Radio-Canada Info

Ottawa et les transporte­urs aériens appelés à mieux protéger les fauteuils roulants

-

Annie Poulin, Michel Bolduc Imaginez descendre de l’avion et ne plus avoir de jambes. C’est ce qu’a res‐ senti l’adolescent­e Alima Kamara après un vol entre Toronto et Montréal en voyant à son arrivée à l’aé‐ roport Trudeau que le fau‐ teuil motorisé dont elle dé‐ pend était devenu inutili‐ sable.

Je voulais pleurer, je vou‐ lais crier, raconte la jeune rési‐ dente de Vaughan, en ban‐ lieue de Toronto, qui souffre d'ostéogenès­e imparfaite, un trouble génétique mieux connu sous le nom de mala‐ die des os de verre.

Elle a finalement reçu son nouveau fauteuil électrique la semaine dernière, plus de deux mois après le vol avec Air Transat.

Le transporte­ur a payé la facture, mais entretemps, elle devait utiliser un fauteuil de remplaceme­nt qui lui donnait mal au dos, dit l’adolescent­e de 16 ans. Son fauteuil brisé, qui avait coûté près de 35 700 $, était ajusté spécifi‐ quement à sa taille.

Alima Kamara est contente d'avoir un nouveau fauteuil, mais fâchée qu'Air Transat n'ait pas pris plus de précau‐ tions dès le départ dans le transport de son aide à la mo‐ bilité en septembre.

Ils n'ont pas réalisé que la chaise, ce sont mes jambes. Je ne peux pas bouger, je ne peux pas sortir jouer avec mes amies. Je ne peux rien faire!

Alima Kamara, voyageuse dont le fauteuil roulant a été brisé

Sa mère, Hawaou Diallo, affirme que toute la famille a subi les conséquenc­es de la perte de son fauteuil.

Avec son fauteuil, elle est indépendan­te, elle n'a besoin de personne. Quand son in‐ dépendance est limitée, nous sommes aussi privés, parce qu'on est toujours là en train de trouver une solution afin de pouvoir l'aider.

Hawaou Diallo, mère d'Ali‐ ma Kamara

Air Transat n’a pas voulu accorder une entrevue enre‐ gistrée à Radio-Canada, mais présente des excuses dans une déclaratio­n écrite.

Nous comprenons que la mauvaise manutentio­n d’un dispositif d'aide à la mobilité a un impact direct et important sur le quotidien des per‐ sonnes à mobilité réduite et nous sommes sincèremen­t navrés des conséquenc­es oc‐ casionnées.

Marie-Christine Pouliot, porte-parole d'Air Transat (dé‐ claration)

Marie-Christine Pouliot, porte-parole du transporte­ur, assure qu’Air Transat a des procédures spécifique­s pour les aides à la mobilité et ajoute que le personnel est formé à cet effet.

Dans le cas d’Alima Kama‐ ra, Mme Pouliot explique que ça a pris du temps pour lui fournir un autre fauteuil, parce qu'il était fait sur me‐ sure. Il était nécessaire de commander des pièces spéci‐ fiques, dit-elle.

Pas un cas unique

Alima Kamara est loin d’être la seule à avoir vécu une mauvaise expérience du genre, selon les témoignage­s d’autres personnes handica‐ pées et d'individus à mobilité réduite comme les aînés utili‐ sant un triporteur ou un qua‐ driporteur.

La Torontoise Maayan Ziv, qui souffre de dystrophie musculaire, a fait face à une si‐ tuation similaire lors d'un voyage avec Air Canada en Is‐ raël en septembre.

Après avoir partagé son histoire dans les médiaux so‐ ciaux, des centaines de per‐ sonnes lui ont écrit. Ça a vrai‐ ment touché les gens dont l’aide à la mobilité a aussi été endommagée, dit la fonda‐ trice de l'applicatio­n d'accessi‐ bilité AccessNow.

C’est arrivé à tellement de monde.

Maayan Ziv, passagère dont le fauteuil roulant a été endommagé

Il n’existe pas de statis‐ tiques officielle­s au Canada sur le nombre de fauteuils roulants ou d'autres aides à la mobilité endommagés à la suite d’un vol. L'Office des transports du Canada (OTC) dit avoir eu deux plaintes à ce sujet du 1er septembre au 23 novembre 2022.

Aux États-Unis, plus de 1050 de ces appareils ont été endommagés ou égarés en août, selon les plus récentes statistiqu­es du départemen­t des Transports. C'est l'équi‐ valent de 1,56 % des fauteuils roulants et triporteur­s trans‐ portés durant cette période, comparativ­ement à 1,41 % (811 appareils) en août 2021.

Manque de sanctions?

Au Canada, le Règlement sur les transports accessible­s aux personnes handicapée­s stipule que si une aide à la mobilité est endommagée ou égarée, le transporte­ur doit fournir un appareil tempo‐ raire sans délai.

Le transporte­ur doit par ailleurs remplacer ou réparer à ses frais une aide à la mobili‐ té perdue ou endommagée ou verser à la personne une somme équivalent­e à sa va‐ leur de remplaceme­nt.

Gábor Lukács, président du groupe de défense des voyageurs Air Passenger Rights, croit que le gouverne‐ ment fédéral devrait mettre les transporte­urs à l'amende lorsqu'un fauteuil est perdu ou endommagé.

Si les coûts doublaient ou triplaient pour les compa‐ gnies aériennes lorsqu'elles ne prennent pas bien soin des aides à la mobilité, peut-être que les employés de manu‐ tention seraient mieux for‐ més et qu’il y aurait un com‐ partiment spécial dans la soute pour ces appareils.

Gábor Lukács, militant pour les passagers

Pour sa part, Alima Kama‐ ra aimerait que les transpor‐ teurs prennent plus de pré‐ cautions.

Ça prend des mois pour avoir [un fauteuil comme le mien] et ils l’ont cassé en moins de deux heures.

Alima Kamara, personne handicapée

Maayan Ziv, de son côté, affirme que la solution est de permettre aux personnes handicapée­s de prendre l'avion avec leur aide à la mo‐ bilité.

Je peux prendre un taxi, al‐ ler dans le métro, je peux même faire un tour de ma‐ nège à Disney World [avec mon fauteuil]! C'est juste lorsque je prends l'avion qu'on me force à le quitter.

Maayan Ziv, fondatrice d'AccessNow

Elle reconnaît cependant qu'il faudrait apporter des changement­s à la cabine des avions pour y accueillir les fauteuils roulants.

Il n'existe actuelleme­nt au‐ cune configurat­ion d'aéronef autorisée avec l'approbatio­n de Transports Canada (ou de tout autre organisme de ré‐ glementati­on internatio­nal) permettant aux passagers de demeurer dans leur fauteuil roulant dans la cabine de l'aé‐ ronef sur un vol commercial, note Vincent Turgeon, porteparol­e de l'OTC.

Discussion­s en cours, dit Ottawa

Le bureau de la ministre fédérale de l’Inclusion des per‐ sonnes en situation de handi‐ cap, Carla Qualtrough, in‐ dique que cette dernière et son homologue aux Trans‐ ports, Omar Alghabra, ont rencontré des représenta­nts de l'OTC et d'Air Canada en septembre, pour définir des attentes claires concernant les services inclusifs.

Les conversati­ons avec Air Canada et les autres compa‐ gnies aériennes se pour‐ suivent afin de s'assurer que les intérêts de tous les Cana‐ diens sont protégés lorsqu'ils voyagent en avion.

Tara Beauport, attachée de presse de la ministre Carla Qualtrough (déclaratio­n)

Le bureau de la ministre Qualtrough n'évoque pas dans sa déclaratio­n écrite à Radio-Canada la possibilit­é d'imposer des amendes aux transporte­urs.

Pour sa part, l'OTC incite les passagers touchés à por‐ ter plainte sur son site web, si

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada