Radio-Canada Info

Après un décès à l’urgence, des citoyens manifesten­t à Moncton, outrés et stupéfaits

-

Des citoyens se sont ras‐ semblés samedi après-midi devant l’Hôpital de Monc‐ ton, bouleversé­s de la mort d’un homme dans la cin‐ quantaine, qui est décédé dans la salle d’urgence dans la nuit de mardi à mercredi.

Le défunt est décrit comme un pilier de la com‐ munauté par l’Associatio­n musulmane de Moncton, qui avait lancé l’idée de cette ma‐ nifestatio­n.

Plusieurs des personnes rassemblée­s connaissai­ent bien le disparu. Installé à Moncton depuis plus de 20 ans, celui que plusieurs ont appelé le Grand Mohammad était aimé par tout le monde et respecté par tout le monde, a dit Mohammed Tom, rencontré devant l’hôpi‐ tal.

Presque tous les nou‐ veaux arrivés sur Moncton, qu'ils soient de l'Afrique, qu'ils soient de l'Asie, il était tou‐ jours là à nous aider, dit-il. Le défunt a laissé 5 enfants. Ac‐ tuellement, leur maman est à l'extérieur du pays et les en‐ fants, ils sont à la maison tout de suite.

Le disparu avait subi une interventi­on chirurgica­le moins de 48 heures avant sa mort. On lui avait dit de se rendre immédiatem­ent à l’ur‐ gence s’il ressentait des dou‐ leurs sévères pendant sa convalesce­nce. C’est ce qui s’est produit. Mais quelques heures après son arrivée à l’urgence, il s’est effondré dans la salle d’attente.

Personnell­ement si j'avais su qu'il serait ici jusqu'à ce qu'il tombe, je ne l'aurais même pas amené à l'hôpital, car c'est pas l'hôpital qui va sauver des vies, se décourage Mohammed Tom.

Au moins trois personnes sont mortes à l’urgence en at‐ tendant des soins, ces der‐ niers mois au NouveauBru­nswick. Est-ce qu'on doit patienter jusqu'à ce qu'on dé‐ cède?, s’offusque Oussama Abbes, lui aussi rencontré de‐ vant l’Hôpital de Moncton. Il se demande combien de morts il faudra, encore, pour que les gouverneme­nts soient aussi indignés qu’eux.

Ça s'appelle l'urgence. Si‐ non, il faut enlever l'enseigne et mettre un autre nom. Oussama Abbes

Le défunt, qui avait survé‐ cu à une greffe de rein, était d’ailleurs inquiet de voir les autres décès aux urgences, Mohammed Tom se souvient d’avoir eu cette conversati­on avec lui. Même pas deux mois, lui-même vient de subir la même conséquenc­e, se dé‐ sole-t-il maintenant.

C'est trop. Une urgence, c'est quelque chose qu'on traite immédiatem­ent, pour‐ suit M. Tom. On ne peut pas te garder pendant 9 heures, 10 heures, 11 heures, et puis jusqu'à ce que tu vas mourir. Nous voulons un change‐ ment. Nous voulons que le système soit revu.

Ce que je souhaite, c’est que le système change. Il s’agit de vies, déclare Younous Bichara.

Plusieurs des manifestan­ts rencontrés ont exprimé l’idée que la situation est dysfonc‐ tionnelle et que les gens ne savent plus où aller chercher de l’aide. Il n'y a pas d'options. Même si tu évites l'urgence, tu pars à la clinique, on te ren‐ voie à l'urgence. Tu viens à l'urgence, c'est 12 heures , re‐ late M. Bichara. Pour venir à l'urgence, il faut te [libérer], il faut prendre une journée.

Il s'agit d'une vie. L'ur‐ gence, c'est un endroit où on vient pour être sauvé, pas un endroit où on vient pour s'as‐ soir.

Younous Bichara

Pour ces Néo-Canadiens, les troubles du système de santé canadien, un pays déve‐ loppé, rappellent-ils, sont in‐ compréhens­ibles.

La santé, plus grande déception

Je suis venu étudiant inter‐ national ici. J'ai aimé ce pays, et là je travaille. Tout est bon! Sauf le système sanitaire. C'est là où on rencontre les plus grandes déceptions. Même chez nous, le système de santé, peut-être que c'est difficile. Mais au moins, on te prend en charge, déplore You‐ nous Bichara, qui est origi‐ naire du Tchad.

C’est comme vraiment dé‐ cevant. Décevant pour un im‐ migrant qui vient et qui voit des choses comme ça au Ca‐ nada, mentionne Mohammed Tom, citoyen canadien arrivé du Ghana il y a plus de 7 ans. C'est très difficile d'expliquer ça en Afrique.

Je viens de la Tunisie, dit Oussama Abbes. À ma famille, je leur ai dit que j'ai attendu à l'urgence 7 heures. Ils ne me croient pas. Ils me disent : non, t'es pas au Canada, t’es peut-être dans un autre pays, ou bien tu blagues. Non! Je leur dis : je suis au Canada et c'est ça la réalité. Je dis ça avec, vraiment… mal au coeur.

Visiblemen­t bouleversé par ce décès à l’urgence, M. Tom souligne la mort d’un homme cette semaine dans une toilette devant l’hôtel de ville de Moncton. Il se de‐ mande si les gouverneme­nts se préoccupen­t de tous ces gens. Apparemmen­t, per‐ sonne ne pense à personne. Surtout quand il s'agit du sys‐ tème de santé ou du dévelop‐ pement social, les gens sont laissés à la merci de la nature, dit-il. C’est des êtres humains!

Où sont-ils quand les per‐ sonnes crèvent dans la salle d'attente?

Mohammed Tom

Oussama Abbes ne connaissai­t pas personnell­e‐ ment le défunt. Il dit être ve‐ nu par solidarité, car la situa‐ tion l’a interpellé.

Des solutions aux pro‐ blèmes de main-d'oeuvre

Il explique avoir lui-même avoir eu des mésaventur­es à l’urgence du CHU Dumont après y avoir amené son en‐ fant, après que l’école lui eut téléphoné pour lui dire qu’il s’était blessé à la tête en fai‐ sant du sport. By the way, c'est le même système. On est ici devant l'hôpital anglo‐ phone, mais c'est la même réalité à l’hôpital français, lance M. Abbes.

Les médecins, ils sont là, croit M. Abbes. Il y a des mé‐ decins qui ont conduit des taxis pendant longtemps. Ils ont désespéré, ils ont quitté par la suite, ils sont allés à Montréal, ils sont allés dans d'autres provinces, même dans d'autres pays.

Pourquoi ils ne les re‐ crutent pas? Pourquoi ils ne leur donnent pas la chance d'aider les personnes et les ci‐ toyens qui sont en train de mourir maintenant dans nos hôpitaux du Nouveau-Bruns‐ wick?, demande-t-il.

M. Abbes dit que ces drames causent de l’inquié‐ tude tant chez les Canadiens d'origine que chez ceux d’adoption. Les gens doutent de leur système de santé, dé‐ plore-t-il, et ne savent pas s'ils vont avoir de l'aide.

Triage approprié , dit le réseau de santé

Cette semaine, le réseau de santé Horizon avait confir‐ mé un décès à l’urgence de l’Hôpital de Moncton.

Selon le Dr Serge Melan‐ son, chef des services cli‐ niques des urgences du ré‐ seau de santé Horizon, le triage avait été effectué de fa‐ çon appropriée, le patient avait été surveillé par le per‐ sonnel et il avait passé des examens préliminai­res. Toute‐ fois, l’urgence débordait, pré‐ cisait-on.

En juillet, un homme âgé avait été retrouvé mort dans la salle d'attente de l'hôpi‐

tal Chalmers, à Fredericto­n. Un mois plus tard, un autre patient en attente de soins était mort à l'urgence de l'Hô‐ pital de Moncton.

D’après le reportage de

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada