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Allô Fantôme, de l’ombre à la lumière

- Alexandre Couture

Costumes et maquillage extravagan­ts, théâtralit­é tout droit sortie des an‐ nées 70 et arrangemen­ts musicaux recherchés : la formation Allô Fantôme a fait une apparition flam‐ boyante sur la scène émer‐ gente québécoise cette an‐ née.

En l’espace de 12 mois, le groupe a fait son premier spectacle à vie, s’est frayé un chemin jusqu’aux demi-fi‐ nales des Francouver­tes, a joué aux Francos de Montréal et a été couronné dans la ca‐ tégorie « EP Indie-Rock » au Gala alternatif de la musique indépendan­te du Québec (GAMIQ).

L’idée derrière cette forma‐ tion des plus prometteus­es découle de l’imaginaire de Sa‐ muel Gendron, un musicien de 25 ans qui se pince encore en pensant à la dernière an‐ née qu’il vient de vivre.

« Je commence tranquille‐ ment à réaliser tout ce qui s’est passé dans la dernière année; c’est fucké pareil! » laisse-t-il tomber en riant.

La touche des années 70

Entouré de ses amis de longue date – qu’on retrouve aussi dans les groupes Efy Hecks et Mort Rose, notam‐ ment –, Samuel Gendron a créé un son garni d’arrange‐ ments riches et de progres‐ sions harmonique­s texturées. Anne-Marie Garand sublime le tout avec sa flûte traversièr­e et sa voix juste.

Le processus créatif du Laurentien commence la plu‐ part du temps au piano, son instrument de prédilecti­on dont il a appris à jouer en re‐ gardant des vidéos YouTube plus jeune. Après avoir com‐ posé la musique, il aime trans‐ poser des images en mots, ce qui donne des paroles simples, mais très évocatrice­s.

Ajoutez à cela une identité visuelle néo-glam – qu’il quali‐ fie de grandiose et « dans ta face » – et vous obtenez un mélange qui a vite fait de charmer les amateurs et ama‐ trices de l’effervesce­nte scène musicale émergente.

J'aime ça quand les choses sont extra et grandioses. J'aime ça quand c'est over the top [plus grand que nature], plein de couleurs. Un côté maximalist­e avec de gros cos‐ tumes et maquillage­s funky, ça donne le goût de donner un spectacle.

Samuel Gendron

Les deux vidéoclips d’Allô Fantôme, réalisés tout en jus‐ tesse par Gabriella QuesnelOli­vo (Edgar) et Alexandre La‐ rin (Couteau Papillon), ex‐ plorent cette propositio­n théâtrale et psychédéli­que.

L’inspiratio­n que tire Sa‐ muel Gendron d'illustres groupes des années 1960 et 1970 comme les Beatles, Su‐ pertramp et les Beach Boys est évidente, autant dans la forme que dans le fond.

« Au début, quand j'ai commencé à écrire les chan‐ sons du microalbum (EP), j'écoutais beaucoup la mu‐ sique des années 60 et 70, dont Supertramp et les Beatles. Les Beatles seront toujours une source infinie d'inspiratio­n; c'est comme l'exemple parfait de comment faire de la musique, ajoute-t-il. Sinon, tout ce qui est glam, du prog et de la power pop... El‐ ton John, un pianiste comme moi, est aussi un modèle. »

Et force est d’admettre que l’inspiratio­n porte ses fruits. Son microalbum homonyme, réalisé par Samuel Gemme (Pierre Lapointe, Choses Sau‐ vages, P'tit Belliveau et Meg‐ gie Lennon), a été chaude‐ ment accueilli par la critique et le public à sa sortie, en mai

2022.

Se mettre beaux draps

Derrière les récents succès se cache l’aboutissem­ent d’un long processus d’introspec‐ tion créatif, qui a forcé l'au‐ teur-compositeu­r-interprète à sortir de sa zone de confort.

Il faut comprendre qu’il n’y a pas si longtemps, Samuel Gendron se plaisait dans le rôle de second violon pour d’autres groupes. Aux anti‐ podes des ambitions scé‐ niques d’Allô Fantôme, il se sentait en quelque sorte pro‐ tégé dans l’obscurité de ses claviers.

« Ça m’a pris du temps quand même pour faire le move; je n’arrêtais pas de cho‐ ker [flancher], admet-il. Mais j’avais envie de créer mes propres affaires, et mon en‐ tourage m’a beaucoup encou‐ ragé à me lancer. La pandé‐ mie m’a aussi aidé, d’un cer‐ tain sens; j’avais juste ça à faire, composer des chan‐ sons. »

En se lançant en solo, l’ar‐ tiste de Sainte-Marthe-sur-leLac a accepté de vivre avec le poids des projecteur­s et la pression d’être le centre d’at‐ tention. Il avoue que cet as‐ pect de « frontman » [me‐ neur], est un apprentiss­age de tous les jours, qui peut être ardu par moments.

« J’avais mes doutes au dé‐ but; je suis quand même quel‐ qu’un de gêné, explique-t-il. Ça m’a pris du temps à m’as‐ sumer comme performeur, mais maintenant, j’aime vrai‐ ment ça. Je me laisse de plus en plus le droit d’être moimême, et ça marche, je pense! »

À son dernier spectacle, en novembre, pour une soirée organisée par la maison de disques Bonbonbon à l’occa‐ sion du festival M pour Mont‐ réal, Samuel Gendron, debout derrière son micro, a semblé être insufflé d’une dose de confiance, prenant toute la lu‐ mière qui lui revient.

Les gens présents dans la salle l’ont remarqué aussitôt, et l’énergie s’est décuplée entre les murs de la mythique Sala Rossa. Parmi la foule compacte, un certain Hubert Lenoir faisait partie des spec‐ tateurs et spectatric­es les plus engagés sur le parterre.

Bien qu’anecdotiqu­e, cette présence n’est pas passée in‐ aperçue pour Samuel Gen‐ dron, qui ne cache pas son admiration pour l’incompa‐ rable chanteur de Québec.

« Dans le temps, je n’écou‐ tais pas tellement de musique québécoise, mais la première fois que j’ai écouté l’album Darlène, j’ai pogné quelque chose, se souvient-il. C’est as‐ surément une grande source d’inspiratio­n, de la manière dont il mène sa carrière sans compromis. C’était spécial de le voir à mon show. »

Cette reconnaiss­ance de ses pairs et du milieu lui per‐ mettent de rêver grand pour la suite. La prochaine étape passera par l’enregistre­ment d’un album complet, « proba‐ blement l’été prochain »; un rite de passage que le princi‐ pal intéressé voit d’un oeil po‐ sitif.

« Ma mère me dit souvent : "Il faut que tu fasses un hit!" dit-il en riant. Mais, blague à part, j’ai super hâte. Ça va prendre une direction un peu différente, moins happy, moins hippy, plus orchestral­e. Il va y avoir des arrangemen­ts de fou et ça va être encore plus over the top. »

En attendant d’entendre Allô Fantôme sur un album complet, les amoureux et amoureuses de la musique émergente pourront voir à l'oeuvre la formation à l’occa‐ sion de la Taverne Tour, en fé‐ vrier prochain.

Une occasion en or de voir ce groupe plein de pro‐ messes, qui oscille habilement entre le potentiel infini de la démesure et l’assurance du brio musical.

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