Arrestation du journaliste d’Antoine Trépanier : deux policiers blâmés en déontologie
Le Comité de déontologie policière estime que deux des trois policiers du Ser‐ vice de police de la Ville de Gatineau (SPVG) qui ont procédé à l’arrestation du journaliste Antoine Trépa‐ nier, en 2018, ont enfreint le Code de déontologie des policiers du Québec.
Le Comité [de déontologie policière] conclut que l’agent [Mathieu] La Salle Boudria et le lieutenant [Paul] Lafontaine n’ont pas respecté l’autorité de la loi ni collaboré à l’admi‐ nistration de la justice en ef‐ fectuant une enquête incom‐ plète, à la suite de la plainte de Mme Dubé. L’arrestation de M. Trépanier qui en a résul‐ té constitue un abus d’autori‐ té, conclut le juge administra‐ tif Benoît McMahon, qui prési‐ dait le Comité, dans une déci‐ sion rendue publique mardi.
Trois policiers de Gatineau faisaient l’objet d’une procé‐ dure du Commissaire à la dé‐ ontologie policière à la suite d’une plainte, formulée il y a deux ans, par un professeur de Cégep de la région de Montréal, Vania Atudorei. Le professeur considérait comme une atteinte à la dé‐ mocratie l’arrestation de M. Trépanier.
Le Commissaire devait dé‐ terminer si la conduite du ser‐ gent Mathieu La Salle Bou‐ dria, du sergent Gabriel Gagné et du lieutenant Paul Lafon‐ taine constituait un acte déro‐ gatoire au Code de déontolo‐ gie des policiers du Québec.
Arrêté lors d’une en‐ quête
Alors qu’il était journaliste pour Radio-Canada au mo‐ ment des faits, M. Trépanier enquêtait sur la directrice gé‐ nérale des Grands Frères Grandes Soeurs de l’Outaouais (GFGSO), Yvonne Dubé. Alors qu’il s’apprêtait à diffuser un reportage peu flatteur à son endroit, rappelle-t-on dans la décision du Comité datée du 6 décembre 2022, il sollicitait une entrevue avec Mme Dubé pour lui offrir de donner son point de vue dans le cadre de la publication de cette en‐ quête.
Mme Dubé a alors porté plainte contre M. Trépanier pour harcèlement.
Le journaliste est alors ar‐ rêté le soir même par des poli‐ ciers de Gatineau, puis remis en liberté après avoir signé une promesse de comparaître assortie de conditions, no‐ tamment celle de ne pas com‐ muniquer avec Mme Dubé.
Deux jours plus tard, M. Trépanier a publié son re‐ portage dans lequel il révélait que Mme Dubé a pratiqué le droit pendant plusieurs mois sans être membre du Barreau de l'Ontario avant son em‐ bauche aux GFGSO et qu’elle n’en a jamais avisé le comité chargé d’analyser sa candida‐ ture.
Le SPVG avait transmis le dossier au Directeur des pour‐ suites criminelles et pénales. Quelques jours après l’arresta‐ tion de M. Trépanier, celui-ci avait toutefois conclu qu’après un examen du rap‐ port d'enquête produit par la police de Gatineau, aucun acte criminel n'a été commis par le journaliste. Par consé‐ quent, aucune accusation cri‐ minelle n’avait été déposée contre lui.
Le SPVG, de son côté, avait admis avoir fait une erreur.
Une enquête policière bâclée
Le Comité reproche au ser‐ gent La Salle Boudria d’avoir bâclé son enquête policière, ne faisant aucune démarche pour bien cerner le contexte.
L’agent La Salle Boudria n’avait donc, au mieux, que des soupçons à l’endroit de M. Trépanier au moment où il prend la décision de procéder à son arrestation, peut-on lire dans la décision. La conduite de l’agent La Salle Boudria se caractérise donc par ses nom‐ breuses omissions, et par sa méconnaissance de règles ju‐ ridiques pourtant claires et connues des policiers.
L’inconduite de l’agent La Salle Boudria est d’autant plus
grave ici, car on parle d’une ar‐ restation d’un journaliste qui, à toutes fins utiles, ne faisait que son travail.
Extrait de la décision du Comité de déontologie poli‐ cière
Quant au lieutenant La‐ fontaine, il lui est reproché d’avoir, entre autres, approu‐ vé l’arrestation de M. Trépa‐ nier.
Le Lieutenant Lafontaine savait exactement tout ce que l’agent La Salle Boudria savait lui-même du dossier, de même que tout ce qu’il ne contenait pas. Il témoigne aussi ne pas s’être intéressé à la nature du reportage que s’apprêtait à faire M. Trépa‐ nier, peut-on lire dans la déci‐ sion.
Si le travail du sergent La Salle Boudria et du lieutenant Lafontaine est montré du doigt, le sergent Gagné n’a en revanche pas commis les fautes déontologiques qu’on lui reproche, estime toutefois le Comité, puisque le rôle du sergent Gagné s’est limité à arrêter M. Trépanier et à le re‐ mettre en liberté après avoir reçu les instructions de l’agent La Salle Boudria.
Le Comité ordonne toute‐ fois un arrêt conditionnel des procédures pour deux des quatre chefs d’accusation qui visent les deux policiers. Pour l’heure, aucune sanction n’a été rendue à l’encontre des deux policiers blâmés par le Comité de déontologie poli‐ cière.