Les Arhuaco de la Colombie s’invitent au Musée des beauxarts de Montréal
Parmi les grandes exposi‐ tions proposées en 2023 au Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM), le public pourra compter sur une proposition d’exception sur l’art autochtone colom‐ bien avec, entre autres, une interprétation inédite du savoir traditionnel de la communauté des Arhua‐ cos.
L’expo baptisée L’univers au creux des mains – Pen‐ sées et splendeurs de la Co‐ lombie autochtone s’annonce originale par son approche puisqu’elle est inspirée des conseils de plusieurs membres de la communauté Arhuaco.
Descendants directs des Tayronas, grands bâtisseurs à l’ère précolombienne, les Arhuacos sont un peuple au‐ tochtone du nord de la Co‐ lombie habitant la Sierra Ne‐ vada, massif montagneux iso‐ lé qui s’avère la plus haute chaîne de montagnes côtières de la planète.
L’UNESCO a d’ailleurs ré‐ cemment déclaré patrimoine immatériel le savoir ancestral des communautés de la Sierra Nevada, dont font partie les Arhuacos et trois autres peuples premiers : les Kan‐ kuamos, les Koguis, et les Wi‐ was.
Les quelque 400 oeuvres réunies viendront témoigner de la diversité et de la richesse des cultures autochtones de la Colombie, promet le mu‐ sée. Cela va d’ornement en or à la céramique travaillée jus‐ qu’à une série d’aquarelles contemporaines, explique en entrevue Erell Hubert, conser‐ vatrice de l’art précolombien au MBAM.
Il est venu le temps de dé‐ passer la vision eurocentriste et son mythe de l’El Dorado, pour parler de la Colombie avec des oeuvres autochtones d’un point de vue autoch‐ tone.
Erell Hubert, conservatrice de l’art précolombien
Dès le 3 juin prochain, le public montréalais pourra dé‐ couvrir une panoplie de pièces uniques et rares à la valeur patrimoniale inesti‐ mable : pendentifs en or, masques faits d’alliage, tex‐ tiles anciens, sculptures, etc.
Il reste qu'au-delà de la présentation de ces oeuvres d’exception qui n’ont d’ailleurs en majorité jamais été mon‐ trées au Canada, l’objectif principal de l’exposition est celui de reconnaître l’histoire de la Colombie du point de vue des Autochtones, indique la conservatrice.
Le public ne sera pas de‐ vant une proposition habi‐ tuelle où l’on rajoute des in‐ terventions autochtones, pré‐ cise-t-elle. Non, ce sera une construction en collaboration avec le peuple arhuaco qui implique l’interprétation des oeuvres, aussi bien la mise en espace des oeuvres que la structure de l’exposition ellemême.
L’ensemble archéologique n’est toutefois pas passéiste. Il est surtout vu comme un dialogue contemporain construit autour de l’idée de l’interrelation et l’interdépen‐ dance, ajoute la conservatrice.
Ainsi, les objets et artéfacts qui composeront l’exposition ne seront pas de simples ob‐ jets, mais de véritables vec‐ teurs de la mémoire et des énergies des savoirs ances‐ traux.
Tous les éléments sont connectés et ont un impact les uns sur les autres, d’un nous qui inclus non seule‐ ment les êtres humains, mais également les animaux, les plantes, les rivières ou les montagnes.
Un dialogue constant entre les oeuvres
Un certain nombre de thé‐ matiques composeront l’ex‐ position, note Erell Hubert mentionnant que la section qui sera consacrée à la na‐ ture – que les autochtones définissent davantage avec les termes de famille élargie –
mettra de l’avant l’impor‐ tance de prendre soin de ce qui nous entoure.
Dans la cosmogonie au‐ tochtone, il n’y a pas d’élé‐ ments plus importants que d’autres. Chacun à son rôle à jouer et tous ces rôles sont en synchronie.
Même si la plupart des oeuvres sont vieilles de plu‐ sieurs siècles, voire de plu‐ sieurs millénaires, ce sont des oeuvres qui parlent à des concepts et des pratiques qui vivent encore aujourd’hui.
Erell Hubert, conservatrice de l’art précolombien
C’est pourquoi les oeuvres ne seront pas non plus uni‐ quement classées par période et par lieu, mais plutôt dé‐ ployées autour d’un contexte multisensoriel en les envelop‐ pant avec des projections vi‐ déo et des trames sonores in‐ tégrant des ocarinas anciens.
Les Arhuacos nous ont de‐ mandé de ne pas les exposer les représentations des ani‐ maux comme les oiseaux, les grenouilles ou les jaguars par classifications par espèce scientifique, mais plutôt par écosystèmes, déclare la conservatrice. On va donc avoir des animaux marins ex‐ posés avec des poissons pour qu’ils continuent d’interagir entre eux.
Notons que l’expo qui ter‐ mine sa tournée dans les Amériques au Musée des beaux-arts de Montréal est le fruit d’une collaboration entre les Autochtones et plusieurs institutions muséales d’enver‐ gures, dont le Los Angeles County Museum of Art (LAC‐ MA), les musée des beauxarts de Houston et de Bogota, en Colombie, ainsi qu'El Mu‐ seo del Oro de Bogota (le Mu‐ sée de l'or de Bogota), lui aus‐ si dans la capitale colom‐ bienne.
Cette collaboration se poursuit toujours avec plu‐ sieurs membres de la commu‐ nauté, conclut la conserva‐ trice.
Ajoutons que dans sa pro‐ grammation 2023, le MBAM présentera du 18 mai au 10 septembre, une première rétrospective entièrement consacrée à la carrière du sculpteur autochtone Demp‐ sey Bob.
Originaire de la ColombieBritannique, l’artiste canadien membre des communautés tahltan et tlingit est notam‐ ment reconnue dans le monde entier pour ses mats totémiques, érigés aux ÉtatsUnis, en Angleterre et au Ja‐ pon.