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Un projet de forêt de la guérison pour rendre hommage aux femmes autochtone­s disparues

- Thibault Jourdan Tina Fontaine

Désirée Thériault, une ar‐ chitecte franco-manito‐ baine et métisse, a imaginé une forêt de guérison pour rendre hommage aux femmes autochtone­s as‐ sassinées et disparues. Ce lieu de recueillem­ent ver‐ rait le jour aux Alexander Docks, à Winnipeg, où le corps de été découvert.

La jeune femme s’est inter‐ rogée sur le rôle du design dans la réconcilia­tion pendant ses études en architectu­re du paysage à l’Université du Ma‐ nitoba.

J’ai très vite réalisé à quel point l’histoire des femmes autochtone­s assassinée­s et disparues [n’apparaissa­it pas] dans nos villes, dit-elle.

Cette réflexion a poussé la francophon­e à imaginer une forêt de la guérison qui pour‐ rait voir le jour aux Alexander Docks. Ce lieu, situé en bor‐ dure de la rivière Rouge dans le centre-ville de Winnipeg, est très important parce que c’est là où le corps de Tina Fon‐ taine a été retrouvé, rappellet-elle.

Les restes de l’adolescent­e de 15 ans avaient été décou‐ verts en 2014, suscitant une vive émotion à l’échelle natio‐ nale et posant les bases à la mise sur pied de l’Enquête na‐ tionale sur les femmes et les filles autochtone­s disparues et assassinée­s.

Des dizaines d'érables rouges

À l’heure actuelle, aucune plaque ou affiche ne rend hommage à Tina Fontaine aux Alexander Docks. Le lieu est occupé par un terrain vague et un stationnem­ent, coincé entre le restaurant chic Cibo, le parc Fort Douglas, la promenade Waterfront et la rivière Rouge. Désirée Thé‐ riault, elle, voudrait transfor‐ mer l’espace en une forêt spi‐ rituelle.

Des érables rouges se‐ raient plantés, parce que c’est la seule couleur que les es‐ prits peuvent voir dans les histoires autochtone­s. Un chemin passerait au travers de cette forêt, en direction de la rivière Rouge, et les gens se‐ raient amenés vers un mur [où il y aurait] des perles avec les [noms] des filles et femmes disparues ou assassi‐ nées. Elles représente­raient tous les esprits, explique l’ar‐ chitecte paysagiste.

Dans notre ville, on n’a pas beaucoup d’espace où on peut commémorer les esprits qu’on a perdus trop tôt. C’est quelque chose que j’ai réalisé en faisant mon projet.

Désirée Thériault, archi‐ tecte franco-manitobain­e et métisse

Un foyer pour un feu sacré serait installé à l’endroit exact où Tina Fontaine a été retrou‐ vée. Il serait allumé à chaque fois qu’une femme autoch‐ tone disparaît ou meurt, dé‐ crit Désirée Thériault. [Ça se‐ rait] important de le raviver pour alerter la société qu’une nouvelle femme ou une fille est morte et la fumée mas‐ querait la vue du Musée cana‐ dien pour les droits de la per‐ sonne. Ça symboliser­ait la vio‐ lation continue des droits hu‐ mains.

Donner une voix aux fa‐ milles

Ce projet tient d’autant plus à coeur à la jeune femme depuis que le tueur en série présumé Jeremy Skibicki est accusé de quatre meurtres de femmes autochtone­s, qui ont tous eu lieu cette année. Mon coeur est absolument dévas‐ té. J'espère qu’en mettant des espaces pour réfléchir, on [pourra] rendre nos commu‐ nautés plus au courant [de la tragédie qui touche les femmes autochtone­s].

La jeune femme travaille d’ailleurs avec les familles des victimes autochtone­s qui ont disparu ou ont été assassi‐ nées à Winnipeg. Elle a ainsi réalisé une carte montrant les lieux où elles ont été vues pour la dernière fois.

Cette réalisatio­n a permis de donner aux familles une voix, selon l'élue néo-démo‐ crate Bernadette Smith. On se sent souvent seuls, dit la dé‐ putée qui a perdu sa soeur, Claudette Osborne-Tyo, en 2008. On a souvent l’impres‐ sion que nos proches ont été oubliés et que personne n’y prête attention.

La députée provincial­e es‐ père maintenant que la Ville de Winnipeg mettra en place le concept imaginé par Dési‐ rée Thériault. C’est quelque chose que la communauté veut, pense-t-elle.

Rien de concret

L’architecte paysagiste, elle, confie qu’il n’y a rien de concret pour le moment.

Je n’ai aucun soutien, mais j’ai parlé avec la Ville de Winni‐ peg et des organisati­ons au‐ tochtones qui seraient inté‐ ressées, développe-t-elle.

Dans un courriel, la capi‐ tale manitobain­e explique que 600 000 $ ont été mis de côté en avril pour financer de futurs aménagemen­ts d’Alexander Docks, mais qu’il est encore trop tôt pour sa‐ voir en quoi ils consistero­nt.

Le plan d’aménagemen­t du quartier de la Bourse, pré‐ senté cette année, mentionne cependant que les Alexander Docks ont une place particu‐ lière dans le coeur des Autoch‐ tones [...] et que les projets fu‐ turs devront garantir que les quais restent un lieu de guéri‐ son et de réconcilia­tion.

Aucune estimation de coût n’est cependant disponible pour le projet de Désirée Thé‐ riault. Je travaille sur ça en ce moment, assure-t-elle.

Avec des informatio­ns d'Ozten Shebahkege­t

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