Nadia Butterfly : nager, pour une dernière fois
Jeux olympiques et cinéma nagent en harmonie, pour une rare fois, dans le film de Pascal Plante, à voir sur ICI Télé le vendredi 9 dé‐ cembre à 23 h 05.
On peut appeler ça un triste coup du destin. En 2020, Nadia Butterfly, deuxième film de Pascal Plante (après le charmant Les faux tatouages) était le seul film québécois sé‐ lectionné pour le Festival de Cannes, mais ce dernier n’a pas eu lieu. Ensuite, son ac‐ trice Katerine Savard, véri‐ table nageuse médaillée, ici dans ses premiers pas au ci‐ néma, préparait également sa participation aux Jeux olym‐ piques de Tokyo, eux aussi annulés. Depuis, la houle s’est heureusement calmée et le film nage enfin dans des eaux plus tranquilles.
Un antifilm de sport?
Oui, Nadia Butterfly nous plonge dans l’univers d’une nageuse olympique décidée à prendre sa retraite après une dernière course avec Équipe Canada lors des Jeux de To‐ kyo. Mais non, contrairement à tout ce que le cinéma a my‐ thifié pour nous, Nadia But‐ terfly ne convoquera pas les maîtres mots de l’intensité sportive (dépassement de soi, détermination, victoire), mais plutôt des émotions contraires, de celles que l’on ne voit jamais d’habitude : so‐ litude, mélancolie et amer‐ tume…
Bien plus que d’un exploit sportif, c’est d’un deuil dont traite le film : celui d’une vie d’athlète de haut niveau qui a occupé tout l’espace et dont on doit apprendre à se débar‐ rasser.
L’olympisme sans or ni hourras
Si Katerine Savard com‐ pose véritablement un per‐ sonnage, entre entraîne‐ ments rigides de son corpsmachine et intériorité pertur‐ bée (un mélange de déprime et de tentations d’égoïsme), c’est le regard de Pascal Plante qui singularise Nadia Butter‐ fly. Plein de sensibilité, mais sans chercher les torrents de larmes, il dessine plutôt les contours d’une jeune femme conditionnée depuis toujours et qui doit essayer de com‐ prendre quels sont ses nou‐ veaux repères, sans toujours y arriver.
Un processus d’antihéroï‐ sation en somme qui rend Nadia plus touchante qu’im‐ pressionnante.
Une mise en scène en‐ voûtante
Il faut ici reconnaître le tra‐ vail de Joëlle Péloquin (direc‐ tion artistique) et de Stépha‐ nie Weber-Biron (direction de la photographie), capables de marier à une approche natu‐ raliste et impressionniste des effets de style marqués (ah, ces ralentis sous l’eau!) sans que jamais l’équilibre ne flanche.
Les scènes de course su‐ perbes et immersives, pen‐ dant lesquelles la caméra semble filer sur l’eau à côté de la championne olympique, les coulisses du monde olym‐ pique, les appartements des athlètes, les à-côtés, les fêtes, les transports en bus : tout concourt à donner le senti‐ ment d’être une petite souris ayant accès à un monde habi‐ tuellement secret (Pascal Plante a été nageur au niveau national avant d’être cinéaste, ceci expliquant sûrement ce‐ la). Plouf dans l’eau, les cli‐ chés.
Compléments:
Nadia, Butterfly : quand le sport olympique fait son ciné‐ ma Cannes : le film québé‐
Nadia, Butterfly dans la Sélection officielle 2020 Notre
cois année cinéma 2020-2021 en trois coups de coeur 5 films olympiques pour se mettre dans l’ambiance Nadia Butterfly, sur ICI Télé le vendredi 9 dé‐ cembre à 23 h 05.
La bande-annonce (source : YouTube)
tions. Un jour, un professeur qui a décelé la précocité de l’artiste convainc les parents de Salvador de le laisser partir pour la capitale afin d’étudier le piano au conservatoire.
Je suis parti dès l’âge de 12 ans vers la grande ville. J’ai eu du mal à m’adapter avec la langue espagnole que je connaissais mal à l’époque, mais je me suis concentré sur mon apprentissage. Mon mode d’expression, c’était la musique.
Un artiste qui a roulé sa bosse
Un brin nostalgique, l’ar‐ tiste, aujourd’hui âgé de 32 ans, narre son parcours qui n’a pas toujours été un long fleuve tranquille avant de s’installer définitivement au Canada en 2016.
J’ai gagné une bourse d’études en Italie qui m’a me‐ né au Conservatoire Stanislao Giacomantonio, énumère-t-il. Après avoir passé quelque temps au Costa Rica et en Russie, je me suis produit sur diverses scènes à Cuba et aux États-Unis.
Mes parents n'ont jamais arrêté de me soutenir. Ils n'étaient pas pauvres, mais ils n'étaient pas riches non plus, pas au point de pouvoir m'acheter un piano.
Salvador Chavajay
Sa vie professionnelle l’a également mené plusieurs fois au Québec. Il a notam‐ ment été le pianiste pour les Grands Ballets canadiens, l’É‐ cole de ballet classique du Haut-Richelieu et l’École supé‐ rieure de ballet. De retour dans son coin de pays, au Guatemala, Salvador Chava‐ jay a continué à faire de la musique dans un hôtel touris‐ tique afin de gagner son pain.
Ma rencontre avec LouiseMarie Beauchamp a été une belle opportunité. Elle cher‐ chait un pianiste pour l’ac‐ compagner dans ses tour‐ nées.
La chanteuse lyrique et fondatrice des Jardins de Ma‐ rie Bio, à Saint-Basile-le-Grand, a fait venir le jeune homme au Québec. Il s’est alors investi dans plusieurs projets musi‐ caux qui lui font rencontrer un certain nombre de person‐ nalités comme Esther Péla‐ deau, soeur du magnat de la presse Pierre Karl Péladeau, ou Samian. Ce dernier distri‐ bue d’ailleurs son opus à tra‐ vers son label Nikamo Musik.
Le premier piano que j’ai possédé dans ma vie, c’est quand je me suis installé à Saint-Basile-le-Grand. C’est Es‐ ther Péladeau qui me l’a of‐ fert. Elle me l’a livré à mon do‐ micile pour que je puisse continuer de pratiquer dans de bonnes conditions.
Un temps agriculteur au Québec, Salvador Chavajay est ensuite allé planter des arbres dans les Prairies cana‐ diennes pendant la pandé‐ mie. C’est à ce moment-là que j’ai eu le projet de mon pre‐ mier album. J’ai commencé à écrire mes textes et à penser à ma composition pendant mes temps libres dans le bois.
Le rap est venu dans ma carrière un peu par hasard. À mon avis, la musique com‐ mence à devenir intéressante quand il y a mélange des genres.
Salvador Chavajay
Celui qui se considère da‐ vantage comme un serviteur de la musique offre depuis le 18 novembre sur toutes les plateformes numériques un opus hybride, enregistré en 2022, combinant pièces du répertoire classique et paroles engagées.
Les grands compositeurs tels Mozart, Chopin ou Rach‐ maninoff accompagnent le flot des mots. C’est un bras‐ sage entre la force de la mu‐ sique classique, la langue an‐ cestrale autochtone et l’éner‐ gie du rap.
Les titres des chansons font naître à l’esprit mille et une images. Tzolkin renvoie au fameux calendrier maya doté de pouvoirs divinatoires.
Une autre chanson aux consonances mystérieuses (Tati’xeel) aborde le symbole suprême du soleil pour la civi‐ lisation précolombienne avec en toile de fond une version du Prélude no 16 en sol mi‐ neur de Jean-Sébastien Bach.
Entre mysticisme et réper‐ toire classique, l’artiste n’hé‐ site pas à scander ses espoirs et ses préoccupations. Une pièce annonce par exemple des heures sombres pour le genre humain. Avec Apoca‐ lypses, je parle de la crise cli‐ matique et de l’environne‐ ment. Si on ne fait rien pour sauver la nature, c’est nous qui allons finalement dispa‐ raître de la surface de la Terre.
Parfois pamphlet contre les abus et la corruption des élites, mais aussi une magni‐ fique lettre d’amour (Melody) pour sa fille de neuf ans, les propositions de Salvador Cha‐ vajay sont au fond un véri‐ table cri du coeur pour un monde meilleur.