Les flops de 2022 en techno
Du rachat de Twitter par Elon Musk à la fermeture de Google Stadia… Il n’y a pas à dire, l’actualité tech‐ nologique a été particuliè‐ rement houleuse en 2022. Le chroniqueur techno Carl-Edwin Michel décrit les événements technos des 12 derniers mois qui mé‐ ritent de passer à la trappe.
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La saga Twitter et Elon Musk
Le multimilliardaire Elon Musk tient les journalistes au bout de leur chaise depuis qu’il a proposé d’acheter le ré‐ seau social Twitter pour 44 milliards de dollars améri‐ cains (environ 60 milliards de dollars canadiens) en avril.
Après plusieurs aléas judi‐ ciaires, notamment en raison de sa tentative d’annulation du rachat, le magnat des tech‐ nologies s’est finalement rési‐ gné à débourser l’argent pro‐ mis pour mettre la main sur le réseau de gazouillis.
Depuis, de nombreuses annonces – refonte de Twitter Blue, changement aux cro‐ chets d’authentification des profils, bannissement et res‐ tauration de comptes de jour‐ nalistes, suspension des comptes faisant la promotion d’URL d’autres plateformes de réseaux sociaux, etc. – inondent les fils de presse.
Avec [Elon Musk], ce n’est même pas chaque semaine qu’il se passe quelque chose. C’est chaque jour, chaque heure, selon ses humeurs. Carl-Edwin Michel
Depuis l’officialisation du rachat en octobre, Twitter est devenu une entreprise privée, gérée par une seule personne qui semble rancunière et peut décider de tout chambouler à coups de sondages en ligne, affirme le chroniqueur.
Cette instabilité, jumelée à l’affaiblissement de la modé‐ ration et à la propagation de la désinformation sur le ré‐ seau social, a éloigné plu‐ sieurs entreprises qui y diffu‐ saient de la publicité.
Mises à pied en techno
En plus d’en faire voir de toutes les couleurs aux adeptes de Twitter, le nou‐ veau patron du réseau social a également mis à pied la moi‐ tié de son personnel.
Dans une note interne, il a demandé aux employées et employés s’ils étaient prêts à s’investir à fond, sans quoi ils devraient démissionner.
Si cette manière de faire est discutable, notons toute‐ fois que Twitter n’est pas la seule entreprise technolo‐ gique à avoir procédé à d’im‐ portantes mises à pied. Meta, par exemple, a mis à la porte quelque 11 000 personnes cet automne.
Les entreprises se croyaient encore blindées, [s’assoyant sur leurs lauriers] avec l’économie qui leur était favorable pendant la pandé‐ mie de COVID-19.
Carl-Edwin Michel Le ralentissement général de l’économie, de même que les coûts liés à la pénurie de microprocesseurs, a fini par les rattraper.
Lever des fonds est beau‐ coup plus difficile en ce mo‐ ment à cause de la conjonc‐ ture économique, ajoute le chroniqueur.
FTX, cryptomonnaies et JNF
POW! La bulle des crypto‐ monnaies et des jetons non fongibles (JNF ou non-fun‐ gible token, NFT, en anglais) semble avoir éclaté. Et c’est la plateforme FTX de Sam Bank‐ man-Fried qui est devenue le symbole de cette chute.
On se rend compte qu’il y en a qui ont essayé d’en profi‐ ter. Ils avaient le beau jeu, ex‐ plique Carl-Edwin Michel.
Le fondateur de l’entre‐ prise a été inculpé par la jus‐ tice américaine en décembre pour avoir escroqué sa clien‐ tèle et ses investisseurs et in‐ vestisseuses. Il a été arrêté aux Bahamas, où il est en pro‐ cessus d’extradition.
Des gens disent que ça rappelle les années noires d’Internet, avec la bulle spécu‐ lative du ".com" [qui a affecté les valeurs technologiques à la fin des années 1990]. Ça peut ressembler à ça. Carl-Edwin Michel
Il s’agit d’un immense coup pour tout l’écosystème de la chaîne de blocs, ce qui est dommage, selon le chroni‐ queur qui croit que cette technologie n’est pas à jeter
aux oubliettes.
CNN+
Vous souvenez-vous de l’échec retentissant de Quibi, une plateforme de produc‐ tions télé exclusives de 10 mi‐ nutes ou moins conçue pour les appareils mobiles? Le ser‐ vice avait été débranché six mois après son lancement. CNN a fait un Quibi. Carl-Edwin Michel
CNN a réussi à reproduire un échec encore plus grand avec son service en ligne CNN+, présenté comme l’un des projets les plus ambitieux à l’époque en matière d’infor‐ mation en ligne et qui devait relancer la chaîne américaine.
Des centaines de millions de dollars ont été investis dans le service, qui promettait des contenus originaux par abonnement et qui avait même recruté Chris Wallace, un pilier de la chaîne Fox News, ainsi que Kasie Hunt, de NBC.
Au printemps, CNN+ a été débranché moins d’un mois après son lancement.
La 5G
Pour la troisième année de suite, la 5G se retrouve au pal‐ marès des flops technos. Cette technologie promettait d’améliorer la vitesse de trans‐ mission des données et de propulser l’Internet des ob‐ jets.
En ce moment, la 5G est presque aussi pire que la LTE. Le signal n’est tout simple‐ ment pas bon.
Carl-Edwin Michel
La 5G n’a pas réalisé sa promesse, tranche-t-il.
Ce qui a occupé l’actualité en la matière, c’est Ottawa qui a fermé en mai la porte à l’en‐ treprise chinoise Huawei pour le développement du réseau 5G au pays.
Le spécialiste en technolo‐ gies estime que les avancées dans la mise en place du ré‐ seau 5G au Canada ont été balayées sous le tapis.
La tiktokisation des ré‐ seaux sociaux
Ce n’est pas nouveau : les réseaux sociaux aiment se co‐ pier entre eux dans l’espoir d’attirer la précieuse attention des internautes sur leur plate‐ forme avec les plus récentes tendances.
À un moment donné, c’était les stories. Après, il y a eu les salons audio. Mainte‐ nant, ce sont les courtes vi‐ déos à la TikTok, énumère Carl-Edwin Michel.
YouTube a les Shorts, Ins‐ tagram et Facebook ont les Reels. Twitter pourrait même ramener les Vine.
Tout le monde copie tout le monde.
Carl-Edwin Michel
C’est le modèle : comment peut-on faire de l’argent rapi‐ dement? Ce sont des [vortex de contenus infinis] dans les‐ quels il est facile d’insérer de la publicité. C’est parfait pour les affaires, souligne-t-il.
Carl-Edwin Michel, qui n’est pas un grand admirateur de ce format, croit que les ré‐ seaux sociaux se tirent dans le pied en devenant du pareil au même ainsi.
Instagram a même dû faire marche arrière après avoir dé‐ ployé une mise à jour laissant plus de place aux vidéos sur sa plateforme. Des inter‐ nautes ont lancé une pétition, reprise par les soeurs Kim Kar‐ dashian et Kylie Jenner, de‐ mandant au réseau social de cesser de ressembler à TikTok et de se recentrer sur les pho‐ tos, son premier attrait.
La fermeture de Google Stadia
La tentative de Google de se lancer dans le jeu vidéo en nuage s’est soldée cet au‐ tomne en un grand échec pour le géant informatique.
Google Stadia est un flop total.
Carl-Edwin Michel
C’est dur, et long, de faire des jeux vidéo. Ils n’ont pas été patients, ajoute-t-il.
À son lancement en 2018, Google avait choisi Montréal pour établir son premier stu‐ dio de jeux vidéo, avec sa ve‐ dette Jade Raymond pour te‐ nir les rênes de l’entreprise. Le géant a, en 2021, changé de stratégie en se tournant plu‐ tôt vers des studios existants pour concevoir ses jeux vidéo, entraînant du même coup la fermeture des bureaux de Stadia dans la métropole et la démission de sa directrice.
Google a finalement an‐ noncé en septembre que son service Stadia allait être dé‐ branché et que ses utilisa‐ teurs et utilisatrices auraient droit à un remboursement.
Ça a donné la chance à Jade Raymond de créer son studio, Haven, [...] un studio indépendant québécois qui a été racheté par PlayStation.
C’est le premier studio PlayS‐ tation au Canada, se réjouit tout de même Carl-Edwin Mi‐ chel.
La convergence des stu‐ dios de jeux vidéo
Que serait une revue de l’année techno en 2022 sans aborder le rachat par Micro‐ soft d’Activision-Blizzard, l’en‐ treprise gigantesque qui a donné naissance à la série à succès Call of Duty?
Le géant de l’informatique tente depuis le 18 janvier de mettre la main sur l’autre géant, cette fois-ci celui de l’in‐ dustrie vidéoludique, pour une somme record de 69 mil‐ liards de dollars américains (86,4 milliards de dollars cana‐ diens).
Cette transaction suscite la grogne de joueurs et de joueuses ainsi que de nom‐ breux organismes de régula‐ tion dans le monde qui craignent que le géant rende exclusive à ses consoles Xbox la série de jeux de tir Call of Duty, notamment, ce que l’en‐ treprise dément depuis des mois.
Carl-Edwin Michel rappelle qu’Activision-Blizzard ne se ré‐ sume pas à Call of Duty. D’autres titres sont suscep‐ tibles de devenir exclusifs aux appareils de Microsoft. Rap‐ pelons que l’entreprise dé‐ tient aussi les droits de World of Warcraft, de Candy Crush et de nombreux autres jeux.
Les entreprises ne vont que faire des jeux qui rap‐ portent, vont prendre moins de risque, et ça va tuer la créa‐ tivité.
Carl-Edwin Michel
Il y a notamment Beenox, un studio québécois, qui tra‐ vaillait sur le jeu Skylander. Maintenant, ils ne font que du Call of Duty, déplore Carl-Ed‐ win Michel.
Notons aussi le rachat de studios de Square Enix, dont Eidos Montréal et Square Enix Montréal, par le mastodonte du jeu vidéo Embracer cette année.
Le groupe suédois a mis la clé sous la porte de Square Enix Montréal trois semaines après avoir dévoilé une nou‐ velle identité visuelle pour le studio ainsi qu’un nouveau nom : Onoma.
Le catalogue de l’entre‐ prise était riche de plusieurs succès, dont le jeu Deux Ex Go, qui figurait parmi les 100 meilleurs jeux de cassetête sur l’App Store. Cela n’a pas été suffisant pour qu’il soit sauvé par le nouveau propriétaire, qui a annoncé son débranchement, avec d’autres titres, en novembre.