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Obésité : des patients et des médecins réclament le remboursem­ent de médicament­s

- David Savoie

Des centaines de patients au Québec sont en attente d’une greffe, mais ne peuvent subir la chirurgie parce qu’ils doivent perdre du poids. Des médicament­s existent pour les aider, mais ils ne sont pas rem‐ boursés par la Régie de l'as‐ surance maladie du Qué‐ bec (RAMQ). Médecins et patients demandent au mi‐ nistère de la Santé de re‐ voir sa position.

On a essayé les régimes, les régimes liquides, on a tout essayé, explique la femme dans la soixantain­e. Appe‐ lons-la Caroline, parce qu’elle préfère demeurer anonyme.

Depuis longtemps, elle souffre d’une maladie pulmo‐ naire et, aujourd’hui, sa capa‐ cité respiratoi­re est réduite à seulement 25 %.

Je ne sors plus, parce que ça m’en demande trop. J’ai beau avoir mes appareils res‐ piratoires, tout déplacemen­t est dur pour moi. Je vous di‐ rais que c’est une qualité de vie épouvantab­le.

Depuis maintenant 10 ans, elle attend une greffe des poumons. Mais pour avoir ac‐ cès à cette chirurgie, elle doit perdre du poids. Le problème, c’est que les médicament­s qu’elle prend en ce moment sont la cause de son surpoids.

Un autre médicament, un sémaglutid­e qu’elle a testé pendant quelque temps, lui a permis d’avoir un peu d’es‐ poir. Elle a perdu 15 livres en deux mois.

Ce médicament, qui s’ap‐ pelle Ozempic, est utilisé par les diabétique­s. Mais en doses plus importante­s, il est très ef‐ ficace pour faire perdre du poids.

Cependant, Ozempic n’est pas couvert par la RAMQ pour la perte de poids; elle doit donc débourser plus de 300 $ par mois pour l’obtenir. Ce qu’elle refuse de faire. Je ne comprends pas la personne qui décide ça, qui ne com‐ prend pas. Je trouve que ce n’est pas comprendre plus loin que son nez. Je trouve que c’est aberrant, je trouve ça épouvantab­le, laisse-t-elle tomber.

Des centaines de pa‐ tients

Son cas n’est pas unique. Des centaines de patients sont dans une situation simi‐ laire au Québec : pour avoir accès à une greffe, de rein ou de poumon par exemple, il faut qu’ils perdent du poids. Des médicament­s sont sus‐ ceptibles de les aider, mais ils sont tout simplement inac‐ cessibles.

Au Québec, les médica‐ ments contre l’obésité font l’objet d’une exclusion régle‐ mentaire au régime général d’assurance médicament­s, la RAMQ, depuis 1997, et il n’y a pas d’exception, pas même pour les gens en attente de greffe.

Un règlement dénoncé par des médecins comme le doc‐ teur Yves Robitaille, un spécia‐ liste en médecine interne qui travaille au Centre de méde‐ cine métaboliqu­e de Lanau‐ dière. Des patients obèses qui bénéficier­aient d’un traite‐ ment pharmacolo­gique, il en voit tous les jours.

J’ai déjà essayé, pas pour des situations aussi tristes que celle-là, mais pour d’autres situations, des pa‐ tients vraiment mal en point, et on reçoit systématiq­ue‐ ment de la RAMQ toujours la même réponse, c’est cet ar‐ ticle-là, 6.3, qui est un cas d’ex‐ clusion, donc il n’y a aucune couverture possible.

Il note cependant que des assureurs privés pourraient couvrir certains médicament­s, mais que plusieurs calquent la RAMQ.

Avec l'évolution de la re‐ cherche, de nouvelles molé‐ cules pourraient avoir le même effet sur des patients qu’une chirurgie bariatriqu­e. D’où l’importance, note le mé‐ decin, de revoir les règle‐ ments.

On arrive avec des molé‐ cules qui vont avoir la puis‐ sance d’une chirurgie baria‐ trique, donc on vient libérali‐ ser un peu l’accès à des traite‐ ments plus puissants. C’est en montée, les problèmes de poids, d’une part, et, d’autre part, on a des molécules qui arrivent et qui permettent de lutter, avec une puissance in‐ téressante, contre ces pro‐ blèmes-là. Il faut qu’on brasse la soupe, c’est le temps, dit-il.

Pas l’unanimité

Mais tous les médecins sont loin de soutenir l’idée de se tourner vers les médica‐ ments pour lutter contre l’obésité.

Le cardiologu­e Paul Poirier est chercheur à l'Institut uni‐ versitaire de cardiologi­e et de pneumologi­e de Québec; s’il est d’accord sur le fait qu’il de‐ vrait y avoir des exceptions dans le remboursem­ent de certains médicament­s, il est loin d’être convaincu que la pharmacoth­érapie est une so‐ lution viable pour l’instant.

Si tu me dis : "J’ai un pa‐ tient cardiaque, qui a été pon‐ té, qui a été dilaté, ou qui est insuffisan­t cardiaque", que de perdre du poids va diminuer les hospitalis­ations, qui va di‐ minuer les récidives, OK. Mais show me the data [montrezmoi les données]. Ils ne sont pas existants, les résultats, ils sont en train de se faire, ex‐ plique-t-il.

Récemment, l’Institut na‐ tional d'excellence en santé et services sociaux (INESS), qui évalue l’efficacité et les coûts des médicament­s, a publié un document sur les traitement­s en pharmacoth­érapie dans le traitement de l’obésité, pour nourrir la réflexion du minis‐ tère de la Santé dans ce dos‐ sier.

Au cabinet du ministre de la Santé, Christian Dubé, un porte-parole indique qu’une analyse complète du dossier de l’obésité, y compris le do‐ cument de l’INESS, a été de‐ mandée.

Il n'y a qu'une poignée de pays dans le monde qui offrent la couverture de ces médicament­s, et le Canada n'en fait pas partie. L’Australie et le Royaume-Uni rem‐ boursent, à certaines condi‐ tions, un nombre restreint de médicament­s utilisés dans le traitement de l’obésité.

À lire et à écouter :

Un groupe de médecins s’organise afin de mieux trai‐ ter l’obésité AUDIO : L'heure du monde - Être victime de préjugés liés au surpoids ou à l'obésité

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