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Souder sa confiance en soi, un morceau de métal à la fois

- Matisse Harvey

Des oeuvres d’art hétéro‐ clites aux teintes cuivrées sont éparpillée­s aux quatre coins de Cambridge Bay, au Nunavut. Avec leur facture visuelle singulière, ces sculptures ont un point en commun : toutes sont des dérivés de métal. De‐ puis cinq ans, un pro‐ gramme de soudure cherche à encourager des Nunavummiu­t à dévelop‐ per des habiletés ma‐ nuelles et, ultimement, à renforcer leur confiance en eux.

Au fond du studio Red Fish Arts trône une imposante sculpture de Sedna, la déesse de la mer, aussi connue sous le nom de Nuliajuk ou Taka‐ naaluk. Le bas de son corps est une queue métallique dra‐ pée d’écailles colorées. Audessus de sa tête flottent de longs cheveux embroussai­llés provenant initialeme­nt du câble d’amarrage d’un navire.

Après avoir déroulé [le câble], nous avons dû souder chaque brin de métal à son cuir chevelu, explique Daryl Taptoona-Haynes, 20 ans.

Confection­née à partir de métaux recyclés, cette Sedna grandeur nature est le fruit des longues heures de travail, mais surtout de patience et de minutie, que Daryl Taptoo‐ na-Haynes et quatre autres soudeurs de Cambridge Bay ont consacrées à ce projet d’envergure.

Son frère, Robert Taptoo‐ na-Haynes, aime particuliè­re‐ ment ce type de défis. Des projets d’envergure comme Sedna [...] sont mes préférés, dit-il. Ils prennent plusieurs mois à construire [et] chaque petit détail compte.

La sculpture sera exposée à l’extérieur de la résidence de la gouverneur­e générale du Canada, Mary Simon, à Ri‐ deau Hall. D’autres figures po‐ litiques ont aussi reçu l’une de leurs créations, dont le pre‐ mier ministre du Nunavut, P.J. Akeeagok, ainsi que le pre‐ mier ministre Justin Trudeau. Durant son passage à Cam‐ bridge Bay, à la fin août, ce dernier s’est notamment arrê‐ té au studio Red Fish Arts pour rencontrer les jeunes soudeurs.

À Cambridge Bay, ils ont notamment confection­né des bancs pour le cimetière et une nouvelle enseigne pour le dé‐ tachement de la Gendarmeri­e royale du Canada. Vous pou‐ vez retrouver notre art un peu partout dans la collectivi‐ té, mais aussi aux quatre coins du Canada, explique le coordinate­ur du programme de soudure, Mark Slatter.

Durant la saison des na‐ vires de croisière, il indique que leurs emblématiq­ues ombles de l’Arctique métal‐ liques tapent souvent dans l’oeil de touristes étrangers qui décident d’en rapporter dans leurs valises.

Le programme de soudure a le vent dans les voiles de‐ puis qu’il a été lancé. En 2018, il a d’ailleurs remporté une somme de 100 000 $ dans la catégorie jeunesse du Prix Inspiratio­n Arctique.

Lorsqu’il a débuté, en 2017, le programme consistait à réutiliser de vieux matériaux de métal, comme d’anciens barils de pétrole, pour en faire des oeuvres d’art. Bien que la dimension artistique soit encore bien présente, la vocation a évolué depuis. Quand je m’y suis joint [...] nous l’avons converti en programme axé sur les métiers et sur le mentorat, poursuit Mark Slatter.

Au-delà de l’occasion de formation, ce dernier croit que l'atelier offre un espace positif et motivant à des jeunes dont plusieurs ont eu des démêlés avec la justice dans le passé. Ultimement, nous voulons qu’ils ap‐ prennent à prendre soin d’eux, de leur famille, de leurs amis [et] qu’ils se sentent bien avec eux-mêmes, soutient-il.

Ce programme est mainte‐ nant offert sous la forme d’une formation à l’issue de la‐ quelle les participan­ts ob‐ tiennent une certificat­ion re‐ connue par le Bureau cana‐ dien de soudage, qui oeuvre dans la certificat­ion et l'enre‐ gistrement des entreprise­s et des organismes impliqués dans la soudure.

Mark Slatter croit que le programme aurait intérêt à être offert à plus grande échelle, dans d’autres com‐ munautés du Nunavut.

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