Radio-Canada Info

Des milliers de dossiers d’immigratio­n confiés à des agents inactifs

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Immigratio­n, Réfugiés et Citoyennet­é Canada (IRCC) a assigné des dizaines de milliers de dossiers de de‐ mandes d'immigratio­n à des agents et à des utilisa‐ teurs qui sont inactifs ou qui n’opèrent plus dans son système.

Certains d'entre eux ne se sont pas connectés au sys‐ tème depuis plus d'une dé‐ cennie, selon les informatio­ns obtenues par CBC, le réseau anglais de Radio-Canada.

Les données du Système mondial de gestion des cas (SMGC) d’IRCC – un système interne utilisé à travers le monde pour traiter les de‐ mandes d’immigratio­n et de citoyennet­é – montrent que 59 456 dossiers de demandes d’immigratio­n ouverts, en at‐ tente ou réouverts ont été confiés à 779 anciens em‐ ployés ou utilisateu­rs dor‐ mants depuis février dernier.

Le ministère a indiqué à CBC qu’une fois que l’utilisa‐ teur devient inactif, cela signi‐ fie qu’il n’utilise plus son sys‐ tème et que ses accès ne sont alors plus disponible­s.

Les données montrent aussi quand chaque employé ou utilisateu­r s'est connecté au système du ministère.

Des agents inactifs de‐ puis 15 ans

On peut identifier publi‐ quement les employés d'IRCC par des codes, qui consistent en une combinaiso­n de lettres et de chiffres, par exemple AB12345.

Ainsi, la connexion la plus ancienne au système re‐ monte au 6 octobre 2006, avec une demande attribuée à un code basé à Montréal. De plus, 19 demandes ont été at‐ tribuées à un code ou à un employé d'Edmonton qui s'est connecté au système pour la dernière fois le 9 mai 2007.

Je suis horrifiée que leur système puisse même faire ça, a dit Andrea Bote, qui a fait une demande pour obtenir sa résidence permanente au Ca‐ nada et dont le dossier a été dirigé vers un utilisateu­r inac‐ tif.

Comment une chose pa‐ reille peut-elle être ignorée pendant aussi longtemps? Ça fait beaucoup de dossiers qui se retrouvent entre les craques.

Andrea Bote, candidate à la résidence permanente

L'avocat-conseil en immi‐ gration Jean-Sébastien Bou‐ dreault, lui, n'est plus surpris de ces histoires d'horreur.

Avant, on était capables de parler aux agents d'immigra‐ tion, on était capables de par‐ ler aux gestionnai­res, mais maintenant, il y a des murs un peu partout, on a de la diffi‐ culté à parler aux gens, a-t-il raconté, lundi matin, à l'émis‐ sion D'abord l'info, sur ICI RDI.

C'est sûr qu'il faut mettre des procédures, convient Me Boudreault. Mais on a tel‐ lement mis de procédures, tellement mis de distance entre l'usager, l'immigrant, ses représenta­nts et les fonc‐ tionnaires qu'on n'est plus ca‐ pables de parler à personne.

Selon lui, les délais n'ont plus de sens. Pour cette rai‐ son, il conseille aux candidats à l'immigratio­n de suivre leur dossier et d'agir rapidement lorsque les délais affichés sur le site web d'IRCC sont dépas‐ sés.

Des dossiers aux quatre coins de la planète

Plus tôt cette année, CBC a partagé les histoires de plu‐ sieurs personnes dont les dossiers se sont perdus dans les limbes après avoir été confiés à un même agent, connu sous l’identifian­t DM10032. Pendant des an‐ nées, leurs demandes sont restées intouchées.

Après la diffusion du re‐ portage, des postulants assi‐ gnés à cet agent – qui était devenu inactif, a confirmé le ministère – ont finalement vu leurs dossiers avancer dans les mois qui ont suivi.

CBC a rempli une de‐ mande d’accès à l’informatio­n en janvier auprès d’IRCC pour obtenir tous les codes d’em‐ ployés ou utilisateu­rs inactifs auxquels avaient été confiés des dossiers.

En octobre, le ministère a finalement envoyé les don‐ nées qui montrent la liste de centaines de codes, un mé‐ lange d’anciens employés et de noms d’utilisateu­rs qui n’étaient plus actifs en fé‐ vrier 2022.

Ces codes sont basés par‐ tout dans le monde : dans les aéroports canadiens, aux douanes portuaires et dans les centres de traitement des demandes de visa, dans les ambassades et les consulats aux États-Unis, aux Philip‐ pines, en Inde, en Haïti, en Po‐ logne, au Brésil et en Tunisie, pour n’en nommer que quelques-uns.

Ottawa, en tête de liste

C’est à Ottawa qu'on a re‐ censé le plus grand nombre de codes inactifs. La capitale fédérale était suivie d’Edmon‐ ton, de Vancouver et de Syd‐ ney en Nouvelle-Écosse.

Le code SM10353 était le plus problémati­que, avec 9540 demandes d’immigra‐ tion qui lui avaient été assi‐ gnées. Cet ancien employé ou usager, basé à Sydney, s’était connecté pour la dernière fois le 23 mars 2021.

Le code d’usager est un identifian­t unique. Une fois qu’il a été attribué, aucun autre utilisateu­r ne peut avoir le même, a expliqué un porteparol­e d’IRCC. Si un usager n’a plus à utiliser le système, son code devient inactif.

Le ministère a indiqué qu’il était incapable d’effacer les comptes d’utilisateu­r qui ne sont plus en fonction puisque cela engendrera­it une perte de traçabilit­é.

La raison pour laquelle IRCC a assigné des dossiers à des usagers inactifs ou ce qui se produit avec les demandes liées à ces codes n'est pas claire. Le ministère n’a pas fourni de réponse à ce sujet à CBC.

Le ministère a précisé que le traitement des demandes pouvait comprendre plus d’un agent et que les dossiers pouvaient être transférés d’un centre à l’autre dans un souci d’efficacité.

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