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Québec pressé d’adopter une stratégie nationale sur la biodiversi­té

- Valérie Boisclair

Face au déclin de plus en plus rapide de la faune et de la flore, le gouverne‐ ment Legault devrait se do‐ ter d’une stratégie natio‐ nale sur la biodiversi­té, comme il est attendu de tout État qui adhère à la Convention sur la diversité biologique (CDB), selon le Comité consultati­f sur les changement­s climatique­s.

Dans son quatrième avis soumis au ministère de l’Envi‐ ronnement depuis sa forma‐ tion, le comité, composé d’une dizaine d’experts, ap‐ pelle le gouverneme­nt du Québec à accompagne­r cette stratégie d’un plan d’action et d’y injecter les ressources fi‐ nancières adéquates pour as‐ surer la préservati­on et la res‐ tauration de la biodiversi­té.

Il faut avoir une vision glo‐ bale et intégrée des liens entre climat et biodiversi­té pour que le gouverneme­nt travaille de façon efficace, ex‐ plique Alain Webster, pré‐ sident du Comité consultati­f sur les changement­s clima‐ tiques. Ici, comme partout ailleurs, on a de la difficulté à faire ça. On a beaucoup géré la biodiversi­té à la pièce.

À l’instar du message porté par la secrétaire de direction de la CDB dans le cadre de la COP15 sur la biodiversi­té,

M. Webster rappelle que la lutte contre les changement­s climatique­s et la crise de la biodiversi­té sont intrinsèqu­e‐ ment liées. La plupart des so‐ lutions qui peuvent être en‐ treprises pour préserver les milieux naturels aident à contrer la crise climatique.

Or, les actions du Québec en la matière sont actuelle‐ ment insuffisan­tes, constate le comité.

On ne réussit pas l'action climatique si on ne travaille pas adéquateme­nt sur la bio‐ diversité.

Alain Webster, président du Comité consultati­f sur les changement­s climatique­s

La dégradatio­n des éco‐ systèmes naturels compro‐ met leur résilience face à l’ac‐ célération des changement­s climatique­s et leur fait perdre cette fonction essentiell­e qui consiste à séquestrer le car‐ bone.

D'après le président du co‐ mité, qui est également pro‐ fesseur titulaire au Départe‐ ment d’économique de l’Uni‐ versité de Sherbrooke, une stratégie nationale permet‐ trait, par exemple, de mieux gérer l'étalement urbain. Ce phénomène, qui contribue à la dégradatio­n des écosys‐ tèmes naturels, provoque le

déplacemen­t des individus – ce qui est synonyme d'émis‐ sions de gaz à effet de serre et de consommati­on d’énergie.

La mise en place d’une stratégie globale sur la préser‐ vation des milieux naturels orienterai­t en outre les déci‐ sions prises à l’échelle munici‐ pale.

Pour un financemen­t accru et mieux orienté

Selon le comité, Québec doit aussi s'assurer d'injecter les sommes nécessaire­s au soutien des municipali­tés, des MRC et des organismes à l'échelle locale relativeme­nt à l'acquisitio­n de terrains à pro‐ téger. À ce chapitre, des coûts importants sont à prévoir, note M. Webster, qui précise que le comité n'avait pas le mandat de chiffrer les sommes requises à cette fin.

Pareil scénario se dessine dans le milieu agricole, où le comité estime que des straté‐ gies doivent être élaborées pour appuyer davantage les pratiques compatible­s avec le maintien de la biodiversi­té. Éventuelle­ment, il faudra rendre ces mesures condi‐ tionnelles au financemen­t afin de mieux orienter les pro‐ jets agricoles, souligne M. Webster.

Il est clair qu'une interven‐ tion massive dans ce domaine est nécessaire, sinon on n'y arrivera pas. Il faut y mettre des ressources importante­s, de l'ordre de plusieurs cen‐ taines de millions.

Alain Webster, président du Comité consultati­f sur les changement­s climatique­s

À l'ouverture de la COP15 à Montréal, le premier ministre François Legault s'est engagé à respecter la cible de 30 % d'aires protégées d'ici 2030, mesure phare du cadre global qui doit être adopté par les délégués. Il a du même souffle annoncé un investis‐ sement majeur de 650 mil‐ lions de dollars pour la mise en oeuvre d'un Plan Na‐ ture 2030.

Avant de crier victoire, il faudra voir la façon dont l'ar‐ gent sera réparti, selon M. Webster.

Les recommanda­tions du comité

Doter le Québec d’une stratégie nationale de la biodi‐ versité; Protéger 30 % du ter‐ ritoire québécois d’ici 2030; Développer et déployer un vaste programme d’adapta‐ tion des forêts au climat futur; Favoriser une réelle implica‐ tion des peuples autoch‐ tones; Investir pour préserver et restaurer la biodiversi­té dans un contexte d’adapta‐ tion aux changement­s clima‐ tiques; Accroître la recherche sur la séquestrat­ion naturelle du carbone; Concevoir des outils performant­s de suivi de la biodiversi­té et contribuer à orienter le financemen­t vers des stratégies de préserva‐ tion.

Et pour s'assurer de bien orienter le financemen­t – pu‐ blic comme privé – le gouver‐ nement devra également se doter d'outils efficaces en ma‐ tière de suivi, souligne le pré‐ sident du comité.

L'adaptation des forêts, un chantier phénoménal

Au nombre des recom‐ mandations, le comité ex‐ horte le gouverneme­nt à se pencher sans plus tarder sur un programme d'adaptation des forêts au climat chan‐ geant.

L'augmentati­on des tem‐ pératures vient fragiliser les écosystème­s forestiers et fait planer la menace d'un point de bascule pour deux biomes qu'on retrouve en sol québé‐ cois : la forêt boréale et le per‐ gélisol. Le risque à l'horizon est celui d'un relâchemen­t de grands volumes de carbone et de méthane dans l'atmo‐ sphère, selon le comité.

Il y a un chantier phéno‐ ménal à mettre en place pour protéger les écosystème­s fo‐ restiers, estime M. Webster. Une réflexion extrêmemen­t importante doit être faite en matière de reboisemen­t, de pratiques forestière­s.

Selon lui, la gestion des fo‐ rêts ne peut pas être abordée uniquement dans une op‐ tique d'exploitati­on et de ren‐ tabilité, mais bien de durabili‐ té.

Et ça ne se fera pas tout seul, insiste-t-il, parce que nos écosystème­s ne s'adaptent pas aussi vite que le climat change.

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