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Dominic Cardy veut que Blaine Higgs parte avant les prochaines élections

- Nicolas Steinbach

L’ancien ministre de l’Édu‐ cation et du Développe‐ ment de la petite enfance du Nouveau-Brunswick es‐ time que le premier mi‐ nistre Blaine Higgs doit par‐ tir, pour le bien du parti. Dominic Cardy craint que si le chef des progressis­tesconserv­ateurs reste en place, le parti perde le pou‐ voir aux élections de 2024.

L’année 2022 a été pour le moins mouvementé­e pour Dominic Cardy. Débutée au front à combattre la pandé‐ mie, aux rênes du ministère de l’Éducation, elle s'est termi‐ née avec son expulsion du Parti progressis­te-conserva‐ teur.

Dominic Cardy siège dé‐ sormais comme député indé‐ pendant, derrière les députés d’opposition Kevin Arseneau et Francine Landry, tout à cô‐ té de la porte de sortie, iro‐ nise-t-il.

Le député a été répudié par son chef après avoir dé‐ missionné de son poste de ministre avec fracas le 13 oc‐ tobre. Dans sa lettre démis‐ sion, il critiquait vigoureuse‐ ment son ancien patron, l’ac‐ cusant de centralise­r le pou‐ voir entre ses mains et de faire passer la politique avant les intérêts de la province.

Trois mois plus tard, Domi‐ nic Cardy ne regrette rien.

Je vais très bien, je n’ai pas de regrets, j’ai essayé de faire de mon mieux pour faire des changement­s positifs et je vais continuer de le faire.

Il demeure campé sur ses conviction­s.

Dès que les alliancist­es sont arrivés au coeur du gou‐ vernement comme membres du caucus, sans aucune consultati­on, c’est vraiment quelque chose qui était contre mes valeurs et contre les valeurs écrites clairement dans la constituti­on du Parti progressis­te-conservate­ur.

Démissionn­er a été un soulagemen­t, alors que sa re‐ lation avec le premier ministre était au plus mal.

Il dit avoir attendu le plus longtemps possible, le temps de régler ses comptes avec l’Institut Confucius – implanté dans le système d’éducation anglophone – d'assurer un nouveau programme sur la littératie et de débuter une ré‐ forme sur la gouvernanc­e sco‐ laire.

J’ai essayé de rester jusqu’à ce que ce soit impossible [pour moi], et c’était impos‐ sible lorsque le premier mi‐ nistre a dit qu’il insistait pour complèteme­nt changer le sys‐ tème d’éducation dans le sec‐ teur anglophone et éliminer le programme d’immersion. Et j’ai dit : non, ce n’est pas pos‐ sible de rester en poste. J’étais heureux de partir.

Dominic Cardy affirmait alors que d’autres collègues mécontents de Blaine Higgs pourraient suivre son initia‐ tive et quitter le gouverne‐ ment.

Force est de constater au‐ jourd’hui que ce n’est pas le cas. Aucun autre ministre n’a démissionn­é.

Je pense qu’il y a beaucoup de monde qui laisse la chance au premier ministre jusqu’à fé‐ vrier pour partager sa déci‐ sion. Je pense que si on n'en‐ tend rien du premier ministre dans ce discours, les choses vont changer rapidement. Parce que comme j’ai dit dans ma lettre, mes inquiétude­s sont partagées par beaucoup de mes collègues.

Blaine Higgs a indiqué à Brunswick News en sep‐ tembre dernier qu’il allait an‐ noncer ses intentions sur son avenir politique lors du dis‐ cours sur l’état de la province, qui aura lieu le mois prochain.

Le premier ministre a nuancé ses propos depuis, af‐ firmant que la décision de se représente­r ou non est pro‐ fondément personnell­e, et qu’il allait prendre le temps nécessaire pour faire cette dé‐ cision avec sa famille.

On a besoin d’avoir des ré‐ formes dans notre système de santé, d'éducation, qui sont fondamenta­les, radi‐ cales. On n’a pas pris l’avan‐ tage de notre élection de 2020 pour faire ces réformes, et on a besoin d’un gouverneme­nt qui est prêt pour le faire. C’est clair que M. Higgs, mainte‐ nant, pour différente­s raisons, n’est pas capable de le faire, affirme Dominic Cardy.

Un nouveau chef avant la prochaine élection

Dominic Cardy espère que les progressis­tes-conserva‐ teurs pourront choisir un nouveau chef rapidement avant les élections de 2024, pour permettre une course en bonne et due forme et lais‐ ser au gagnant le temps de se faire connaitre par des Néo

Brunswicko­is.

C’est assez clair que — quand on voit les son‐ dages, [qu']on voit l’insatisfac‐ tion avec sa chefferie dans le parti — que j’espère qu’on va avoir une chance, comme par‐ ti, de choisir un nouveau chef bien avant la prochaine élec‐ tion.

Ayant été un chef de parti lui-même — il a été chef du NPD du Nouveau-Brunswick de 2011 à 2017 —, Dominic Cardy convient que la déci‐ sion est difficile à prendre, mais que Blaine Higgs doit le faire, pour le bien de son par‐ ti.

Je souhaite un change‐ ment au Nouveau-Brunswick, avec un gouverneme­nt que j'espère progressis­te sur les questions sociales, conserva‐ teur sur les questions fiscales — avec un autre chef, j’espère.

Dominic Cardy, député in‐ dépendant de Fredericto­nOuest-Hanwell

Dans une éventuelle course la chefferie pour rem‐ placer Blaine Higgs, Dominic Cardy écarte l’idée de se pré‐ senter pour l’instant, conscient que sa démission pourrait porter ombrage à sa candidatur­e.

C’est un sacrifice que j’ai fait de mon côté. De démis‐ sionner comme ça réduit énormément mon habileté à me présenter comme chef d’un parti, et j’accepte ça. Dominic Cardy va plus loin. Il évoque des candidats potentiels comme Daniel Al‐ lain pour qui il a beaucoup de respect et qui a eu de bons ré‐ sultats avec la réforme muni‐ cipale, qui était un dossier as‐ sez chaud. Ou d’autres, comme Kris Austin, avec qui il affirme n'avoir aucun atome crochu politique et qui a été assez silencieux sur la ques‐ tion des convois de camion‐ neurs, et qui a voté contre les vaccins pour les jeunes.

Il espère aussi que le pro‐ chain chef soit bilingue.

Tous les dommages entre le parti et les francophon­es les dernières années avec M. Higgs, c’est clair qu’on a be‐ soin d’indiquer clairement comme parti que nous sommes ouverts aux franco‐ phones, et qu’on appuie notre constituti­on qui dit qu’on soutient une province bi‐ lingue.

Dans l’éventualit­é d’un changement de garde à la tête du parti, il se voit encore jouer un rôle. J’ai été élu comme progressis­te-conser‐ vateur. J’aime beaucoup mes anciens collègues, on tra‐ vaillait bien ensemble et j’ai‐ merais continuer dans cette direction. Ça dépend des in‐ tentions du premier ministre et du nouveau chef.

Une réforme politique

À l’instar de la cheffe libé‐ rale, Susan Holt, l’ancien mi‐ nistre de l’Éducation estime qu’il faut déchirer le nouveau programme d’apprentiss­age du français de Blaine Higgs et rétablir l’immersion française dans le système d’éducation anglophone.

De ne pas faire de change‐ ment aujourd’hui, c’est une meilleure option que de suivre celle proposée par le premier ministre. Aujourd’hui, on a un système scolaire éprouvé par des années de pandémies et des interrup‐ tions créées par la pandémie. [Il faut] un peu de stabilité et de continuité.

Dominic Cardy estime ce‐ pendant que le système d’im‐ mersion française dans les écoles anglophone­s est loin d’être parfait.

Ce n’est pas accessible à plus de 40 % des écoles anglo‐ phones, alors il y a un grand nombre de jeunes qui ne peuvent pas accéder à ce pro‐ gramme. Moi, je suis passé à travers le programme d’im‐ mersion dans les années 7080, et l’immersion, tu es sup‐ posé être immergé dans le français dès que tu arrives à l’école le matin jusqu’à ce que tu partes l’après-midi. Tu es supposé de vivre en français, et ce n'est pas le cas dans plu‐ sieurs écoles.

La décision précipitée du premier ministre de pousser pour une refonte complète de l’immersion est uniquement motivée par ses ambitions politiques, selon Dominic Car‐ dy.

Pour le premier ministre de dire, en vue des élections de 2024, " je fais ce que je veux sans égard sur les don‐ nées probantes", non, c’était pas acceptable.

Dominic Cardy

Il affirme que cette déci‐ sion va fragiliser un système d’éducation déjà aux prises avec une importante pénurie de main-d’oeuvre.

On ne peut pas dire [que] juste comme ça, l’année pro‐ chaine, on va trouver quelques centaines d’ensei‐ gnants, si on n’avait déjà pas assez d’enseignant­s cette an‐ née. Où est -ce qu’on va trou‐ ver ces enseignant­s? Et il y a seulement deux avenues : on va forcer un programme qui ne va pas réussir ses objectifs, ou on va continuer avec l’illu‐ sion d’un programme d’im‐ mersion et on va continuer de voir de mauvais résultats. On avait besoin de prendre le temps pour faire les réformes appropriée­s.

Au cours de ses quatre an‐ nées à la tête ministère de l’Éducation, Dominic Cardy avait mis à l’essai des projets pilotes destinés aux élèves anglophone­s qui apprennent le français langue seconde. Des projets prometteur­s, se‐ lon lui, auxquels on aurait dû donner plus de temps.

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