Le privé s’invite dans les centres jeunesse de l’Abitibi-Témiscamingue
Alors que le nombre d’em‐ ployés provenant d’agences de placement atteint des records dans les établisse‐ ments de santé de l’AbitibiTémiscamingue, c’est maintenant au tour des centres jeunesse de la ré‐ gion de se tourner vers ce type de personnel.
Le recours à des employés d’agence de placement, aussi appelé main-d’oeuvre indé‐ pendante, était inexistant jus‐ qu’en 2019 dans les centres jeunesse de l’Abitibi-Témisca‐ mingue, mais la forte pénurie de main-d'oeuvre a incité la Di‐ rection de la protection de la jeunesse (DPJ) à se tourner vers cette option en 2020.
L'organisation a recours no‐ tamment à des éducateurs et éducatrices spécialisés ainsi que des travailleurs sociaux.
Selon des données obte‐ nues à la suite d’une de‐ mande d’accès à l’information, on constate que la DPJ a dé‐ pensé plus de 1,9 M$ en 2022 pour ce type de main-d'oeuvre et l’année n’est toujours pas terminée.
Un montant en forte aug‐ mentation alors que l’organi‐ sation avait dépensé 614 000 $ en 2021 et 285 000 $ en 2020 pour avoir recours au personnel d’agences.
L’importante pénurie de main-d’oeuvre engendre des impacts pour plusieurs titres d’emploi et les titres d’emploi des services sociaux ne font pas exception. Ainsi, nous avons recours à la maind’oeuvre indépendante pour les techniciens et profession‐ nels de la santé au sein de plusieurs directions dont la DPJ, nous écrit brièvement par courriel le Centre intégré de santé et de services so‐ ciaux de l’Abitibi-Témisca‐ mingue (CISSS-AT), qui n’a toutefois pas répondu à notre demande d’entrevue.
Sur le site web du minis‐ tère de la Santé et des Ser‐ vices sociaux, la directive est d’utiliser la main-d'oeuvre in‐ dépendante si elle constitue une solution de dernier re‐ cours alors que toutes les autres mesures sont épuisées par l’établissement.
Le CISSS-AT n’a pas été en mesure de nous fournir de documents permettant de
connaître avec certitude le nombre d’heures ayant été travaillées par du personnel provenant du privé à la DPJ.
De nombreux départs
Au cours des 3 dernières années, de nombreux em‐ ployés ont quitté la DPJ en Abitibi-Témiscamingue.
Plusieurs vont travailler dans d’autres organisations, mais selon le représentant na‐ tional de l'Alliance du person‐ nel professionnel et tech‐ nique de la santé et des ser‐ vices sociaux (APTS) dans la région, Carl Verreault, ces mêmes employés reviennent parfois travailler par le biais d’agences de placement.
Les chiffres parlent d’euxmêmes, c’est un exode du personnel et par la suite ces gens reviennent travailler via l’agence de placement.
Carl Verreault
C’est dans la MRC de la Val‐ lée-de-l’Or que le recours au personnel d’agences est plus fréquent, mais il est présent dans toutes les MRC de la ré‐ gion. Du personnel qui coûte beaucoup plus cher. L’ex-pré‐ sident du conseil d’adminis‐ tration du CISSS-AT, Claude Morin, estimait l’an dernier qu’une employé du privé coû‐ tait 3 fois plus cher à son or‐ ganisation.
Les gens provenant d’agences de placement vont avoir leur repas payé, vont avoir le logement payé, le dé‐ placement payé pour venir en Abitibi-Témiscamingue, ils en parlent avec les autres col‐ lègues qui eux travaillent pour le CISSS-AT. [...] On se re‐ trouve avec 2 personnes qui effectuent le même travail, mais avec des conditions sala‐ riales différentes, explique Carl Verreault, qui précise que les centres jeunesse de la ré‐ gion sont maintenant dépen‐ dants de ce type de person‐ nel.
Sans ces agences là ce se‐ rait non-fonctionnel, donc on devient dépendant et ça coûte extrêmement cher. Cet argent n’est pas utilisé à des fins d’attraction et de réten‐ tion pour avoir du personnel qui travaille pour le CISSS-AT, ajoute-t-il en précisant que ce sont les contribuables qui paieront la facture.
Dans les centres jeunesses, les éducateurs et éducatrices spécialisés doivent souvent créer un lien de confiance avec les jeunes, ce qui n’est pas évident lorsque le person‐ nel change régulièrement.
Selon l’APTS, le personnel des agences change régulière‐ ment et les employés du CISSS-AT ont aussi très peu d’expérience, ils ont majoritai‐ rement entre 0 et 2 ans d’an‐ cienneté.
Ça a un impact de ne pas avoir de mentor qui peut ai‐ der les intervenants, les ac‐ compagner dans le dévelop‐ pement de la pratique, ajoute Carl Verreault.
Bientôt dans les écoles et CPE?
Des agences de placement offrent maintenant la possibi‐ lité de louer des employés aux établissements scolaires et aussi aux centres de la pe‐ tite enfance.
Une pratique qui est main‐ tenant relativement courante dans les régions de Montréal et Sherbrooke dans le cas des CPE.
Nous avons contacté plu‐ sieurs CPE de l’Abitibi-Témisca‐ mingue qui assurent ne pas avoir recours aux services du personnel d’agences de place‐ ment pour le moment.
Avec l’ouverture prochaine de nombreuses places en CPE dans la région dans les pro‐ chaines années, des établisse‐ ments nous ont fait savoir que cette avenue n’est pas ex‐ clue.
Les écoles de l’Abitibi-Té‐ miscamingue n’utilisent pas non plus du personnel prove‐ nant du privé en ce moment. Au Centre de services scolaire (CSS) Harricana, on nous a fait savoir par courriel que le ser‐ vice des ressources humaines ne prévoit pas faire l’utilisa‐ tion d’agences de placement pour trouver du personnel.
En ce moment, trois postes d'éducatrices à temps plein ne sont pas comblés par l’organisation.
Nous n’utilisons pas les services d’agences de place‐ ment pour ces types de postes (techniciennes en édu‐ cation spécialisée et éduca‐ trices en service de garde). La situation demeure toutefois fragile et les banques de can‐ didatures sont vides. Les défis demeurent pour effectuer les remplacements, nous ex‐ plique pour sa part la coor‐ donnatrice aux communica‐ tions au Centre de services scolaire de l’Or-et-des-Bois, Caroline Neveu.
Le CSS de l'Or-et-des-Bois est toujours à la recherche de deux éducatrices en service de garde et une éducatrice spécialisée.