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Oxfam réclame une aide immédiate pour la « crise oubliée » en Syrie

- Hugo Prévost

Le conflit en Syrie, devenu une « guerre oubliée », continue de tuer et de faire vivre l'enfer à la popu‐ lation de ce pays du MoyenOrien­t. En fait, la situation économique et humani‐ taire n'y a jamais été aussi grave qu'aujourd'hui, dé‐ nonce l'organisati­on Ox‐ fam, qui lance un appel à « ne pas oublier la Syrie » et à financer l'aide appor‐ tée à la population.

Nous sommes maintenant dans la 12e, bientôt la 13e an‐ née de la crise, qui est de plus en plus une crise oubliée, in‐ dique au bout du fil Moutaz Adham, directeur de l'organi‐ sation humanitair­e Oxfam en Syrie.

Vous pourriez croire qu'au‐ jourd'hui, les lignes de front du conflit sont largement ce qu'elles ont été depuis un cer‐ tain temps déjà. Il y a davan‐ tage de stabilité dans cer‐ taines régions; vous pourriez croire qu'en gros, les condi‐ tions pourraient être meilleures. Mais en fait, ce n'est pas le cas : elles sont vraiment, vraiment, vraiment pires. Probableme­nt les pires depuis l'éclatement de la crise.

Selon M. Adham, sur les 22 millions d'habitants que compte présenteme­nt la Sy‐ rie, 15 millions ont besoin d'aide humanitair­e. C'est plus qu'en 2015, lorsque la cam‐ pagne militaire a atteint son apogée, dit-il.

Lorsque je vais sur le ter‐ rain, je parle aux gens dans les communauté­s auxquelles nous venons en aide; on nous dit qu'on craignait auparavant de mourir sous les bombes. Maintenant, on a peur de mourir de faim, ajoute M. Adham.

Sur le terrain, justement, Oxfam apporte de l'aide pour faciliter l'irrigation des champs ainsi que la distribu‐ tion d'eau et de nourriture en plus d'offrir un soutien aux fa‐ milles dans le besoin, princi‐ palement les foyers dirigés par des femmes.

L'organisati­on mène égale‐ ment des démarches auprès du gouverneme­nt syrien ainsi que d'autres nations pour ob‐ tenir un accès plus facile aux population­s touchées et pour assurer le financemen­t de ces efforts humanitair­es.

Malgré un certain succès obtenu au cours des der‐ nières années, y compris un relâchemen­t des conditions imposées par le pouvoir de Bachar Al-Assad à Damas, la capitale, la situation demeure très difficile.

La majorité des gens ont des problèmes pour mettre de la nourriture dans leur as‐ siette. 90 % de la population vit sous le seuil de pauvreté; 60 % est au chômage. Et ceux qui peuvent trouver du travail ont souvent un salaire qui ne permet pas de répondre aux besoins de base en matière d'alimentati­on.

Moutaz Adham, directeur d'Oxfam en Syrie

Selon M. Adham, la moitié des infrastruc­tures liées aux aqueducs, à l'éducation et à la santé, notamment, ont été détruites. Des gens qui avaient fui les combats sont revenus et vivent dans des

maisons en ruine, dit-il.

Appel aux pays dona‐ teurs

Devant une telle situation, Moutaz Adham est clair : il faut absolument que les pays donateurs maintienne­nt leur appui financier destiné aux ef‐ forts humanitair­es négociés lors d'un accord conclu entre le gouverneme­nt syrien et les Nations unies.

C'est le pire moment pour oublier la crise syrienne, mar‐ tèle-t-il tout en étant bien conscient que depuis l'éclate‐ ment de la guerre, d'autres crises ont elles aussi monopo‐ lisé l'attention médiatique de la planète. Y compris, depuis bientôt un an, la guerre en Ukraine.

Jusqu'à maintenant, ce qui a été promis depuis un an [quatre milliards de dollars] n'a été financé qu'à 42 % avec quelques semaines seule‐ ment avant la fin de 2022, ajoute M. Adham.

Outre une certaine tiédeur des pays donateurs, Oxfam doit aussi surmonter des obs‐ tacles sur le terrain, entre autres lorsqu'il faut traiter avec le gouverneme­nt de Da‐ mas.

Il n'y a jamais rien de simple avec l'aide humani‐ taire; travailler avec les autori‐ tés n'est pas simple non plus. Il y a encore plusieurs obs‐ tacles bureaucrat­iques, mais si je repense à l'endroit où nous étions il y a plusieurs an‐ nées, nous avons constaté des améliorati­ons significa‐ tives.

Moutaz Adham, directeur d'Oxfam en Syrie

Nous pouvons faire ap‐ prouver nos projets, nous rendre sur le terrain, rencon‐ trer les communauté­s, éva‐ luer les besoins de façon indé‐ pendante, surveiller nos pro‐ grès. Il y a quand même de sé‐ rieux délais parfois. Et toutes ces démarches prennent un temps précieux, souligne le di‐ recteur d'Oxfam en Syrie.

Parer au plus pressant, faute d'argent

Combien d'argent faut-il pour que la Syrie sorte de la crise? M. Adham n'a pas de montant précis en tête – et une telle issue sous-enten‐ drait aussi la fin de la guerre –, mais si le pays veut se recons‐ truire, il pourrait en coûter de 200 à 800 milliards de dollars.

C'est un montant gigan‐ tesque!

Faute de financemen­t suf‐ fisamment élevé, Oxfam est pour l'instant contrainte de parer au plus pressant, d'offrir de l'aide pour aider à survivre, plutôt que de contribuer à élaborer des solutions à plus long terme, qui permettron­t aux population­s de subvenir elles-mêmes à leurs besoins, indique M. Adham.

Certaines parties du pays ont encore besoin de cette aide d'urgence, mais la majori‐ té du pays a besoin de plus. Nous avons besoin d'inter‐ ventions et de projets plus durables. Les gens doivent pouvoir reprendre le contrôle de leur vie, et c'est ce que nous ne faisons pas, collecti‐ vement, explique-t-il.

À l'occasion d'un voyage au Canada, le directeur d'Ox‐ fam en Syrie se rendra à Otta‐ wa mercredi pour rencontrer des responsabl­es d'Affaires mondiales Canada afin de dis‐ cuter d'un éventuel finance‐ ment supplément­aire de la part du gouverneme­nt fédé‐ ral.

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