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À Prague, des Russes solidaires des Ukrainiens

- Raphaël Bouvier-Auclair

PRAGUE - « Slava Ukraini ». C’est avec ces mots, qui si‐ gnifient « gloire à l’Ukraine », que les réfu‐ giés terminent le chant ukrainien qu’ils ont enton‐ né sur quelques accords de piano.

Chaque soir de semaine, après la journée scolaire, des ateliers comme ce cours de chant, mais aussi de guitare et de gymnastiqu­e, se déroulent dans les locaux d’une école du centre historique de Prague.

Plusieurs de ces activités sont organisées et financées par des membres de la com‐ munauté russe de la capitale tchèque.

Nous ne nous sentions pas coupables mais respon‐ sables par rapport à notre pays, explique Anton Litvin, l’un des organisate­urs de ces cours. Que pouvions-nous faire? Que devions-nous faire? s’est-il demandé.

Plusieurs membres de la communauté russe de la Ré‐ publique tchèque, qui réunit 30 000 personnes, ont fait part de leur opposition au conflit en organisant des ma‐ nifestatio­ns critiques du Kremlin. Mais Anton Litvin, qui a participé à ces gestes de protestati­on, estimait que ce n’était pas suffisant.

Ce Russe, installé à Prague depuis plusieurs années, a ju‐ gé que la meilleure manière d’aider les Ukrainiens, qui sont plus de 450 000 à s’être exilés en République tchèque depuis le début du conflit, était de s’occuper des enfants.

Les enfants ukrainiens ar‐ rivent dans ce pays sans père, sans amis, sans maîtriser la langue, sans argent et sans appartemen­t. Ces enfants se retrouvent dans une situation très grave.

Anton Litvin, ressortiss­ant russe vivant à Prague

Un groupe de ressortis‐ sants russes, dont fait partie Anton Litvin, a donc joint ses efforts à ceux d’organismes tchèques qui organisent eux aussi des ateliers pour favori‐ ser le divertisse­ment ou l’inté‐ gration des réfugiés ukrai‐ niens.

On pense que c’est impor‐ tant parce que les Ukrainiens

peuvent rencontrer d’autres personnes ici et se faire des amis, explique Maria Am‐ brovskova, coordonnat­rice du centre qui offre des activités parascolai­res.

Je cherche à faire des connaissan­ces, confirme Alexandra. Cette jeune femme, arrivée seule à Prague, multiplie les activités. Gymnastiqu­e, cours de tchèque et ateliers de chants meublent les soirées de cette jeune femme, qui admet être également à la recherche d’une distractio­n par rapport

à la réalité.

Des logements offerts par des Russes

Pavel Oskin, qui vit à Prague depuis 14 ans, a quant à lui décidé de prêter mainforte d’une autre manière : en offrant un toit aux réfugiés.

Peu après le déclenche‐ ment de la guerre, cet exilé russe a décidé de transforme­r un ancien espace commercial situé en périphérie de Prague en centre d’hébergemen­t.

Nous n’avions pas d’ar‐ gent, seulement des dons re‐ cueillis par le biais de Face‐ book, explique-t-il.

Aujourd’hui, ce centre, qui accueille environ 70 per‐ sonnes, reçoit aussi des ap‐ puis financiers du gouverne‐ ment tchèque.

L’aide est appréciée par les femmes et enfants qui vivent dans cet établissem­ent com‐ posé de plusieurs chambres, de salles de bains et d’une cui‐ sine. D’autant plus qu’il est dif‐ ficile pour les Ukrainiens de trouver un hébergemen­t à Prague, une ville où l’offre en logement pour les réfugiés est saturée.

Le plus important, c’est d'avoir un toit, de la chaleur et de quoi nourrir vos en‐ fants, lance Lludmilla, qui par‐ tage une chambre avec ses trois enfants.

Malgré son opposition à la guerre et la création de ce centre d’hébergemen­t, Pavel Oskin reconnaît que le contact avec certains Ukrai‐ niens qu’il rencontre à Prague est parfois difficile. Pour eux, je suis Russe, et un Russe c’est en quelque sorte l’ennemi. Je comprends ça, explique-t-il.

Mais dans le centre qu’il a mis sur pied il y a maintenant plusieurs mois, le Russe ex‐ plique que des liens se sont tissés en dépit des nationali‐ tés.

Nous sommes comme une famille. Les enfants me serrent dans leurs bras et je les serre dans les miens.

Pavel Oskin, ressortiss­ant russe vivant à Prague

À la cuisine, Olena, une ré‐ fugiée qui a quitté la région de Bakhmut, qui est actuelle‐ ment au coeur des combats, est reconnaiss­ante de pou‐ voir compter sur de l’aide dans cette ville située à plus de 2000 kilomètres de chez elle.

Que vous soyez Russe, Ukrainien, Tatar, Tadjik ou An‐ glais, l’important c’est de faire le bien, lance-t-elle.

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