Brésil : la police reprend le contrôle des lieux de pouvoir envahis à Brasília
Les autorités brésiliennes commençaient lundi à éva‐ luer les énormes dégâts dans le palais présidentiel, le Congrès et la Cour su‐ prême à Brasília, au lende‐ main de l'assaut des parti‐ sans de l'ex-président d'ex‐ trême droite, Jair Bolsona‐ ro.
Elles ont lancé les pre‐ mières investigations pour déterminer les responsabilités de la prise d'assaut de plu‐ sieurs bâtiments officiels di‐ manche, à Brasília, où est re‐ venu l'actuel chef d'État Luiz Inacio Lula da Silva qui a dé‐ noncé l'oeuvre de putschistes.
En fonction depuis seule‐ ment une semaine et déjà face à une crise majeure, le nouveau président de gauche qui a inspecté les bâtiments saccagés à son retour dans la capitale tard dimanche soir, a déploré des événements sans précédent dans l'histoire du Brésil.
Après plusieurs heures d'un chaos qui a rappelé l'in‐ vasion du Capitole à Washing‐ ton il y a deux ans, les forces de l'ordre ont repris le contrôle du palais présiden‐ tiel, du Congrès et de la Cour suprême envahis dimanche par des centaines de manifes‐ tants anti-Lula, selon le mi‐ nistre de la Justice et de la Sé‐ curité, Flavio Dino.
Les putschistes qui ont promu la destruction des pro‐ priétés publiques à Brasìlia sont en train d'être identifiés et seront punis. Demain, nous reprenons le travail au palais de Planalto. Démocratie tou‐ jours, a tweeté le président de gauche.
Plus de 300 personnes ont été interpellées et le parquet général a demandé l'ouver‐ ture immédiate d'investiga‐ tions pour établir la responsa‐ bilité des personnes impli‐
quées dans l'attaque des bâti‐ ments officiels.
Il a placé les forces de l'ordre locales sous le com‐ mandement des forces fédé‐ rales pour reprendre en main la sécurité à Brasília, où les po‐ liciers ont été totalement dé‐ bordés par les assauts des bolsonaristes.
La zone avait été bouclée par les autorités. Mais les bol‐ sonaristes, pour beaucoup habillés du maillot jaune de la Seleçao, la sélection de soccer du Brésil, un symbole qu'ils se sont approprié, sont parve‐ nus à forcer les cordons de sé‐ curité.
Ils ont provoqué des dé‐ gâts considérables dans les trois immenses palais, qui sont des trésors de l'architec‐ ture moderne et regorgent d'oeuvres d'art.
De nombreuses arresta‐ tions
Des images télévisées montraient les manifestants descendant en file indienne, les mains derrière le dos, la rampe du palais présidentiel de Planalto, encadrés de poli‐ ciers. Sur d'autres images, on peut voir un autobus rempli de manifestants interpellés partir en direction d'un poste de police.
Le gouverneur du district fédéral de Brasília, Ibaneis Ro‐ cha, allié de Jair Bolsonaro, a présenté ses excuses au pré‐ sident Lula dans une vidéo. Il a qualifié les responsables des déprédations des bâtiments publics de vrais vandales et de vrais terroristes.
On surveillait avec le mi‐ nistre [de la Justice] Flavio Di‐ no tous ces mouvements […] À aucun moment on n’a pen‐ sé que ces manifestations prendraient de telles propor‐ tions, a-t-il affirmé.
D'autres alliés du président sortant se sont également dé‐ solidarisés de ces violences, dont Valdemar Costa Neto, président du PL, le parti de Bolsonaro, qui a regretté un jour triste pour la nation bré‐ silienne.
Jair Bolsonaro, lui, se trouve aux États-Unis, où il est parti deux jours avant l'in‐ vestiture de Lula, se refusant à remettre l'écharpe présiden‐ tielle à celui qui l'a défait d'une courte tête à la prési‐ dentielle d'octobre.
Dans une série de ga‐ zouillis, il a condamné sans fermeté les déprédations et invasions de bâtiments pu‐ blics. Mais il a aussi rejeté les accusations, sans preuve de son successeur selon qui il au‐ rait encouragé les violences.
Les réactions affluent de l'étranger
Ces saccages ont provo‐ qué une avalanche de réac‐ tions outrées dans le monde. Le président français Emma‐ nuel Macron a dit à Lula qu'il pouvait compter sur le sou‐ tien indéfectible de la France.
Son homologue américain Joe Biden a jugé scandaleuses les violences des manifes‐ tants. Utiliser la violence pour attaquer les institutions dé‐ mocratiques est toujours in‐ acceptable, a tweeté son se‐ crétaire d'État Antony Blin‐ ken.
Le Canada a également condamné les actes de vio‐ lence survenus dans la jour‐ née. Le respect du droit dé‐ mocratique des gens est pri‐ mordial dans toute démocra‐ tie, y compris au Brésil, a écrit le premier ministre Justin Tru‐ deau sur Twitter en témoi‐ gnant de son soutien au pré‐ sident Lula.
Chaos dans la capitale
Le centre du pouvoir a été plongé dans le chaos. La zone avait été pourtant bouclée par les autorités, mais les bol‐ sonaristes sont parvenus à rompre les cordons de sécuri‐ té.
Les policiers ont tenté, en vain, de les repousser avec du gaz lacrymogène. Un agent de la police montée a été désar‐ çonné puis frappé à terre par des assaillants armés de bâ‐ tons.
Un syndicat de presse local a fait état de l'agression de cinq journalistes. Parmi eux, un photographe de l'AFP a été frappé et s'est fait voler tout son matériel.
Sur les réseaux sociaux ont circulé des vidéos mon‐ trant des bureaux de parle‐ mentaires saccagés.
Un manifestant s'est assis sur le siège du président du Sénat, un mimétisme saisis‐ sant avec les manifestants pro-Trump au Congrès améri‐ cain il y a deux ans.
Les dégâts sont considé‐ rables. Des tableaux d'une va‐ leur inestimable ont été en‐ dommagés, dont Les mu‐ lâtres, du peintre moderniste Di Cavalcanti, exposé au pa‐ lais présidentiel et percé de plusieurs trous, selon des photos circulant sur les ré‐ seaux sociaux.
Selon la chaîne CNN, des manifestants ont mis le feu au tapis d'un salon du Congrès, qui a dû être inondé pour éteindre l'incendie.
Il faut qu'on rétablisse l'ordre, après cette élection frauduleuse, a dit à un journa‐ liste de l'AFP Sarah Lima, ingé‐ nieure pro-Bolsonaro de 27 ans venue de Goianesia, à 300 km de Brasília.
Nous ne reconnaissons pas ce gouvernement parce qu'il est illégitime, a renchéri Victor Rodrigues, affirmant aussi qu'il n'abandonnera pas la lutte : Nous ne reculons pas, nous allons partir d'ici, mais nous reviendrons.
Le cri de ralliement d'inter‐ vention militaire s'est élevé de la foule restée aux abords du Congrès des heures durant, malgré les fumées des gaz la‐ crymogènes ou les canons à eau de la police.
Des bolsonaristes manifes‐ taient déjà devant des ca‐ sernes militaires depuis la dé‐ faite de peu du président sor‐ tant d'extrême droite le 30 oc‐ tobre.
Ils réclamaient déjà l'inter‐ vention de l'armée pour em‐ pêcher Lula de revenir au pouvoir pour un troisième mandat, après ceux de 2003 à 2010. Certains d'entre eux ont également bloqué des axes routiers pendant plus d'une semaine après l'élection.