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La santé reléguée au second plan à la COP15 sur la biodiversi­té

- Valérie Boisclair

Dans l'ombre des débats sur le financemen­t à la COP15, des experts de la santé déplorent que la cor‐ rélation entre la protec‐ tion de la biodiversi­té et les bienfaits pour la santé hu‐ maine soit trop peu abor‐ dée lors des négociatio­ns.

Au moment où les délé‐ gués sont plongés dans le dernier blitz de négociatio­ns du cadre mondial sur la biodi‐ versité, une coalition de pays a proposé jeudi dernier l'ajout d'une mention qui met l'ac‐ cent sur le lien entre la nature et la santé. Le texte débattu ces derniers jours à Montréal est appelé à devenir l'accord de référence pour la biodiver‐ sité dans les prochaines an‐ nées.

Certains participan­ts ont plaidé pour l'ajout d'une nou‐ velle cible spécifique pour la santé, mais faute de temps pour en débattre, les discus‐ sions risquent d'aboutir, au mieux, à l'inclusion d'un libellé dans le préambule du cadre mondial.

Plus qu'une simple recon‐ naissance, ce serait pourtant intéressan­t d'en faire l'un des objectifs du cadre pour être capable de suivre son applica‐ tion, estime la Dre Claudel Pé‐ trin-Desrosiers, médecin de famille et présidente de l'Asso‐ ciation québécoise des méde‐ cins pour l'environnem­ent.

Je pense que c’est absolu‐ ment nécessaire que le lien entre la santé humaine et la biodiversi­té s’illustre de façon explicite dans le texte.

Dre Claudel Pétrin-Desro‐ siers, présidente de l'Associa‐ tion québécoise des médecins pour l'environnem­ent

Selon Omnia El-Omrani, envoyée de la jeunesse pour la COP27 et étudiante en mé‐ decine à l'Université Ain Shams, au Caire, les pays ne s'entendent pas sur le concept d'une seule santé, pourtant reconnu par la Convention sur la diversité biologique. Cette approche reconnaît l'interdépen­dance entre la santé humaine, la santé animale et la santé des écosystème­s où êtres hu‐ mains et animaux coexistent.

Mme Omrani, qui a suivi l'évolution des discussion­s, déplore l'absence de progrès sur cette question. Les débats sur la santé, prévus pour la première semaine de la COP15, ont été repoussés jus‐ qu'aux derniers jours de né‐ gociations, dit-elle.

Un rôle à reconnaîtr­e

Quoique mentionné dans les premières versions du cadre mondial, le lien entre la biodiversi­té et la santé se trouve dilué dans les nom‐ breuses mesures. Et le rôle des spécialist­es de la santé est à peine évoqué.

Dans un article publié en novembre dernier, la Dre Me‐ lissa Lem lançait un appel à l'intégratio­n du secteur de la santé dans le cadre mondial. On y énumère une liste de dif‐ férents acteurs clés, comme les entreprise­s, le monde uni‐ versitaire, les peuples autoch‐ tones, les femmes... mais la santé n'y figure pas du tout! s'étonne-t-elle.

C'est choquant quand on pense à l'impact que la biodi‐ versité a sur notre santé, ajoute la Dre Lem, qui préside de son côté l'Associatio­n ca‐ nadienne des médecins pour l'environnem­ent.

La proximité avec la na‐ ture, rappelle-t-elle, réduit les risques de maladies, d'hyper‐ tension et de détresse psy‐ chologique, en plus de dimi‐ nuer la sensation d'isolement.

Il faut qu'on mentionne le secteur de la santé parce que nous voulons aider et nous voyons les effets des change‐ ments climatique­s et de la perte de la biodiversi­té sur nos patients.

Dre Melissa Lem, prési‐ dente de l'Associatio­n cana‐ dienne des médecins pour l'environnem­ent

Préserver la biodiversi­té pour rester en santé

Depuis le début de la COP15, les discussion­s ont surtout porté sur la protec‐ tion du territoire et des ani‐ maux, ainsi que sur les res‐ sources à mobiliser pour sou‐ tenir les pays en développe‐ ment, mais la santé a peiné à se tailler une place dans le programme, selon les experts qui ont parlé à Radio-Canada.

J'ai l'impression qu'on a de la difficulté à avoir la conver‐ sation sur ce que représente le déclin de la biodiversi­té pour la santé humaine, avance la Dre Pétrin-Desro‐ siers.

Lors de conférence­s don‐ nées à la COP15 en marge des négociatio­ns, des spécialist­es ont pourtant insisté sur l'im‐ portance d'aborder la crise de la biodiversi­té à travers le prisme de la santé, notam‐ ment en favorisant les solu‐ tions fondées sur la nature. Ces actions, qui visent à gérer de manière durable les éco‐ systèmes naturels, per‐ mettent à la fois de lutter contre les changement­s cli‐ matiques et d'assurer le bienêtre humain.

La proximité des espaces verts, des poches de biodiver‐ sité en milieu urbain ont telle‐ ment de bénéfices! lance la

Dre Pétrin-Desrosiers, qui cite notamment la réduction de la pollution, des effets de la cha‐ leur, ainsi que l'augmentati­on du sentiment de collectivi­té.

Dans les quartiers les plus verts, on voit généraleme­nt de plus faibles taux de dia‐ bète, de maladies cardiovas‐ culaires, de TDAH et de dé‐ mence.

Dre Claudel Pétrin-Desro‐ siers, présidente de l'Associa‐ tion québécoise des médecins pour l'environnem­ent

À l'heure où le monde en‐ tier émerge de la pandémie de COVID-19, les experts de la santé appellent les délégués réunis à Montréal à recon‐ naître les impacts sur la santé humaine du déclin de la biodi‐ versité et de l'accélérati­on des changement­s climatique­s.

Comme le rappelait la se‐ crétaire de direction de la Convention sur la diversité biologique, Elizabeth Maruma Mrema, à l'aube de la COP15, ces phénomènes augmentent le risque de propagatio­n de maladies infectieus­es.

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