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L’arrêt cardiaque de Hamlin est une « grosse malchance », selon un cardiologu­e

- Olivier Paradis-Lemieux

L'arrêt cardiaque subi par le demi de sûreté des Bills de Buffalo Damar Hamlin lors du duel contre les Ben‐ gals de Cincinnati, lundi soir, serait vraisembla­ble‐ ment dû à un phénomène nommé commotio cordis, selon le cardiologu­e sportif François Simard.

Le joueur de 24 ans s'est effondré quelques instants après s'être relevé à la suite d'un choc subi lors d'un pla‐ qué qu'il a lui-même effectué. En enroulant le receveur des Bengals Tee Higgins dans ses bras pour effectuer la ma‐ noeuvre, il a reçu en pleine poitrine l'épaule de son ad‐ versaire, qui arrivait à pleine vitesse.

Je pense que ce n'est pas le plaqué le plus dur qu'on ait vu, mais il reçoit quand même un choc important. Il a le temps de se relever, mais quelques secondes plus tard, il retombe et il fait probable‐ ment son arrêt cardiaque à ce moment-là, au moment où il perd conscience, estime le médecin à l'Institut de cardio‐ logie de Montréal.

Ce qui est arrivé exacte‐ ment à monsieur Hamlin, je ne peux pas le dire, mais l'hy‐ pothèse qu'on a actuelle‐ ment, avec quelques col‐ lègues avec qui j'ai discuté aussi, c'est qu'il a peut-être souffert d'un phénomène qu'on appelle le commotio cordis, ajoute-t-il.

Le commotio cordis, dé‐ taille le Dr François Simard, peut se produire lors d'un im‐ pact à haute vélocité directe‐ ment sur le thorax, comme lorsqu'on reçoit une balle de baseball en pleine poitrine.

Et ça arrive à un moment très précis au niveau du cycle cardiaque, poursuit-il. Un mo‐ ment où l'activité électrique est en train de redémarrer ou est en train de se régularise­r. Et s'il arrive un choc impor‐ tant, exactement à ce mo‐ ment-là, le coeur développe une arythmie complèteme­nt désorganis­ée, qu'on appelle la fibrillati­on ventricula­ire, et qui est synonyme d’une mort su‐ bite.

À ce moment, chaque se‐ conde compte pour réanimer la personne ayant subi cet événement cardiaque. S’ils ne sont pas réanimés, ils vont décéder dans les secondes ou les minutes qui vont suivre [...], précise-t-il. D'ailleurs, un des facteurs les plus impor‐ tants pour prédire s'il y aura des séquelles ou non après un arrêt cardiaque, c'est le moment entre l'arrêt car‐ diaque et le moment de la dé‐ fibrillati­on.

En raison de la rapidité des services médicaux de se por‐ ter à son secours, lundi soir, Damar Hamlin pourrait se re‐ mettre de cet incident et reve‐ nir au jeu un jour, pense le Dr Simard. Surtout si le diagnos‐ tic de commotio cordis se confirme, puisque ceci impli‐ querait qu'il n'y a pas de mal‐ formation ou de prédisposi‐ tion.

C'est vraiment un très, très, très malheureux concours de circonstan­ces parce que la période dont je vous parlais où il faut qu'il y ait un choc à un moment très précis, c'est [une fenêtre de] 20 à 40 millisecon­des, sou‐ ligne-t-il. C'est pour ça qu'il y a des centaines et des cen‐ taines de chocs que les gens reçoivent dans les sports de contact ou autres et on ne va pas avoir des événements comme ça. Il faut vraiment un très malheureux concours de circonstan­ces.

L'incident vécu par Damar Hamlin est exceptionn­el, as‐ sure-t-il. Dans la littératur­e médicale, on parle d'un cas par an par groupe de 200 000 athlètes de commotio cordis. D'ailleurs, il explique que l'arrêt cardiaque subi par le Danois Christian Eriksen, en juin 2021 à l'Euro, est bien dif‐ férent, même si comparer les deux événements est naturel.

Le Danois Eriksen n'avait eu aucun choc auparavant, donc lui, c'est impossible que ça soit un commotio cordis. Donc les risques qu'il (Eriksen) ait une maladie cardiaque, gé‐ nétique ou autres sont beau‐ coup plus élevés, souligne-t-il. Christian Eriksen s'est d'ailleurs fait implanter un dé‐ fibrillate­ur cardiaque dans les jours qui ont suivi et est re‐ tourné au jeu en février der‐ nier, huit mois après l'inci‐ dent.

Le Dr Simard n'exclut pas pour autant que Damar Ham‐ lin ait pu avoir une malforma‐ tion cardiaque qui n'avait pas été diagnostiq­uée aupara‐ vant. Mais ce qui dictera sur‐ tout sa capacité à se remettre sur pied, ce sont les consé‐ quences mêmes de l'arrêt car‐ diaque.

Il est hospitalis­é, il est en‐ core dans un état qui est jugé critique. C'est que malheureu‐ sement quand on fait un arrêt cardiaque comme ça pendant un bout de temps, il y a un ar‐ rêt circulatoi­re. Il n'y a plus de circulatio­n au niveau des or‐ ganes vitaux, du cerveau, des poumons, et du coeur évi‐ demment. Et il faut se re‐ mettre de tout ça.

Heureuseme­nt, il y a eu une équipe de secours très ra‐ pide, ce qui va probableme­nt limiter les dommages. Mais quand même, c'est difficile, des fois, à prédire. Est-ce qu'il va ressortir avec des séquelles de cet événement-là? Malheu‐ reusement, même si on dit que c'est une très grosse mal‐ chance, les conséquenc­es peuvent quand même être si‐ gnificativ­es, décrit le cardio‐ logue sportif.

Pour le Dr Simard, toute cette situation illustre toute l'importance de rendre dispo‐ nible dans les lieux de compé‐ tition ou d'entraîneme­nt, comme des endroits publics en général, des appareils de défibrilla­tion.

Le fait que ça soit dispo‐ nible, c'est ce qui permet le plus de protéger les gens, ap‐ puie-t-il. C'est ce qui permet d'éviter les conséquenc­es né‐ fastes.

C'est sûr que ça évoque des questions, mais le mes‐ sage que je tiens à envoyer, ça serait que la pratique d'activi‐ té physique, surtout dans la vie quotidienn­e, régulière et modérée, c'est protecteur et c'est bénéfique pour la santé des gens, conclut le spécia‐ liste.

Avec les informatio­ns de Mathieu Massé

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