En 2022, les mèmes contre-attaquent
Du convoi de la liberté aux influenceurs et influen‐ ceuses du vol de Sunwing vers Tulum, les inter‐ nautes ont eu droit à une année chargée en actuali‐ tés méméfiables. Le spécia‐ liste de la culture popu‐ laire Jean-Michel Ber‐ thiaume a scruté les re‐ coins du web pour déni‐ cher les tendances en mèmes qui ont marqué 2022. Mème
Concept (texte, image, vi‐ déo) massivement repris, dé‐ cliné et détourné sur Internet de manière souvent paro‐ dique, qui se répand très vite, créant ainsi le buzz.
– Dictionnaire Larousse
Sunwing et Occupation double
L’année a débuté en force avec la saga des influenceurs et des influenceuses qui ont transformé un vol de Sunwing à destination de la ville mexi‐ caine de Tulum en grande fête à 10 000 mètres d’altitude, avec beuverie et vapotage. Leurs déboires ont été diffu‐ sés sur les réseaux sociaux, au plus grand plaisir des maîtres du mème (meme lord), qui ont pu s’en donner à coeur joie en ligne.
On les a déplumés sur le web. [...] Notre regard n’était plus aussi passif par rapport aux [influenceurs], analyse Jean-Michel Berthiaume, doc‐ torant en études sémiotiques.
Le même scénario s’est ré‐ pété plus tard en 2022 pour la saga entourant Occupation double, cette téléréalité diffu‐ sée sur la chaîne télé Noovo qui a fait l’objet d’une contro‐ verse liée à l’intimidation qu’aurait subi l’un des candi‐ dats de l’émission.
Toute l’année, on s’est payé la tête des influenceurs et des influenceuses.
Jean-Michel Berthiaume
Mersi kemion
En janvier, le convoi de la liberté à Ottawa, organisé par un regroupement de camion‐ neurs et de camionneuses, a permis la naissance du meilleur mème de l’année, se‐ lon le spécialiste en culture populaire Jean-Michel Ber‐ thiaume.
Il s’agit d’un montage mon‐ trant un arc-en-ciel – faisant référence au slogan Ça va bien aller des débuts de la pandémie de COVID-19 – et un camion nageant comme un dauphin, avec l'écriteau Mersi kemion, qui se moque de façon stéréotypée de la qualité du français des mani‐ festants et manifestantes.
L’image a été si populaire qu’elle a même été exposée à la galerie Jean-Tal de l’émission Infoman, où étaient mises en valeur des oeuvres engagées s’inspirant de l’actualité.
Jean-Michel Berthiaume, aussi chargé de cours à l’Uni‐ versité du Québec à Montréal, croit que L’Actualité en mèmes a été particulièrement agile en créant cette image sur un terrain connu des gens qui ont participé au convoi : les mèmes. Après tout, ces derniers se sont probable‐ ment alliés grâce à cette culture du web, selon le spé‐ cialiste.
Ce n’est pas une attaque personnelle, mais bien géné‐ rale. [L’Actualité en mèmes] a vaincu le poison avec le poi‐ son. C’est digne de Rock et Belles Oreilles à l’époque où c’était grinçant, indique JeanMichel Berthiaume.
C’est la palme d’or pour moi cette année.
Jean-Michel Berthiaume L’année a aussi été mar‐ quée par l’annonce de la re‐ traite de la personne derrière la page de L’Actualité en mèmes, laissant dans le deuil beaucoup de fans de ses mèmes portés sur les nou‐ velles québécoises.
L’été de Morbius
Parfois, la mèmosphère n’attend pas que l’actualité se déchaîne pour se divertir : elle s’occupe elle-même. On n’a qu’à penser à la saga du fo‐ rum Reddit WallStreetBets, qui a donné un nouveau souffle au cours des actions de la chaîne de magasins de jeux vidéo GameStop en 2021.
Cette année, c’est le film Morbius de Sony Pictures, mettant en vedette Jared Le‐ to, qui a été la cible des inter‐ nautes.
Personne ne voulait voir ce film arriver. En ligne, les gens ont commencé à faire des mèmes évoquant que ça allait être le meilleur film au monde, que ça allait être brillant, raconte Jean-Michel Berthiaume.
Sony s’est dit : "Tout le monde parle du film, ça va être un succès." Ils ne pou‐ vaient pas être plus dans le champ que ça.
Jean-Michel Berthiaume Comme de fait, les foules ne se sont pas précipitées en salle, comme l’espérait le pro‐ ducteur. Le film a été un échec : au début du mois de décembre, Morbius avait en‐ registré des recettes de quelque 163 millions de dol‐ lars américains (221,2 millions de dollars canadiens), dont 74 millions de dollars améri‐ cains (101 millions de dollars canadiens) aux États-Unis. Le budget était de 75 millions de dollars américains (102 mil‐ lions de dollars canadiens).
Ce n’est pas tout : après le retrait du film au cinéma, les internautes ont engendré une nouvelle vague de mèmes sur Morbius. Certains se faisant