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Trois lieux symbolique­s du mouvement « Land Back » à surveiller en 2023

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Les appels au rétablisse‐ ment de la souveraine­té autochtone sur les terri‐ toires ancestraux (mouve‐ ment Land Back) ont pris de l'ampleur ces dernières années. Voici trois lieux symbolique­s qui font l'ob‐ jet de luttes en vue de leur réappropri­ation par des communauté­s autoch‐ tones établies tant au Ma‐ nitoba et à Hawaï qu'au Dakota du Sud. 1- Le mont Rushmore, symbole de la suprématie blanche

C'était une journée de juillet chaude et humide lorsque Nick Tilsen et environ 200 autres Lakotas ont blo‐ qué le chemin vers une mon‐ tagne sacrée de l’État du Da‐ kota du Sud en juillet 2020.

He Sapa est le nom de ce territoire, selon le peuple la‐ kota, mais la plupart des gens le connaissen­t sous le nom de Black Hills. Au sein de ces col‐ lines se trouve le célèbre mont Rushmore, sur le flanc duquel sont sculptées les têtes de quatre présidents américains.

Pour nous, c'est un sym‐ bole de la suprématie blanche, parce que chacun de ces hommes là-bas a été res‐ ponsable de la persécutio­n, du meurtre, du génocide des peuples autochtone­s et, fina‐ lement, du vol de nos terres.

Nick Tilsen en entrevue à l'émission « Unreserved » de CBC

Ce mouvement, qui a pris de l'ampleur ces dernières an‐ nées, appelle à la reconnais‐ sance et au rétablisse­ment de la souveraine­té autochtone sur les territoire­s ancestraux. La terre que Nick Tilsen veut voir rendue aux Autochtone­s a été promise au peuple lako‐ ta dans le traité de 1868, un accord conclu avec le gouver‐ nement des États-Unis, qui avait reconnu les Black Hills comme faisant partie de la ré‐ serve des Grands Sioux.

Aujourd'hui, il s'agit de la plus longue lutte foncière existante entre le gouverne‐ ment américain et les peuples autochtone­s des États-Unis.

Ainsi, le 3 juillet 2020, un groupe de Lakotas s'est ras‐ semblé au mont Rushmore afin de mettre en lumière cette longue bataille pour les Black Hills. L'ex-président américain Donald Trump de‐ vait y diriger un rassemble‐ ment. Nick Tilsen et d'autres manifestan­ts ont bloqué l'en‐ trée du parc.

M. Tilsen est le PDG de NDN Collective, une organisa‐ tion qui soutient l'autodéter‐ mination des peuples autoch‐ tones et qui a pour devise dé‐ fendre, développer et décolo‐ niser.

Ce jour-là au mont Rush‐ more, nous n'étions peut-être que quelques centaines, mais nous avons eu l'impression d'être des milliers, parce qu'on pouvait sentir les esprits, on pouvait sentir les ancêtres, a confié M. Tilsen à CBC.

Nick Tilsen et 21 autres manifestan­ts ont été arrêtés au mont Rushmore pour per‐ mettre le rassemblem­ent de partisans de Donald Trump. En décembre dernier, toutes les accusation­s ont été aban‐ données après deux ans de procédures judiciaire­s devant diverses juridictio­ns, y com‐ pris au niveau fédéral.

Le gouverneme­nt a essayé de faire disparaîtr­e ce dossier en le plongeant dans des pro‐ cessus bureaucrat­iques alors qu'il n'est en fait pas si com‐ pliqué de restituer la terre et le titre de propriété à la popu‐ lation.

2- La défense du Mauna Kea à Hawaï

À Hawaï se dresse une autre montagne sacrée, le Mauna Kea. À 4207 mètres audessus du niveau de la mer, c'est le plus haut sommet d'Hawaï. Il est considéré comme la source de toute vie pour les Kanaka Maoli, le nom des Autochtone­s de l’archipel.

Nous vénérons ces en‐ droits non seulement parce que les histoires de nos ori‐ gines s'y trouvent mais aussi en raison de leur hauteur.

Noe Noe Wong-Wilson en entrevue à l'émission « Unre‐ served » de CBC

À partir des années 1960, Mauna Kea a été utilisé pour faire de la recherche astrono‐ mique. Cet endroit compte désormais 13 télescopes gé‐ rés par l'Université d'Hawaï, qui avait autorité sur la mon‐ tagne jusqu'à tout récem‐ ment.

La constructi­on de ces ins‐ tallations a bouleversé le pay‐ sage du sommet, a exercé une pression sur un écosys‐ tème délicat et équivaut à la profanatio­n d'un temple pour les Autochtone­s. La commu‐ nauté regrette profondéme­nt aujourd’hui de ne pas s'être battue contre ce projet, sou‐ ligne Noe Noe Wong-Wilson.

Dans une décision histo‐ rique, notre Cour suprême a rendu une décision selon la‐ quelle la zone du sommet a été à ce point profanée par les 13 télescopes existants que le fait d'en ajouter un autre n'aurait plus aucun effet cu‐ mulatif. Et cette terrible déci‐ sion plane toujours au-dessus de nos têtes, dit-il au sujet de la décision d'octobre 2018 de la Cour suprême des ÉtatsUnis.

Mais les opposants ne se sont pas laissés abattre.

Ainsi, lorsque la proposi‐ tion la plus récente a été faite en vue de la constructi­on d'un télescope de 30 mètres de diamètre et d'une hauteur d’environ 18 étages, le projet a rencontré une puissante vague de résistance. Cette ré‐ sistance a attiré l'attention du monde entier le 17 juillet 2019, lorsque 38 an‐ ciens ont été arrêtés pour avoir bloqué la route d'accès au Mauna Kea.

S'attendant à une forte présence policière, environ 50 kupuna (anciens) se sont rassemblés dans l'obscurité la veille du premier jour des ma‐ nifestatio­ns. C'était une nuit froide et M. Wong-Wilson se souvient de s'être assis parmi les anciens sur des chaises pour établir un plan de résis‐ tance pacifique.

C'est alors qu'on a décidé de poster les plus anciens op‐ posants en première ligne.

Pua Case faisait partie des kupuna arrêtés ce jour-là. Noe Noe Wong-Wilson et ellemême ont poursuivi le com‐ bat devant les tribunaux. Au‐ jourd'hui, la montagne jouit d'une nouvelle protection.

C'est le résultat d'un projet de loi d'État signé en juillet 2022, qui a transféré la gestion du Mauna Kea de l'Université d'Hawaï à la nou‐ velle Maunakea Stewardshi­p and Oversight Authority, un collectif mieux outillé pour dé‐ fendre la protection du Mau‐ na Kea.

Nous n'avons vraiment pas d'autre choix que de nous tenir debout pour protéger ce membre de la famille et c'est ce que nous faisons, a déclaré Pua Case au micro de l’émis‐ sion Unreserved.

3- Le territoire tradition‐ nel de la Nation crie de Fox Lake

Beaucoup plus au nord, sur le territoire traditionn­el de la nation crie de Fox Lake, des terres qui étaient autrefois considérée­s comme la source de vie des membres de la communauté se trouvent dé‐ sormais sous l'eau.

Sur le territoire ancestral de cette Première Nation, c'est de l'eau à perte de vue. La ligne d'horizon est criblée de lignes électrique­s soute‐ nues par des tours que les gens là-bas appellent des arbres métallique­s.

Conway Arthurson, membre de la nation crie de Fox Lake, est négociateu­r pour sa communauté auprès de Manitoba Hydro, l'autorité responsabl­e du développe‐ ment hydroélect­rique dans le nord du Manitoba.

Malheureus­ement, il y a des centaines et des cen‐ taines de kilomètres d'arbres métallique­s dans la région, déplore M. Arthurson. Ici, c'est la plaque tournante du nord du Manitoba, où 80 % de l'électricit­é provient de ces barrages.

La montée des eaux a commencé en 1966 lorsque Manitoba Hydro a construit son premier barrage sur le cours inférieur du fleuve Nel‐ son, ce qui a affecté les vil‐ lages et les terrains de chasse traditionn­els de la commu‐ nauté crie.

D'autres barrages ont suivi et les impacts environnem­en‐ taux et sociaux ont toujours été plus nombreux. Les diri‐ geants autochtone­s de l'époque se sont alors battus pour obtenir réparation au‐ près de Manitoba Hydro et des gouverneme­nts fédéral et provincial. En 2004, ils ont ga‐ gné une première manche avec la signature d'une en‐ tente de règlement avec Ma‐ nitoba Hydro.

Aujourd'hui, Conway Ar‐ thurson cherche à obtenir une indemnisat­ion et une co‐ opération supplément­aires, mais son combat le plus com‐ plexe consiste à convertir 26 000 acres de terres de la Couronne en terres de ré‐ serve. Cela nécessite la coopé‐ ration de tous les ordres de gouverneme­nt.

C'est long, a déclaré M. Ar‐ thurson, qui s'accroche aux leçons de ses ancêtres alors qu'il travaille depuis 25 ans à rétablir la souveraine­té de sa communauté sur ses terres et à réparer ainsi les torts qu'elle a subis.

D'après un texte de Kim Kaschor, CBC News

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