Le recours aux agences privées coûte de plus en plus cher au CISSS de la Gaspésie
Pierre Chapdelaine de Montvalon Le recours à la maind'oeuvre indépendante s'est intensifié considéra‐ blement depuis les cinq dernières années au Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de la Gaspésie. En consé‐ quence, les coûts reliés à cette pratique ont explosé.
Selon des données obte‐ nues en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, les sommes dépensées pour ce type de main-d'oeuvre ont été multipliées par 20 entre les années financières 2017-2018 et 2021-2022.
La main-d'oeuvre indépen‐ dante (MOI) représentait ainsi une masse salariale de 1,2 mil‐ lions de dollars en 2017-2018 et de 25,5 millions de dollars en 2021-2022.
En 2017-2018, l'utilisation de la main-d'oeuvre indépen‐ dante représentait 19 équiva‐ lents temps complet, une uni‐ té utilisée par le gouverne‐ ment du Québec pour mesu‐ rer le volume de la maind’oeuvre rémunérée durant un exercice financier, selon le
Secrétariat du Conseil du tré‐ sor.
Cinq ans plus tard, ce nombre passait à 146.
Parmi l'ensemble des caté‐ gories de personnel, ce sont les infirmières, les inhalothé‐ rapeutes et les préposées aux bénéficiaires qui sont les plus touchées par l'utilisation de la MOI.
Rationner autant que possible l'utilisation de la main-d'oeuvre indépen‐ dante
De tels chiffres ne sur‐ prennent pas le président du Syndicat des infirmières, infir‐ mières auxiliaires et inhalo‐ thérapeutes de l'Est-du-Qué‐ bec, Pier-Luc Bujold.
Dans les deux dernières années, il y a eu de la surutili‐ sation de la main-d'oeuvre in‐ dépendante, qui était même injustifiée, avance M. Bujold, tout en admettant que la pandémie est venue augmen‐ ter les besoins de la part du CISSS. Avant la pandémie, avec l'employeur, on avait réussi à mettre des mesures en place pour éviter le plus possible de recourir au privé, rappelle-t-il.
Selon le porte-parole du CISSS de la Gaspésie, Lou Lan‐ dry, la pandémie a accentué la pression sur le réseau.
La pandémie a pu avoir un certain impact à l'égard de cette hausse, notamment par l’ajout de contraintes liées à la mobilité du personnel, écrit-il par message courriel. Nous rencontrons des défis de main-d'oeuvre qui nous forcent à utiliser la maind'oeuvre indépendante afin de maintenir les soins et ser‐ vices offerts à la popula‐ tion. Le CISSS souhaite ration‐ ner autant que possible l'utili‐ sation de la main-d'oeuvre in‐ dépendante, notamment en optimisant son utilisation et surtout en travaillant au re‐ crutement et à la rétention de personnel.
Améliorer les conditions de travail
Le syndicaliste croit que la manière de diminuer l'utilisa‐ tion de la MOI sans affecter l'offre de services de santé à la population passe par la boni‐ fication des conditions de tra‐ vail dans le réseau public. Au‐ tant le CISSS de la Gaspésie que le gouvernement, il faut qu'ils se posent la question : pourquoi les gens quittent vers la main-d'oeuvre indé‐ pendante? Parce que initiale‐ ment, c'était des gens qui tra‐ vaillaient dans le réseau, ex‐ plique Pier-Luc Bujold
Il faut que le gouverne‐ ment donne un coup de barre dans les conditions de travail pour ramener les profession‐ nels dans le réseau.
Pier-Luc Bujold, président du Syndicat des infirmières, infirmières auxiliaires et inha‐ lothérapeutes de l'Est-duQuébec
Par ailleurs, Pier-Luc Bujold critique le manque de cohé‐ rence du gouvernement sur l'utilisation de ce type de main-d'oeuvre.
On a vu une dualité dans le discours politique dans les dernières semaines. D'un cô‐ té, le gouvernement dit vou‐ loir restreindre la maind'oeuvre indépendante, mais de l'autre, il signe et renou‐ velle des millions de dollars en contrats pour deux ans en main-d'oeuvre indépendante, constate-t-il.
Situation généralisée
Le CISSS du Bas-SaintLaurent fait aussi face à une telle tendance. En cinq ans, les coûts générés par l'utilisation de la main-d'oeuvre indépen‐ dante ont été multipliés par 30.
Aux Îles-de-la-Madeleine, le recours à la main-d'oeuvre indépendante plombe de la même manière les finances du CISSS.
Au moment de publier ces lignes, le CISSS de la Gaspésie n’avait répondu à nos de‐ mandes d'entrevue.