Les Autochtones à fond sur les réseaux sociaux
Selon un rapport publié il y a quelques semaines par l'Observateur des techno‐ logies médias (OTM), plu‐ sieurs disparités existe‐ raient entre l'utilisation des technologies médias par les Premières Nations et celle des Canadiens, principalement en ce qui a trait à l'utilisation des ré‐ seaux sociaux. Espaces au‐ tochtones a mené sa petite enquête pour les expli‐ quer.
84 % des Autochtones uti‐ lisent des réseaux sociaux, contre 75 % des Canadiens. Cette différence est particuliè‐ rement marquante sur les ap‐ plications TikTok (38 % contre 25 %) et Snapchat (37 % contre 21 %), mentionne le document.
Bien que l'on puisse en partie associer ces différences au fait que les membres des peuples autochtones sont globalement plus jeunes, ce ne serait pas la seule raison, selon Xavier Watso, créateur de contenu d'origine abéna‐ kise.
Celui qui est surtout pré‐ sent sur TikTok mentionne que les possibilités de cette plateforme sont pratique‐ ment infinies et que le réseau social permet de créer diffé‐ rents types de contenu.
M. Watso évoque aussi l'aspect rassembleur de ce ré‐ seau social, qui permet de produire des vidéos qui peuvent ensuite être reprises et modifiées, créant ainsi une discussion.
On peut faire des vidéos drôles, divertissantes, éduca‐ tives, militantes, etc., explique M. Watso.
Il existe au Canada une vé‐ ritable communauté de membres des Premières Na‐ tions présents sur TikTok et, invariablement, on tente de s'encourager en tant que créateurs de contenu autoch‐ tones. Il y a beaucoup de soli‐ darité.
Historiquement, les gou‐ vernements nous ont répartis dans des réserves; c'était le paroxysme de l'expression "diviser pour mieux régner". Maintenant, avec les réseaux sociaux, les Autochtones se retrouvent et comprennent qu'ils vivent des réalités simi‐ laires.
Xavier Watso
Ils se créent ainsi une iden‐ tité un peu plus commune, permettant de s'inscrire dans la modernité tout en prônant des aspects de leurs cultures ancestrales comme la langue, les danses, l'art, etc., men‐ tionne encore le jeune homme.
Plusieurs membres des Premières Nations utilisent également les médias sociaux pour tenter de sensibiliser les allochtones à certains faits ou réalités historiques les concer‐ nant.
Ces différentes pistes per‐ mettent, selon Xavier Watso, d'expliquer la grande popula‐ rité des médias sociaux chez les Autochtones. Et ce n'est pas seulement les jeunes, il y a des aînés présents sur Tik‐ Tok! ajoute-t-il.
L'importance de Face‐ book dans les communau‐ tés
Selon le rapport de l'OTM, 90 % des Autochtones sont présents sur Facebook, contre 86 % des Canadiens.
Après de courtes re‐ cherches, on se rend vite compte que Facebook est uti‐ lisé dans certaines commu‐ nautés autochtones de ma‐ nière beaucoup plus impor‐ tante qu'ailleurs.
Il existe différent types de groupes Facebook, depuis les groupes d'artisanat qui font de la mise aux enchères jus‐ qu'aux groupes spécifique‐ ment consacrés aux notifica‐ tions sur l'état des routes per‐ mettant d'accéder aux com‐ munautés éloignées.
C'est le cas de la commu‐ nauté naskapie de Kawawa‐ chikamach, à 500 kilomètres au nord de Sept-Îles, qui pos‐ sède l'un des groupes Face‐ book les plus populaires et les plus anciens des communau‐ tés autochtones du Québec, Naskapi Radio.
Créé par Benjamin Joseph Jancewicz il y a un peu plus de 10 ans, le groupe rassemble maintenant au moins 3000 membres, soit le double de la population actuelle de la communauté.
M. Janzewicz explique qu'il n'est pas naskapi, mais qu'il a grandi dans la communauté et s'occupe du soutien tech‐ nique du groupe qui s'admi‐ nistre lui-même, de manière démocratique.
Dans les 28 derniers jours, il y a eu plus de 32 000 consul‐ tations du groupe par les membres. C'est énorme pour une si petite communauté! explique le créateur. Et il sait de quoi il parle, lui qui agit également comme gérant pour plus d'une dizaine de groupes Facebook consacrés à des organismes, à des com‐ pagnies, etc.
Le groupe Facebook a remplacé la radio communau‐ taire qui était allumée en per‐
manence dans tous les foyers de la communauté, précise-til.
Avant, les gens appelaient la radio pour souhaiter bon anniversaire à quelqu'un, pour demander aux gens qui voyaient leurs enfants de leur dire de venir souper... Mainte‐ nant, tout ça se fait sur le groupe!
Benjamin Joseph Jance‐ wicz, administrateur d'un groupe Facebook
L'avantage du groupe Fa‐ cebook, c'est que, lorsque des membres de la communauté ne sont pas sur place et ne peuvent plus écouter la radio locale de Kawawachikamach, ils peuvent tout de même sa‐ voir ce qui se passe.
Le groupe promeut égale‐ ment la culture à l'échelle lo‐ cale, puisqu'une certaine pro‐ portion des interactions sont effectuées en langue naska‐ pie. Il faut d'ailleurs répondre à quelques questions en nas‐ kapi pour pouvoir joindre le groupe, précise M. Jancewicz.
Comme Xavier Watso, il note que les membres du groupe qui interagissent pro‐ viennent de toutes les tranches d'âge, allant de 10 à 90 ans.
Ainsi, que ce soit sur Face‐ book ou sur TikTok, le conte‐ nu autochtone se distingue. La présence des Premières Nations sur ces plateformes est imprégnée d'un sens de la communauté et semble être vécue comme une manière de joindre l'utile à l'agréable.