‐ mund Campion à Brampton.

Ce dernier est grandement sollicité par les médias depuis plus d'une semaine. C'est que tout le monde veut l'entendre sur les trois joueurs de l'équipe nationale qui ont évolué sous ses ordres par le passé, soit Larin, Buchanan et Osorio. Ensemble, ils gagné un total de cinq champion‐ nats provinciau­x.

Je ne sais pas exactement ce qu'il y a dans l'eau, mais je peux dire que la diversité au sein de la communauté a aidé à créer une mosaïque cultu‐ relle qui, avec l'amour et la passion des gens dans cette ville pour le soccer, a fait res‐ sortir le meilleur, avance-t-il.

Peu importe le terrain où vous allez, vous voyez des jeunes y jouer. Et je pense que ça, avec de bons entraîneur­s même chez les plus jeunes, en conjonctio­n avec les clubs et les organisati­ons que nous avons dans cette ville, ça a fa‐ vorisé la croissance et le déve‐ loppement de ces jeunes ath‐ lètes, ajoute Spagnoli.

Soit, mais comment est-il possible qu'une ville dont la population n'équivaut qu'à 1,7% de celle du pays tout en‐ tier ait pu produire le quart des joueurs de la sélection ca‐ nadienne?

D'autant plus que les suc‐ cès de Brampton s'étendent au-delà du soccer masculin. D'excellente­s joueuses y ont aussi été formées. Trois d'entre elles ont d'ailleurs aidé le Canada à gagner l'or aux Jeux olympiques de Tokyo 2020, soit Ashley Lawrence, Kadeisha Buchanan et Adria‐ na Leon.

J'aimerais pouvoir vous dire comment on a fait parce que si je le savais, je referais exactement la même chose pour que nous ayons un autre groupe aussi bon que celui-ci dans quelques années ! indique Gene DaSilva, pré‐ sident du Brampton Soccer Club.

Au final, je pense que le mérite leur revient (aux ath‐ lètes), dit-il.

D'un point de vue démo‐ graphique, on n'est pas dans le haut de gamme à Bramp‐ ton. Il s'agit de familles de classe moyenne ou de classe à faible revenu. Les jeunes doivent donc choisir un sport et dans leur pays d'origine ou dans celui de leurs parents, le [soccer] était le sport privilé‐ gié. C'est un sport peu coû‐ teux et nous avons essayé de maintenir le coût assez bas, ce qui leur donne l'occasion de se dépasser, de jouer, de faire quelque chose dans l'espoir de participer à une Coupe du monde avec le Canada, conclut-il.

Ce sont maintenant des hommes et des femmes, et ils jouent partout à travers le monde, mais pour nous, ils resteront toujours des en‐ fants de Brampton.

Gene DaSilva

Melanie Bradley, directrice du club de soccer féminin Brams United, fait aussi valoir que les jeunes de Brampton semblent avoir quelque chose à prouver, ce qui explique peut-être leurs succès.

C'est Tajon Buchanan qui l'a dit il y a quelques semaines lors d'une entrevue. Et hon‐ nêtement, on le voit sur le ter‐ rain. Ils ont du coeur. Ils sont passionnés et donnent tout ce qu'ils ont. Peut-être est-ce parce que beaucoup d'entre eux sont des enfants d'immi‐ grants. Ils sont venus dans ce pays pour poursuivre leurs rêves et je crois que c'est ce qui rend le Canada si spécial et Brampton en particulie­r, dit-elle.

Mme Bradley mentionne aussi que parmi toutes les villes de l'Ontario, le nombre d'inscriptio­ns au soccer est le plus élevé à Brampton par rapport à la taille de la popu‐ lation.

On travaille aussi pour s'assurer que le sport soit ac‐ cessible, que ce soit en bais‐ sant nos frais ou avec des programmes, afin que tous les enfants puissent participer et je pense que c'est ce qui rend le soccer d'autant plus différent à Brampton compa‐ rément à toutes les autres municipali­tés, précise-t-elle.

La relève cogne déjà à la porte

Jayden Nelson, 20 ans, a regardé avec admiration ses coéquipier­s de l'équipe natio‐ nale affronter la Belgique mer‐ credi dernier lors de leur pre‐ mier match à la Coupe du monde au Qatar. Le fait que 6 des 16 joueurs à avoir pris part au match pour le Canada étaient issus de Brampton, comme lui, ne lui a pas non plus échappé.

Plus jeune, il les admirait tous et puisait chez eux une grande source de motivation.

Pour moi, je trouve ça merveilleu­x d'avoir grandi ici et d'avoir eu pour voisin une légende de cette ville, ra‐ conte-t-il.

Ce voisin, c'est Tajon, Jona‐ than, Atiba, Junior, Doneil. Il y en a tant. C'est une grande fratrie, précise-t-il.

Pour moi, étant le plus jeune, grandir [à Brampton] en les voyant faire et sachant que je veux atteindre leur ni‐ veau, voire être même meilleur, ça m'inspire. Ça me donne espoir.

Ce n'est pas qu'au soccer – ou au football. C'est partout, pour vrai. En musique ou dans tous les domaines, Brampton produit beaucoup de talents!

Jayden Nelson

Nelson dit que la pro‐ chaine génération, déjà dans les rangs du programme na‐ tional, est affamée, inspirée par les succès de leurs compa‐ triotes. Ce n'est plus le Cana‐ da qu'on a connu quand on était petit, vous savez? C'est un nouveau Canada, dit-il.

Alors qu'une frénésie pour le soccer s'empare du pays tout entier, il ne peut s'empê‐ cher de rêver au Mondial 2026 qui sera organisé conjointe‐ ment par le Canada, les ÉtatsUnis et le Mexique. Il aura alors de bonnes chances de faire honneur à tout un pays, mais d'abord et avant tout à une communauté qui lui est chère.

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