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Au nord d’Albany : fuir pour mieux se retrouver

- (source : YouTube)

Marianne Farley présente son premier long métrage, en salle à compter du 2 dé‐ cembre

Son court métrage Mar‐ guerite avait récolté une no‐ mination aux Oscar. Le sui‐ vant, Frimas, l’avait frôlée. Et toujours, dans le travail de Marianne Farley, ces mêmes droiture et douceur mêlées pour aborder des sujets pro‐ fonds, intimes (l’homosexual­i‐ té, l’avortement…). Pour son passage au long avec Au nord d’Albany, c’est encore cette même honnêteté sans préci‐ pitation qui frappe dans ce re‐ gard posé sur une mère prête à tout fuir pour protéger sa fille, mais dont la route est bloquée près d’un village des Adirondack­s après une panne de voiture.

Nous avons rencontré Ma‐ rianne Farley.

Au nord d’Albany est né d’un de vos mauvais souve‐ nirs… Pouvez-vous nous en dire plus? Marianne Farley:

En fait, mon frère habite aux ÉtatsUnis, au New Jersey.

Il y a huit ans, j’étais allée le visiter avec mes garçons, et en rentrant, je suis tombée en panne sur le bord de l’auto‐ route. J’étais un peu prise en otage, parce que ça a pris en‐ viron deux semaines avant que la voiture soit réparée. Mon ex, Claude Brie, qui a coscénaris­é le film, avait dû venir me chercher!

Ce sentiment d’être seule avec mes deux enfants, la dif‐ ficulté à communique­r avec des mécanicien­s pas toujours sympathiqu­es, ce côté inter‐ minable et surréalist­e ont ins‐ piré le scénario. C’était ma fa‐ çon de faire la paix avec cette aventure, d’y trouver même du positif, même si bien sûr le reste du film n’a rien à voir avec mon histoire.

Le film n’a pas été tour‐ né sur place, mais il se si‐ tue dans les Adirondack­s. Pourquoi cet endroit vous inspirait-il? M. F.:

Chaque fois que je suis sur l’autoroute 87, ou sur une route américaine dans ce coin-là, je remarque qu’il y a un téléphone à chaque kilo‐ mètre: on perd vraiment contact avec le monde exté‐ rieur, les cellulaire­s ne fonc‐ tionnent plus, il y a quelque chose d’anxiogène.

Pour mon personnage qui veut fuir à tout prix, ça créait

un contexte intéressan­t. En plus, bien sûr, visuelleme­nt, c’est un endroit magnifique, en particulie­r à l’automne. C’est sublime!

Tous les personnage­s du film sont en fuite, sauf la vieille dame. Est-ce une fa‐ çon de dire que l’être hu‐ main manque un peu de courage jusqu’à ce qu’il gagne en maturité? M. F.:

Ce n’était pas une décision consciente, mais oui, effectivem­ent, ce l’est peutêtre, même si cette vieille dame fuit quand même un peu dans son imaginaire!

Cela dit, je crois que les êtres humains sont bourrés de contradict­ions. La fuite est un thème universel, on a tous et toutes des zones de fuite : l’alcool, le travail, soi-même, les autres… Le point de dé‐ part du scénario était vrai‐ ment d’explorer ces zones et de comprendre aussi que de l’autre bord de ces fuites, il y a la solitude.

C’est souvent la consé‐ quence. Mon travail est tra‐ versé aussi, je crois, par l’idée de rencontres, de comment le contact avec l’autre peut nous chambouler et nous forcer à faire face à nous-mêmes; je trouve ça riche et beau.

Au-delà de la fuite, le film évoque aussi la paren‐ talité comme un lieu d’er‐ reurs et de culpabilit­é… M. F.:

Absolument! C’est mon vécu!

C’est tellement complexe, être parent. On fait notre pos‐ sible, mais nous aussi, on dé‐ borde de contradict­ions, on essaye de trouver les meilleures solutions pour nos enfants, mais on doit aussi faire face à nous-mêmes. De‐ puis que j’ai des enfants, je me questionne constammen­t!

C’est complexe et je trouve qu’on en parle peu. Il y a au‐ tant de façons d’élever des en‐ fants que de parents sur la planète. Malheureus­ement, il n’y a pas de mode d’emploi [rires], ou s’il y en a un, je le cherche depuis très long‐ temps!

Dans la presse, Céline Bonnier, qui joue cette mère de famille investie, a parlé de votre rencontre comme d’un « coup de foudre profession­nel ». Êtes-vous du même avis? M. F.:

Oh, je l’aime assez! Pour moi aussi, c’était un coup de foudre. C’est indénia‐ blement une grande actrice en plus d’être une femme in‐ croyableme­nt généreuse, une leader, une force tranquille. Elle est vraiment en maîtrise de son art et tellement ou‐ verte aux autres, à l’écoute de tout ce qui se passe sur le pla‐ teau, jamais dans l’ego.

C’est magique de travailler avec elle.

Et Zeneb Blanchet? M. F.:

Dans le scénario, le personnage de Sarah est mé‐ tis. En tant que cinéaste, la di‐ versité à l’écran est impor‐ tante pour moi, mais il y avait aussi une part d’instinct à vouloir avoir une actrice de la diversité, mais sans lui faire jouer le rôle d’une minorité, et surtout à ne pas avoir un film avec uniquement des Blancs. On cherchait cependant peutêtre quelqu’un d’un peu moins… magnifique. Le per‐ sonnage était en surplus de poids, un peu mal dans sa peau, mais Zeneb est telle‐ ment une bonne actrice que ce côté awkward de l’adoles‐ cence était parfaiteme­nt ren‐ du.

En audition, elle a vrai‐ ment jeté tout le monde à terre.

Complément­s: Marianne Farley a réali‐ sé son premier long mé‐ trage en pleine pandémie Le balado

Plein écran, épi‐ sode 18 : C’est quoi, le ciné‐ ma d’auteur?, avec Marianne Farley et Geneviève Dulude DeCelles Zeneb Blanchet à Bonsoir, bonsoir! Céline Bon‐

nier: la sensibilit­é comme leitmotiv Au nord d’Albany, en salle le 2 décembre.

La bande-annonce

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