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Le nombre de sans-abri explose à Toronto sur fond de froid hivernal

- Myriam Eddahia

Toronto n’a jamais vu au‐ tant de sans-abri dans la ville. Le système de refuges est presque toujours au maximum de sa capacité alors que les températur­es sont déjà froides pour la saison.

Le système de refuges to‐ rontois accueille en ce mo‐ ment plus de 8200 personnes chaque jour. Il s’agit de 1600 personnes de plus par nuit qu'à la même période l'an dernier.

La Ville de Toronto fourni‐ ra des refuges d'urgence et de nouveaux logements à plus de 9000 personnes dans le be‐ soin cet hiver.

Il y a des pressions indé‐ niables sur le système de re‐ fuges et nous nous attendons à ce que la demande continue d'augmenter pendant les mois d'hiver, affirme la Ville de Toronto.

Bien sûr, je m'inquiète de l'hiver. Je sens qu'il sera parti‐ culièremen­t pénible, dit Mu‐ khtar Abdullahi, 40 ans.

L'homme est arrivé au Ca‐ nada en tant que réfugié il y a 22 ans, avant de s'installer à Toronto, il y a neuf ans. Mais il est en situation d'itinérance depuis 10 ans.

Chaque année, la situation empire, constate le membre du réseau Shelter & Housing Justice Network, Greg Cook.

L'intervenan­t de rue ra‐ conte que des personnes en situation d'itinérance lui de‐ mandent constammen­t des sacs de couchage et des tentes.

Nous avons une situation difficile à Toronto. [...] Les pos‐ sibilités de logement sont très minces en raison des prix qui ne sont pas abordables sur le marché immobilier et du manque d’aide financière pour trouver un logement, explique le directeur général des refuges, du soutien et des logements de la Ville de To‐ ronto, Gord Tanner.

Les services sont sabrés. Nous avons besoin que tous les ordres de gouverneme­nt fassent leur part pour s'assu‐ rer que les logements sociaux sont financés, que le prix des loyers soit encadré et qu'à court terme assez de places soient disponible­s dans les re‐ fuges à Toronto et partout au pays, ajoute Greg Cook. La situation est critique. Greg Cook, intervenan­t de proximité auprès des sansabri

Les gens en situation d'iti‐ nérance ont dû mal à avoir une place dans un refuge. En moyenne, 186 personnes se sont vu refuser une place dans un refuge, chaque jour, le mois dernier, explique Greg Cook.

Ce sont des personnes qui restent dans le froid à l'exté‐ rieur et qui veulent un lit dans un refuge, mais qui ne peuvent pas y avoir accès parce qu'ils sont pleins. De plus en plus de personnes se font expulser de leurs appar‐ tements parce qu'elles ne peuvent pas payer le loyer. Chaque semaine de plus en plus de gens meurent parce qu'ils n'ont pas de logement, ajoute-t-il.

Des gens ont déjà des en‐ gelures. Ils sont mal habillés, ils ont froid. Ils n'ont pas accès à des endroits chauds. On verra des morts à cause du froid cet hiver.

Greg Cook, membre du ré‐ seau Shelter & Housing Justice Network

Pendant ce temps, la Ville arrache les tentes et expulse les gens des parcs, affirme le travailleu­r de rue.

Une des solutions de la Ville pour répondre à la de‐ mande grandissan­te est d’augmenter la capacité d’ac‐ cueil dans les refuges en ré‐ duisant l’espace entre les lits.

Toronto évalue que ce changement permettra d’of‐ frir un toit à 1000 sans-abri de plus.

La Ville construit plus de logements avec des services de soutien que jamais. À To‐ ronto, 400 logements seront disponible­s au cours des pro‐ chains mois cet hiver, assure Gord Tanner.

On fait tout ce qu’on peut pour ajouter des lits au sys‐ tème de refuges et louer des chambres d’hôtel supplémen‐ taires, ajoute-t-il.

Toujours ments des campe‐

Un campement de sansabri est toujours en place dans le parc Allan Gardens au centre-ville de Toronto.

Greg Cook est très inquiet que le campement soit dé‐ mantelé à la suite de la réélec‐ tion du maire John Tory. Ces personnes n'ont nulle part où aller. Ce serait les mettre de plus en plus en marge, dans des endroits plus éloignés, plus dangereux et loin des services, dit-il.

Les résidents d'Allan Gar‐ dens se font régulièrem­ent harceler par la police et des employés municipaux, ra‐ conte l'intervenan­t de rue.

Notre équipe est sur le ter‐ rain à Allan Gardens chaque jour, souligne le directeur gé‐ néral des refuges, du soutien et des logements de la Ville de Toronto.

Gord Tanner estime qu’il y a entre 20 et 30 [tentes] dans le campement au parc Allan Gardens à l’heure actuelle.

Environ 200 personnes qui étaient installées au parc Allan Gardens ont été placés dans des espaces intérieurs cette année, ajoute-t-il.

Gord Tanner n’a pas voulu dire si la Ville allait tolérer ou non le regroupeme­nt de tentes, mais il assure vouloir voir ces gens être à l’intérieur cet hiver. Il affirme toutefois qu’il n’y a pas de plan de dé‐ mantèlemen­t du campement à ce point-ci.

À l’échelle de la ville, il est difficile d’évaluer combien de personnes vivent dehors, dit M. Tanner qui estime que des centaines de sans-abri sont installés à l’extérieur.

Selon le réseau Encamp‐ ment Support Network, 1500 personnes dorment de‐ hors.

Gord Tanner reconnaît que bâtir un lien de confiance avec ces personnes en situa‐ tion d’itinérance est essentiel pour les aider à trouver une solution qui ne soit pas tem‐ poraire.

Hôtels comme refuges temporaire­s

Au début de la pandémie, 2500 sans-abri ont été dépla‐ cés hors du système de re‐ fuges vers 27 endroits loués par la Ville, dont 21 hôtels, af‐ firme Gord Tanner. Il estime qu'environ 3000 personnes sont actuelleme­nt logées dans ces refuges temporaire­s.

Toronto continue d'exploi‐ ter des refuges d'urgence temporaire­s dans 25 hôtels de la ville.

Certains hôtels retourne‐ ront à leurs activités initiales, dit-il, dont un, d'ici la fin de l'année. Pour que ce soit une transition graduelle, la Ville a prolongé la location de la ma‐ jorité de ces emplacemen­ts, assure M. Tanner.

L'hôtel Novotel, qui a été transformé en refuge pour sans-abri pendant la pandé‐ mie, retournera bientôt à ses activités régulières. Le Novo‐ tel ne sera plus un refuge à partir du 6 décembre, dit Greg Cook. Il explique que la Ville de Toronto est en train d'ex‐ pulser plus de 200 personnes sans-abri qui avaient accès à leur propre chambre au cours des dernières années.

Mukhtar Abdullahi fait par‐ tie de ceux qui résident ac‐ tuellement au Novotel. Le père de famille ne sait pas quoi faire à l'approche de Noël. Je ne vois pas de sou‐ tien. Je ne peux pas dormir en paix parce que je ne sais pas quand ils me diront de partir, dit-il, inquiet.

La majorité de ces per‐ sonnes n'auront pas accès à des logements. Ils seront mis à la rue ou placés dans des lieux d’hébergemen­t collectif au sein du système de re‐ fuges, précise l'intervenan­t de rue Greg Cook.

Le Novotel Toronto Centre prévoit une réouvertur­e à l'été 2023.

En date du 28 novembre, 55 personnes résidaient tou‐ jours dans l'hôtel transformé en refuge, selon la Ville.

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