Radio-Canada Info

Record d’enfants absents : des CPE craignent de perdre des subvention­s

- Thomas Gerbet

Le gouverneme­nt Legault promet aux centres de la petite enfance (CPE) et aux garderies subvention­nées qu'ils ne seront pas pénali‐ sés par la cascade d'en‐ fants malades. Plusieurs avaient confié leurs craintes à Radio-Canada après être passés sous le seuil de présence de 70 %, en dessous duquel ils perdent des subvention­s.

Jeudi, à la garderie La Pépi‐ nière de Longueuil, il y avait 43 enfants sur un total de 63. Un taux de présence de 68 %. Je ne sais pas ce que ça va donner dans le budget à la fin de l'année, dit, inquiète, la di‐ rectrice Phan Phuong-Minh. Ce n'est jamais arrivé de toute l'histoire de la garderie.

Elle est loin d'être la seule installati­on à être passée sous le seuil de présence parce que plusieurs virus respiratoi­res affectent les enfants du Qué‐ bec en même temps, cet au‐ tomne. Depuis l'attaque virale actuelle, nous roulons avec 60-65 % de présence, raconte Guy Arsenault, le directeur du CPE Alexis le Trotteur, à Mont‐ réal.

L'Associatio­n québécoise des CPE affirme recevoir beaucoup d'appels de ses membres à ce sujet, partout au Québec. D'être pénalisées par rapport à ça, ça crée beau‐ coup de stress pour les corpo‐ rations, explique la conseillèr­e stratégiqu­e de l'AQCPE, Gene‐ viève Blanchard.

Les écoles ont aussi plus d'absences, mais elles ne vont pas perdre de subvention­s.

Geneviève Blanchard, conseillèr­e stratégiqu­e de l'As‐ sociation québécoise des CPE

L'AQCPE a demandé au mi‐ nistère de la Famille du Qué‐ bec d'être conciliant. Contacté par Radio-Canada, le minis‐ tère avait promis d'analyser les chiffres à la fin de l'année financière. Vendredi matin, la ministre Suzanne Roy a pris l'engagement de protéger les finances des établissem­ents.

Le taux de présence est calculé sur 12 mois. Les jours manqués incluent les va‐ cances, les jours fériés et tous les types d'absences. Durant la pandémie, le gouverne‐ ment a abaissé la limite de 80 % à 70 % pour aider les gar‐ deries, mais la situation ac‐ tuelle entraîne un nouveau défi.

Claudette Pitre-Robin, la directrice générale du Regrou‐ pement des CPE de la Monté‐ régie, remarque que les pa‐ rents redoublent de prudence à l'approche des fêtes et sont plus tentés de retirer leur en‐ fant de la garderie.

Elle raconte que des CPE de sa région ont fermé des groupes au complet, car tous les enfants étaient absents. Le taux d'absentéism­e est vrai‐ ment alarmant.

Le moral des directions est assez faible. Toute la sortie de la COVID n'est pas simple et s'ajoutent à ça d'importante­s inquiétude­s financière­s.

Claudette Pitre-Robin, di‐ rectrice générale du Regrou‐ pement des CPE de la Monté‐ régie

Certains CPE admettent que les nombreuses absences peuvent aider dans un contexte de pénurie de maind'oeuvre. Mais encore faut-il que les établissem­ents soient avisés de l'absence d'un en‐ fant.

En général, l'absence n'est pas prévue, donc des fois on fait venir une éducatrice rem‐ plaçante et finalement le groupe est très faible. Donc, ça crée beaucoup de difficul‐ tés au niveau de l'administra‐ tion, explique Claudette PitreRobin.

La viande doit être dégelée et les repas préparés avant de connaître le nombre exact d'enfants présents, ajoute Phan Phuong-Minh, de la gar‐ derie La Pépinière.

Québec avait déjà revu à la baisse le taux de pré‐ sence

Le seuil de 70 % a été fixé pour tenir compte d’une pos‐ sible augmentati­on de l’ab‐ sence en raison de la situation sanitaire, mentionne le minis‐ tère de la Famille. Durant la pandémie, le seuil avait déjà été abaissé, puisqu'il était au‐ paravant de 80 %.

Québec calcule que cela donne un potentiel de 78 jours d’absence dans l'an‐ née pour un enfant, dans les‐ quels il faut compter les 13 jours fériés et les vacances.

En 2016, l'opposition avait critiqué la mise en place d'un financemen­t calculé selon un seuil de présence. Le Parti québécois avait qualifié la me‐ sure d'aberration.

Selon les directeurs de gar‐ deries à qui nous avons parlé, leurs inquiétude­s financière­s actuelles sont intimement liées à l'assoupliss­ement des consignes sanitaires. En pé‐ riode de forte transmissi­on, on ne pouvait pas s'attendre à autre chose qu'à une hausse des infections dans nos mi‐ lieux, dit Guy Arseneault.

Un avis partagé par Phan Phuong-Minh : On décide qu'on enlève les mesures sa‐ nitaires, on fait le choix qu'on va vivre avec le virus, mais ça a des conséquenc­es. Les en‐ fants tombent malades et le parent reste avec lui. Après, le parent est trop malade pour l'amener à la garderie.

Inquiétude­s aussi pour le respect des taux d'ins‐ criptions

En plus des nombreuses absences, des CPE des centres-villes de Montréal et de Québec font face à un pro‐ blème à faire pâlir d'envie d'autres régions : des cen‐ taines de places vacantes. Par contre, si une garderie n'a pas un taux d'occupation (d'ins‐ cription) d'au moins 90 %, elle perdra des subvention­s.

Dans la rue Saint-Urbain, à Montréal, le CPE Lafontaine a 36 places libres sur 143 pour un taux d'occupation de 75 %. Beaucoup de familles ont quitté le centre de Montréal, ont un mode de travail plus hybride, constate Émeline Bardoux, mère de deux en‐ fants et présidente du conseil d'administra­tion de l'établis‐ sement.

Les taux de remplissag­e définissen­t combien tu gagnes. Mais tu es obligé d’avoir ton personnel. Tu as des coûts fixes. Le loyer ne change pas si tu as moins d’enfants.

Émeline Bardoux, prési‐ dente du conseil d'adminis‐ tration du CPE Lafontaine

La directrice du CPE Le Pe‐ tit Réseau, rue Sainte-Cathe‐ rine Ouest, vient tout juste de pourvoir toutes ses places va‐ cantes, mais de peine et de misère. C'est un travail de dur labeur, dit Mylène Bouffard.

Les parents nous dé‐ sertent. Ils ne vont plus au centre-ville, le trafic est long. Pour les parents qui de‐ meurent sur la Rive-Sud ou Nord, ils doivent faire deux heures par jour pour chercher leurs enfants.

Selon elle, le ministère de‐ vrait adapter son schéma de subvention­s. Les données les plus récentes fournies par le ministère (31 décembre 2021) faisaient état de 1725 places libres à Montréal (moyenne de 93 % d'occupation) et 192 places vacantes à Québec (moyenne de 97 %).

Avec la collaborat­ion de Romain Schué

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada