Pourquoi tant de femmes sont-elles passionnées d’histoires de crimes réels?
La passion d’un nombre grandissant de femmes pour des balados et vidéos qui racontent des histoires de crimes réels (« true crime », en anglais) a été scrutée à la loupe par une sociologue britanno-colom‐ bienne.
Kathleen Rodgers, profes‐ seure de sociologie à l’Univer‐ sité de la vallée du Fraser, en Colombie-Britannique, s’est d’abord intéressée au genre en écoutant des balados sur des crimes réels.
La sociologue explique qu’elle a constaté la populari‐ té grandissante du documen‐ taire criminel et du nombre de forums d’amateurs en ligne, ainsi que des commu‐ nautés forgées par cet intérêt commun.
Les gens aiment les his‐ toires et les documentaires criminels sont les meilleures histoires. Il y a du mystère, un crime, des méchants et la jus‐ tice, souligne Katherine Rod‐ gers.
Sa curiosité piquée, elle a décidé d’approfondir le sujet et c’est devenu une obsession professionnelle, confie-t-elle.
Les forums d’amateurs d'histoires de crimes réels
Katherine Rodgers a choisi de concentrer ses recherches sur les balados qui racontent des histoires criminelles inspi‐ rées de faits réels et sur les communautés d’amateurs créées autour des balados qui deviennent de véritables pôles de débat et de militan‐ tisme.
Pour jauger la réaction des auditeurs aux meurtres sor‐ dides qui leur sont racontés, Kathleen Rodgers a choisi le balado très populaire My Fa‐ vorite Murder.
Elle raconte que les ama‐ teurs du balado, une majorité de femmes, se retrouvent dans des forums sur Face‐ book, Twitter et Reddit pour échanger sur les histoires de crimes entendues, partager leurs expériences et militer contre le blâme des victimes.
La professeure a aussi re‐ marqué que beaucoup uti‐ lisent des mèmes, des farces et des histoires personnelles pour gérer les émotions sou‐ levées par les balados de crimes réels.
Sécurité personnelle
La sociologue, qui a publié un article (en anglais) sur ses constats, souligne que beau‐ coup de femmes membres de ces forums mettent l'accent sur la sécurité personnelle et partagent également entre elles des conseils de sécurité, notamment sur des arrêts d’autobus et des personnes suspectes à éviter.
J’ai réalisé que la source de mon intérêt et de celles des autres femmes était la même : la peur de la violence que les femmes vivent au quotidien.
Katherine Rogers, socio‐ logue, Université de la vallée du Fraser
Même son de cloche pour Victoria Charlton, une anima‐ trice de documentaires crimi‐ nels sur les médias sociaux et à la télévision.
Je pense que c'est [les do‐ cumentaires criminels] un moyen un peu pour nous d'apprendre à être prudent. Ça nous fait peur aussi, mais en même temps on peut tirer des leçons de certaines his‐ toires. C'est ce qu'aiment mes abonnées.
Une mère, puis sa fille sont venues me dire merci. La mère a dit : ''Merci, tu sais, grâce à toi, ma fille est plus prudente, j'aime ça qu'elle re‐ garde tes histoires pour qu'elle se rende compte du danger réel''.
Victoria Charlton, anima‐ trice de documentaires crimi‐ nels
D'une passion indivi‐ duelle à des milliers d'abonnés
Victoria Charlton, 30 ans, a découvert sa passion pour les histoires de crimes réels il y a une dizaine d’années, alors qu’elle habitait au Mexique.
Elle s’est d’abord intéres‐ sée au cas d’Elisa Lam, une touriste canadienne dont le cadavre a été retrouvé dans un réservoir d'eau d'un hôtel du centre-ville de Los Angeles, en 2013. Je suis devenue su‐ per obsédée par cette his‐ toire, je faisais beaucoup de recherches et j'écrivais sur des forums.
Finalement, comme il n’y avait rien en français sur le « true crime », il n’y avait pas de youtubeur, pas vraiment de podcasts à cette époquelà, donc je me suis dite : ''Ah ben moi, je vais raconter cette histoire-là qui m’a obsédée, en français, sur ma chaîne YouTube.''
Victoria Charlton, anima‐ trice de documentaires crimi‐ nels
Puis j'ai vraiment aimé ça. Tu sais faire mes recherches et raconter l'histoire dans mes mots, puis c'est ça que j'ai dé‐ cidé de faire par la suite.
Depuis quatre ans déjà, Victoria Charlton travaille à temps plein à raconter des histoires de crimes. Elle a envi‐ ron 692 000 abonnés sur sa chaîne YouTube, ainsi que des comptes Instagram et Face‐ book et son propre site web. Elle a publié quatre livres et enregistré des émissions de télévision.
Profiter du malheur des autres?
Victoria Charlton est bien consciente que certains cri‐ tiques des documentaires cri‐ minels accusent les produc‐ teurs de contenu de profiter du malheur des autres.
L’animatrice rétorque que beaucoup de familles la contactent directement pour lui demander de raconter l’histoire de leur frère ou soeur disparus. Je pense que ça aide ces familles-là que j'en parle. Je donne de la visibilité à ces affaires-là.
Sur sa chaîne YouTube, l’animatrice a récemment commencé à faire des entre‐ vues avec des victimes de crimes.
Je voulais donner la parole aux victimes, ce n’est pas moi qui raconte leur histoire, elles la racontent elles-mêmes.
Avec des informations de Bethany Lindsay