Radio-Canada Info

Un Saguenéen aide à briser les tabous sur la schizophré­nie auprès de policiers

- Flavie Villeneuve

Les policiers de Longueuil changent leurs pratiques à travers le projet Immersion qui aborde la détresse psy‐ chologique. Dans les rangs de cette formation unique au Québec, le Saguenéen Maxime Morency, atteint de schizophré­nie, brise les tabous sur sa maladie.

En octobre 2016, il a reçu un diagnostic de schizophré‐ nie. Il voit et entend des choses que personne d'autre ne perçoit.

Au pire de ma condition, on était moi plus 14, confie-til. C'était une cacophonie in‐ fernale. Il y en a qui voulaient m'aider, il y en a qui voulaient me saboter, j'aime encore au‐ jourd'hui les dessiner puisque ça m'aide à extérioris­er, ça m'aide à montrer aux gens : "Voici ce que je vois, voici ce que j'entends."

Maxime Morency a aussi vécu des périodes de para‐ noïa et de pertes de contact avec la réalité. Mais au‐ jourd'hui, épaulé par ses proches et soigné par des mé‐ dicaments, sa vie est équili‐ brée.

J'aime me considérer comme la personne instable, la plus stable que ma famille connaisse

Maxime Morency

Le jeune homme de 25 ans veut désormais expliquer ce qu'il vit et surtout éclairer sur la schizophré­nie. Il a été contacté par l’intervenan­t en santé mentale Farid Bekal qui avait repéré sur Internet un reportage le concernant fait par des étudiants. Juste à écouter cette vidéo, je voulais le rencontrer. C’était extraor‐ dinaire la manière dont il ex‐ pliquait la schizophré­nie. [...] C’est très important d’avoir des personnes comme Maxime qui viennent expli‐ quer ce qu’ils vivent, raconte Farid Bekal. Il le fait pour lui, mais en même temps il dé‐ mystifie la schizophré­nie.

Le programme Immersion plonge les patrouille­urs ou encore les professeur­s en techniques policières directe‐ ment dans le milieu pour être mieux outillés lors d'interven‐ tions reliées à de la détresse psychologi­que. Maxime Mo‐ rency a donné deux confé‐ rences et à chaque fois, il a eu des dizaines de questions de la part des participan­ts.

Je ne suis qu'une seule par‐ tie d'un gros programme mis en place par Longueuil pour éduquer les policiers au sujet des différente­s maladies men‐ tales et comment intervenir avec des personnes comme moi, en fait, mentionne-t-il. Une bonne question qu'on m'a demandé durant les deux conférence­s, c'est : "Quel est votre objectif à nous raconter tout ça aujourd'hui?" C'est vraiment d'aider les gens à voir la maladie d'une autre manière. Non je ne suis pas schizophrè­ne, je suis atteint de la schizophré­nie. Je suis Maxime Morency.

Changer les perception­s

Pour la sergente au Service de police de l'agglomérat­ion de Longueuil (SPAL), Stépha‐ nie Jalbert, l'histoire et le res‐ senti de Maxime apportent un autre discerneme­nt. C'est un coup de coeur Maxime, ditelle d'emblée. Souvent on avait une perception que si on avait un diagnostic de schi‐ zophrénie, c'était comme une condamnati­on à vie. C'est peut-être parce que nous à la police quand on intervient, c'est souvent en situation de crise. Et on se disait, quand tu as un diagnostic comme ça il n'y a rien à faire, tu ne peux pas fonctionne­r en société, pas avoir de travail ni aller à l'université. Puis finalement, la rencontre avec Maxime a tout changé.

Stéphanie Jalbert re‐ marque surtout que prendre le temps peut faire toute une différence dans l'interactio­n.

Maintenant avec ce qu'il nous a raconté, ça change notre façon de voir. Si on a à intervenir avec une per‐ sonne : "Ok cette personne-là, en plus de m'écouter, elle a peut-être plusieurs voix qui lui parlent". Ç'a un impact ma‐ jeur sur une prochaine inter‐ vention!

Maxime Morency est jus‐ tement déterminé à rompre les clichés.

Juste à montrer qu'une personne avec mes symp‐ tômes peut vivre une vie sen‐ siblement normale. Je veux dire quand on me regarde dans la rue, j'imagine que per‐ sonne ne doit se dire : "Lui, il a l'air schizophrè­ne". Personne ne dit ça à mon travail ni à mon école ni personne dans mon entourage pour ceux qui ne le savent pas encore. Quoi‐ qu'ils vont probableme­nt le savoir avec cette entrevue-là, exprime-t-il en riant.

À regarder :

Intervenan­ts sociaux : ils patrouille­nt pour aider les po‐ liciers

Le projet Immersion a été mis en place en 2019. Ce pro‐ gramme répond à un besoin d'être mieux formé à la santé mentale. Ce programme a été pensé de type immersif sur l'expérience, le vécu et la rela‐ tion directe avec différents milieux. Au lieu d'écouter des théories, l'idée est de plonger

les policiers dans une immer‐ sion du milieu pour mieux adapter leurs interventi­ons, a alors ajouté la conseillèr­e en relations et mobilisati­ons des communauté­s au SPAL, Ga‐ briela Coman, qui a égale‐ ment participé à la création du projet Immersion.

Ce programme a été fa‐ çonné à Longueuil et pour le moment il est seulement don‐ né à des policiers du SPAL qui sont formés pendant cinq se‐ maines. Plusieurs corps poli‐ ciers ont déjà démontré leur intérêt pour le programme.

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