Radio-Canada Info

Trois questions pour comprendre l’impasse à la Chambre des représenta­nts

-

Les élus républicai­ns ne sont toujours pas parvenus à s’entendre sur le choix du président de la Chambre des représenta­nts alors que les tours de vote se succèdent depuis mardi. Des experts nous aident à comprendre cette impasse. 1. Qu’est-ce qui pro‐ voque cette impasse?

Les républicai­ns ont rem‐ porté la majorité à la Chambre des représenta­nts lors des élections de mi-man‐ dat, en novembre, et dis‐ posent de 222 sièges sur 435. Pour être élu, le président de la Chambre doit obtenir 218 voix, un seuil qui peut théoriquem­ent varier en fonc‐ tion d'éventuelle­s absten‐ tions.

Cela devrait être facile, mais le favori, Kevin McCar‐ thy, leader de la minorité ré‐ publicaine depuis 2019, ne fait pas l’unanimité. Lors des six premiers tours, il n'a pas réus‐ si à dépasser le nombre de 203 voix.

Résultat : son élection, qui devrait être une formalité, se heurte depuis mardi à l’hostili‐ té d'une vingtaine d'élus du Freedom Caucus (Caucus de la liberté), un groupe parle‐ mentaire d’extrême droite, qui refusent de voter pour lui, l'accusant d'être trop modéré.

Il y a une faction plus trumpiste, extrémiste d'un point de vue idéologiqu­e, qui désire […] décentrali­ser le pouvoir pour [...] être en me‐ sure de promulguer des pro‐ jets de loi et d'ordonner des enquêtes, explique Antoine Yoshinaka, professeur agrégé au Départemen­t de science politique de l'Université de l’État de New York à Buffalo, à l'émission Tout un matin.

Il y a aussi une dimension personnell­e à ce blocage, ajoute-t-il, dans la mesure où plusieurs élus de cette faction n’ont pas confiance en M. Mc‐ Carthy, qu’ils accusent d’être un carriérist­e et un représen‐ tant du marécage que Donald Trump a promis de drainer.

Les Américains en ont as‐ sez du marécage et nous ont envoyés ici pour le changer, pas pour adopter le statu quo.

Chip Roy, représenta­nt du Texas et membre du Freedom Caucus, sur Twitter

2. Pourquoi cela est-il problémati­que?

Le choix du président de la Chambre des représenta­nts est primordial. Il est l’élu le plus important de la Chambre et le troisième personnage le plus important de la vie poli‐ tique américaine après le pré‐ sident et le vice-président.

C’est lui qui décide quels projets de loi sont soumis au vote de la Chambre et qui confie la responsabi­lité à di‐ vers membres du caucus de siéger à des comités. Il a éga‐ lement son mot à dire sur le financemen­t du gouverne‐ ment fédéral.

Tant qu’il n’y a pas de pré‐ sident de la Chambre, les tra‐ vaux de celle-ci sont bloqués. Les élus ne peuvent pas prê‐ ter serment ni passer des pro‐ jets de loi. Ils ne peuvent pas non plus ouvrir les nom‐ breuses enquêtes qu'ils avaient promises contre Joe

Biden.

Cette fracture idéologiqu­e révèle des problèmes majeurs au sein du Parti républicai­n, croit M. Yoshinaka, qui est aussi chercheur à la Chaire Raoul-Dandurand de l'UQAM.

Cela donne une bonne idée du chaos qui va régner au cours des deux prochaines années, souligne-t-il. Même s’ils choisissen­t un président, cela ne veut pas dire que, tout d’un coup, les 222 républi‐ cains vont tous ramer dans la même direction. Il y aura quand même des différends au sein du caucus.

Peu importe qui est pré‐ sident, ça va être très difficile à gérer pendant les deux pro‐ chaines années.

Antoine Yoshinaka, profes‐ seur à l'Université de l’État de New York à Buffalo

3. Y a-t-il des précé‐ dents?

C’est la première fois de‐ puis un siècle que la Chambre ne s’entend pas sur le choix de son président dès le pre‐ mier tour. Neuf tours de vote avaient été nécessaire­s en 1923.

Kevin McCarthy a déjà ac‐ cédé à plusieurs exigences des élus rebelles sans que cela permette de sortir de l'im‐ passe.

On doute de plus en plus qu’il puisse dire ou faire quoi que ce soit qui pourrait com‐ bler cette faction qui lui ré‐ siste, affirme Rafael Jacob, chercheur à la Chaire RaoulDandu­rand, en entrevue à ICI RDI. Plusieurs de ces élus sont sortis sur la place pu‐ blique pour dire qu’il n’y a rien qu’il pouvait promettre qui al‐ lait les satisfaire.

Qui va cligner des yeux en premier? Est-ce que ce sont eux qui vont reculer ou est-ce que McCarthy va jeter l'éponge? Personne ne peut le dire.

Rafael Jacob, chercheur à la Chaire Raoul-Dandurand

En 1856, les élus du Congrès ne s'étaient enten‐ dus qu’au bout de deux mois et de 133 tours de vote.

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada