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La crise du logement pourrait s’aggraver à Gatineau, selon un nouveau rapport du FRAPRU

- Maude Ouellet

Gatineau demeure la ré‐ gion métropolit­aine où les loyers sont les plus élevés au Québec, et ils conti‐ nuent de croître en raison de la spéculatio­n immobi‐ lière. C’est ce que révèle un rapport du Front d’action populaire en réaménage‐ ment urbain (FRAPRU), pa‐ ru jeudi.

Dans la dernière année, [à Gatineau] ça a été une aug‐ mentation de 8,8 % du loyer moyen constaté par la Société canadienne d'hypothèque­s et de logement (SCHL). L’année précédente c’était 16 %. La hausse des loyers continue de se faire très très rapidement à Gatineau, rapporte la porteparol­e du FRAPRU, Véronique Laflamme.

Le FRAPRU s’inquiète du nombre croissant de loca‐ taires qui n’arrivent pas à se trouver de logement. En dé‐ cembre à Gatineau, une soixantain­e de ménages étaient toujours sans-logis. En septembre, ils étaient 85.

Le Collectif régional de lutte contre l'itinérance en Outaouais (CRIO) rapportait d’ailleurs en décembre que l’itinérance a explosé à Gati‐ neau, depuis 2018.

Au final, la rareté et le coût des logements locatifs ag‐ gravent le problème de l’itiné‐ rance et font monter la pres‐ sion sur les organismes ve‐ nant en aide aux plus dému‐ nis, constate le Front d’action populaire en réaménagem­ent urbain.

Les ressources d’héberge‐ ment ne suffisent plus à la tâche à Montréal, Québec ou Gatineau, mais aussi dans plu‐ sieurs autres villes à travers le Québec, peut-on lire dans le rapport du FRAPRU intitulé : Crise du logement et droits humains, rapport à la Défen‐ seure fédérale du droit au lo‐ gement.

Dans son document, le FRAPRU dresse le portrait de la crise du logement dans la région, mais aussi sur celles qui sévissent ailleurs au Qué‐ bec, et qui briment les droits humains, selon l’organisme.

Ces crises du logement ont, non seulement un effet sur le droit au logement luimême, mais sur d’autres droits comme le droit à la san‐ té. On sait que, quand on a des problèmes de logement, notamment comme de l’insa‐ lubrité, ça a des consé‐ quences sur notre santé phy‐ sique, explique Mme La‐ flamme.

Selon elle, le prix élevé des logements peut également porter atteinte au droit à l’ali‐ mentation en limitant la capa‐ cité des locataires à payer leur épicerie.

Sans mesures fortes de la part des gouverneme­nts, le FRAPRU craint que la situa‐ tion du logement ne se dété‐ riore davantage en 2023. Se‐ lon le regroupeme­nt, l’écart est de plus en plus grand entre ce que le marché offre et les besoins des ménages lo‐ cataires mal logés.

On se prépare une bombe à retardemen­t , avertit Véro‐ nique Laflamme.

La faute à la spéculatio­n immobilièr­e

À Gatineau, mais aussi ailleurs dans la province, la crise du logement est aggra‐ vée par la spéculatio­n immo‐ bilière, selon FRAPRU.

Dans son rapport, l’orga‐ nisme blâme directemen­t le fonds d’investisse­ment Inter Rent Internatio­nal Properties, qui a acquis 1750 apparte‐ ments dans les cinq dernières années, principale­ment à Ga‐ tineau et à Montréal.

C’est inquiétant cette grande insécurité résidentie­lle que vivent de plus en plus de locataires, et pas seulement ceux à très faibles revenus. De plus en plus de ménages, qui ne pensaient jamais devoir quitter leur logement, craignent d’être les pro‐ chaines victimes.

Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU

L’organisme dénonce éga‐ lement les tactiques em‐ ployées par les propriétai­res pour évincer leurs locataires.

Ces évictions illégales sont obtenues par toutes sortes de manoeuvres, dont le harcè‐ lement visant à forcer les loca‐ taires à quitter en échange de compensati­ons financière­s souvent insignifia­ntes, peuton lire dans le rapport.

Selon Mme Laflamme, il faut également tenir compte de la proximité avec l’Ontario puisqu’elle ajoute une pres‐ sion supplément­aire sur le marché locatif de Gatineau.

On sait que Gatineau ac‐ cueille de nombreux ménages qui décident de déménager

de l’autre côté de la rivière en raison entre autres de "l’abor‐ dabilité" plus grande qu’à Ot‐ tawa, explique cette dernière.

D’ailleurs, pour la première fois en 2022, un plus grand nombre d’Ontariens ont dé‐ ménagé au Québec que l’in‐ verse.

Un besoin criant de lo‐ gements sociaux

Pour résorber la crise du logement, le FRAPRU insiste sur l’importance de construire des logements abordables. Mme Laflamme interpelle di‐ rectement les gouverneme­nts sur cette question. Elle dé‐ plore que pour la première fois dans l’histoire du Québec, le pourcentag­e de logements sociaux ait diminué.

Il y a une rareté de loge‐ ments locatifs, mais si tout ce qu’on construit ce sont des lo‐ gements privés trop chers comme c’est le cas actuelle‐ ment, il n’y a aucune alterna‐ tive pour les ménages loca‐ taires qui n’ont pas les moyens de se payer ces loge‐ ments, insiste la porte-parole du FRAPRU.

Le conseiller municipal et maire suppléant de Gatineau, Daniel Champagne, abonde dans le même sens. Il croit que le gouverneme­nt provin‐ cial devrait donner des outils aux promoteurs pour qu’ils puissent construire davan‐ tage de logements sociaux.

À Gatineau, il y a plusieurs projets [immobilier­s] qui ne lèvent pas, parce qu’ils ne sont tout simplement pas rentables, affirme M. Cham‐ pagne.

Il décrit la situation en ma‐ tière de logement de quasi dramatique.

L’année 2022 a été une an‐ née de constats. Les constats dans le rapport [du FRAPRU] sont sensibleme­nt les mêmes que nous avons faits. On doit agir et c’est ce qu’on a l’inten‐ tion de faire en 2023, ajoute-til.

Le conseiller municipal pour le district de Limbour et porte-parole en matière de lo‐ gement pour Action Gatineau, Louis Sabourin, insiste égale‐ ment sur l’importance d'agir.

On doit arrêter d’attendre de nouveaux programmes, de nouvelles réglementa­tions ou de nouvelles politiques de nos deux autres gouverne‐ ments. Il faut se demander ce que nous, en tant que Ville, on peut faire, dit M. Sabourin.

Ce dernier mise d’ailleurs sur le droit de préemption, qui permet à la Ville de faire la première offre sur des terrains privés, pour amoindrir la crise du logement.

M. Sabourin a également proposé une stratégie d’inclu‐ sion au conseil municipal l’au‐ tomne dernier. Si elle est adoptée, elle obligerait les promoteurs à prévoir des lo‐ gements abordables dans leur projet.

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