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Guérir du diabète : les progrès thérapeuti­ques ouvrent un boulevard d’espoir

- Bassirou Bâ

Un siècle après la mise au point de l’insuline, considé‐ rée à l’époque comme une découverte providenti­elle, des progrès notables ont été enregistré­s dans la re‐ cherche de traitement contre le diabète. Des chercheurs en endocrino‐ logie croient même qu’on arriverait à soigner cette maladie chronique dans un horizon de 5 à 10 ans.

Il existe deux formes de diabète, rappelle Rémi Raba‐ sa-Llhoret, médecin cher‐ cheur à l’Institut de recherche clinique de Montréal et direc‐ teur de Diabète Québec.

La forme la plus fréquente est le diabète de type 2, pour le traitement duquel l’utilisa‐ tion de l’insuline est un peu un dernier recours, alors que les diabétique­s de type 1 [...] ont besoin de l’insuline pour le restant de leur vie.

En ce qui a trait aux pro‐ grès des traitement­s contre le diabète de type 2, le Dr Raba‐ sa-Llhoret mentionne des mé‐ dicaments autres que l'insu‐ line, qui sont administré­s par voie orale ou par injection et qui réduisent les risques de maladies du coeur et des reins.

Ils s’avèrent extrêmemen­t bénéfiques sur le plan cli‐ nique, ajoute le Dr Robert He‐ gele, endocrinol­ogue et pro‐ fesseur de médecine à l'Uni‐ versité Western, en Ontario.

Pour les patients traités à l'insuline, la mise sur le mar‐ ché de capteurs de glycémie, qui permettent au patient de surveiller son taux de sucre en permanence, constitue aussi une véritable révolution, note le Dr Rabasa-Llhoret.

Ils améliorent la qualité de vie des patients en leur évi‐ tant de devoir se piquer un doigt plusieurs fois par jour et de glisser ensuite une bande‐ lette imbibée de sang dans un lecteur pour connaître le ni‐ veau de leur glycémie.

La pompe à insuline, qui administre de l’insuline de fa‐ çon automatisé­e en fonction du taux de glycémie du pa‐ tient, est également citée comme l’une des avancées majeures de ces dernières an‐ nées.

Selon le Dr Rémi Rabasa-Ll‐ horet, les diabétique­s de type 2 représente­nt entre 7 % et 9 % de la population cana‐ dienne et au moins 300 000 Canadiens souffrant de cette forme de diabète ont besoin

de l’insuline.

La découverte de l'insu‐ line, une histoire alber‐ taine

Les chercheurs canadiens Frederick Banting et Charles Best reçoivent en 1923 le prix Nobel de médecine pour avoir découvert l'insuline deux ans plus tôt. Avant cette trouvaille, les diabétique­s étaient soumis à un régime alimentair­e draconien qui les exposait à une mort prématu‐ rée.

Avoir le diabète était, à l’époque, comme recevoir une peine de mort, rappelle Alison Li, historienn­e de la médecine.

Elle ajoute que l'avène‐ ment de l’insuline est révolu‐ tionnaire du fait de l'impact qu'elle a eu sur la vie de mil‐ lions de personnes atteintes de diabète.

Considérée comme la plus grande contributi­on du Cana‐ da à la recherche médicale au 20e siècle, la découverte de l'insuline a été déclarée en juillet 2017 comme un événe‐ ment historique national.

Toutefois, le fait le moins connu est que les diabétique­s qui utilisent cette hormone pour diminuer le taux de glu‐ cose dans le sang le doivent à un professeur de biochimie de l’Université de l’Alberta, James Bertram Collip.

Alors que Frederick Ban‐ ting et Charles Best n’ont pas été en mesure d'aller plus loin [que ne l’ont fait] d’autres chercheurs dans d'autres par‐ ties du monde, ils ont fait ap‐ pel au professeur Collip, qui travaillai­t alors à Edmonton, raconte Alison Li.

Selon l’historienn­e onta‐ rienne, en à peine six se‐ maines, celui-ci a réussi à iso‐ ler un extrait d’enzymes pan‐ créatiques suffisamme­nt pur pour pouvoir être administré à un humain.

Comme le rappelle le Dr Robert Hegele, le résultat des travaux de Banting et Best ne pouvait fonctionne­r que sur un animal de laboratoir­e. C'est donc la contributi­on de Collip qui a été décisive, tranche-t-il.

Le Protocole d'Edmon‐ ton

D'autres chercheurs alber‐ tains se sont récemment illus‐ trés dans la recherche sur le diabète en mettant au jour le Protocole d’Edmonton, qui consiste à récupérer le pan‐ créas d’un donneur pour en extraire les cellules qui pro‐ duisent de l’insuline et à les in‐ jecter sous le foie d'un pa‐ tient.

Il permet de réduire la toxicité des médicament­s an‐ tirejet pour les cellules bêta, note le Dr Rabasa-Llhoret, en plus de permettre aux pa‐ tients atteints de diabète de type 1 de vivre une vie plus in‐ dépendante sans même avoir besoin d'injections d'insuline, relève pour sa part le Dr He‐ gele.

Néanmoins, souligne le Dr Rabasa-Llhoret, ce procédé médical ne concerne qu’une fraction de diabétique­s qui ont les reins très abîmés ou qui font des comas hypogly‐ cémiques à répétition. De plus, le donneur et le receveur doivent être compatible­s.

Optimisme pour les dia‐ bétiques

Compte tenu de ces avan‐ cées, le Dr Hegele se dit très confiant que l’on en arrive à guérir du diabète dans cinq ans à dix ans.

On sait déjà prévenir le diabète de type 2 chez des personnes prédisposé­es par des mesures d’améliorati­on des habitudes alimentair­es, ou par la pratique régulière d’une activité physique, note le Dr Rabasa-Llhoret. Et lorsque la maladie est décla‐ rée, on peut la mettre en ré‐ mission.

Concernant le diabète de type 1, il dit avoir bon espoir qu’on arrivera dans moins de 10 ans à le soigner pour de bon.

Le Dr Rabasa-Llhoret met toutefois un bémol à son en‐ thousiasme en soulignant que c’est comme une marche en montagne où l'on arrive à atteindre le sommet, avant de se rendre compte qu’il a un gros raidillon et des risques de patiner.

Conseils pratiques

Pour réduire les risques de développer le diabète de type 2, il faut revoir les habi‐ tudes alimentair­es en suivant le guide alimentair­e canadien, conseille la Dre Michelle Dion, médecin de famille exerçant à Edmonton.

Elle souligne l’importance de consommer des grains en‐ tiers : ils sont riches en fibres, ils ne génèrent pas de sucre et, en plus, ils aident à dimi‐ nuer l’absorption du sucre dans le sang.

La Dre Dion conseille aussi de limiter la prise de bonbons et d’autres sucreries qui contiennen­t de mauvais sucres, de favoriser l’eau comme boisson de choix et de limiter la consommati­on d’alcool.

En ce qui a trait à l’exercice physique, elle suggère aux personnes qui ne trouvent pas le temps de le faire de pri‐ vilégier les escaliers plutôt que l'ascenseur, de stationner leur véhicule un peu plus loin de leur destinatio­n et faire le reste du trajet à pied.

Pour les enfants adeptes des écrans, elle conseille aux parents d’être vigilants et d’être plus imaginatif­s pour les encourager à être plus ac‐ tifs et moins sédentaire­s.

Au Canada, on estime qu'environ 285 000 personnes souffraien­t du diabète de type 1 en 2022 et que le nombre de personnes at‐ teintes augmente de 4,4 % chaque année. De plus, on prévoit que plus de 455 000 personnes vivront avec cette maladie en 2040 au pays.

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