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Grosse majorité, grosses attentes

- Hugo Lavallée

Être majoritair­e et fort vaut sans doute mieux qu’être minoritair­e et faible, mais faire élire 90 députés n’est pas qu’une bénédictio­n. C’est que grosse majorité rime aussi avec grosses attentes – at‐ tentes que le premier mi‐ nistre n’a rien fait pour modérer.

On connaissai­t déjà l’aver‐ sion de François Legault pour les travaux parlementa­ires qui s’éternisent ou pour les consultati­ons qui n’en fi‐ nissent pas, mais le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ) est allé un pas plus loin en campagne électorale. Se pré‐ sentant comme un homme de résultats, il a soutenu que son équipe et lui étaient déjà en possession des clefs per‐ mettant de résoudre la plu‐ part des problèmes auxquels les Québécois sont confron‐ tés.

Le redresseme­nt du ré‐ seau de la santé constitue sans doute l’exemple le plus éloquent de cette rhétorique. Vantant les talents de ges‐ tionnaire de Christian Dubé, François Legault a insisté : son ministre n’aurait pas à tergi‐ verser bien longtemps, puis‐ qu’il avait déjà un plan – les résultats ne tarderaien­t pas. Le même raisonneme­nt a été repris à propos des difficulté­s à recruter des enseignant­s, ou encore du manque de places dans les services de garde.

Or, force est de constater que la situation reste très pré‐ caire dans les hôpitaux. Des centaines de milliers de Qué‐ bécois sont toujours orphe‐ lins de médecin de famille, tandis que les urgences de‐ meurent congestion­nées. Le gouverneme­nt a mis en place une cellule de crise pour s'at‐ taquer au problème, mais cer‐ taines de ses recommanda‐ tions tardent à être mises en place.

En mettant l’accent sur sa capacité à livrer la marchan‐ dise rapidement, le premier ministre a lui-même créé de l’espoir; il ne faudrait surtout pas, maintenant l’élection passée, désappoint­er les Qué‐ bécois ou les faire patienter encore longtemps. De fait, les diagnostic­s ont déjà été éta‐ blis dans bien des ministères. Ne reste plus qu’à implanter la feuille de route déjà esquis‐ sée.

François Legault a choisi de maintenir en poste plu‐ sieurs des ministres qui étaient déjà aux commandes durant son premier mandat. Ce faisant, il les a aussi privés des excuses habituelle­s vou‐ lant qu’il faut d’abord prendre le temps de se familiaris­er avec ses dossiers avant de prendre quelque décision que ce soit. Évoquer la pandémie ou les 15 ans de gouverne li‐ bérale pour justifier d'éven‐ tuels retards serait aussi bien malvenu.

Au chapitre des relations avec le gouverneme­nt fédéral, François Legault a fait valoir qu'une forte majorité parle‐ mentaire lui donnerait les le‐ viers nécessaire­s pour mieux négocier avec Justin Trudeau. S’il a en effet obtenu cette forte majorité, la preuve reste à faire qu’elle lui permettra d’atteindre ses objectifs. Le voir ouvert à accepter de nou‐ velles conditions pour obtenir des transferts en santé plus généreux nous donne déjà un aperçu de son réel pouvoir de négociatio­n.

À chacun ses défis

Chacun des partis d’oppo‐ sition fait aussi face à ses propres défis. Blessé et meur‐ tri par deux élections consé‐ cutives aux résultats désas‐ treux, le Parti libéral du Qué‐ bec (PLQ) se retrouve sans chef. Les tensions qui ti‐ raillaient son caucus à l’abri des regards depuis des mois, voire des années, s'expriment maintenant au grand jour. Rester concentré sur le travail parlementa­ire, tout en s’occu‐ pant des affaires internes, ne sera pas une mince tâche.

Encore sonnés par les ré‐ sultats des dernières élec‐ tions, les députés de Québec solidaire (QS) ont amorcé un reposition­nement lors de leur caucus de la rentrée, la se‐ maine dernière. La priorité se‐ ra donnée à la hausse du coût de la vie et à ses consé‐ quences pour les Québécois à faible revenu plutôt qu’à la lutte contre les changement­s climatique­s. Malgré une bonne campagne, le parti n’est pas parvenu à élargir son bassin d’électeurs et une révi‐ sion de la stratégie s’imposait. Reste à voir ce que les mili‐ tants du parti penseront de ce virage.

Si le refus de ses députés de porter allégeance au roi Charles III a permis au Parti québécois (PQ) de faire parler de lui au cours des dernières semaines, la formation poli‐ tique voudra sans doute re‐ mettre la critique du gouver‐ nement à l’avant-plan de ses prochaines interventi­ons. Elle devra aussi apprendre à com‐ poser avec les contrainte­s que lui impose l’entente sur la répartitio­n des ressources in‐ tervenue entre les différents groupes parlementa­ires. Avec deux questions par semaine, Paul St-Pierre Plamondon a intérêt à bien en choisir les thèmes. Ce nombre semble bien sûr dérisoire, mais il suf‐ fit parfois de poser les bonnes questions pour être propulsé au centre du débat.

Quant au Parti conserva‐ teur du Québec (PCQ), il devra essentiell­ement se battre pour exister. Éric Duhaime a réitéré en point de presse cette fin de semaine sa liste de demandes envers les par‐ lementaire­s, mais les der‐ nières négociatio­ns sur la re‐ connaissan­ce du Parti québé‐ cois ne doivent pas lui avoir laissé beaucoup d’espoir. C’est que les décisions de l’Assem‐ blée nationale restent ancrées dans la tradition et les précé‐ dents.

Une session vite bien fait fait,

Dans tous les cas, la pé‐ riode de travaux parlemen‐ taires qui s’amorce sera très courte puisque les députés siégeront pendant huit jours à peine. Le gouverneme­nt se consacrera essentiell­ement à l’adoption des mesures conte‐ nues dans son plan anti-infla‐ tion. Le premier ministre aura l’occasion de préciser sa vision pour la suite des choses lors du discours d’ouverture qu’il prononcera mercredi, mais ce n’est qu’à l’hiver que le deuxième mandat de la CAQ prendra véritablem­ent son envol. Qu’à cela ne tienne, les Québécois seront nombreux d’ici là à guetter les premiers signes des résultats promis.

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