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La révision de la protection fédérale des lanceurs d’alerte critiquée, jugée redondante

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Alors que gouverneme­nt fédéral met sur pied un groupe de travail chargé d'examiner les mesures de protection des lanceurs d'alerte pour les fonction‐ naires fédéraux, un défen‐ seur de ces mêmes me‐ sures se dit insatisfai­t de cette initiative.

La présidente du Conseil du Trésor, Mona Fortier, a an‐ noncé cette révision à la fin du mois de novembre.

Le directeur du Centre for Free Expression de l'Universi‐ té métropolit­aine de Toronto, James Turk, estime pour sa part que la révision témoigne en fait d'un manque de volon‐ té de protéger les travailleu­rs qui font part de leurs préoc‐ cupations.

On pourrait penser que je serais enthousias­te à ce sujet, mais je suis vraiment troublé par ce que le gouverneme­nt a annoncé, confie-t-il.

[C'est] une indication qu'ils n'ont aucun engagement sé‐ rieux envers la réforme de la Loi sur la protection des fonc‐ tionnaires divulgateu­rs d'actes répréhensi­bles.

James Turk, directeur du Centre for Free Expression de l'Université métropolit­aine de Toronto

Il y a cinq ans, un examen statutaire a entendu des ex‐ perts de tout le pays et a pris beaucoup de temps pour éva‐ luer la Loi et faire des recom‐ mandations, poursuit M. Turk.

Ces recommanda­tions ont été adoptées à l'unanimité par le comité parlementa­ire chargé d'examiner la Loi, mais n'ont jamais été promulguée­s.

M. Turk a ses doutes. Il ne croit pas vraiment que le nou‐ vel examen aboutira à quelque chose.

Ils ont fait une évaluation cinglante de la Loi et ont pro‐ posé un nombre important de changement­s majeurs qui lui permettrai­ent de faire ce qu'elle est censée faire, rap‐ porte ce dernier, ajoutant que beaucoup de ces propositio­ns originales sont encore perti‐ nentes aujourd'hui.

Le nouveau groupe de tra‐ vail, composé de neuf membres, commencera ses travaux en janvier et prendra de 12 à 18 mois avant de pro‐ duire un rapport.

Le directeur des relations de travail nationales pour l'Institut profession­nel de la fonction publique du Canada et membre du groupe de tra‐ vail, David Yazbeck, remarque qu'une différence cette fois-ci est que l'examen n'est pas statutaire.

L'examen de 2017 a été dé‐ clenché par une loi, alors que cet examen est volontaire. M. Yazbeck espère que cela si‐ gnale une intention du gou‐ vernement d'apporter les changement­s nécessaire­s.

Étant donné que la révi‐ sion statutaire se limitait à l'examen de la Loi, la portée de la nouvelle révision pour‐ rait être beaucoup plus large, anticipe-t-il.

En théorie, quelqu'un pourrait proposer une toute nouvelle loi, renchérit M. Yaz‐ beck. Donc, en ce sens, il pourrait en résulter quelque chose de nouveau.

Beaucoup de temps

Selon le communiqué ini‐ tial, le groupe tiendra compte à la fois des recommanda‐ tions de 2017 et de la re‐ cherche et de l'expérience ca‐ nadiennes et internatio­nales.

Dans un communiqué, l'Al‐ liance de la Fonction publique du Canada (AFPC), qui repré‐ sente près de 230 000 tra‐ vailleurs, déclare que ce nou‐ vel examen prendra beau‐ coup trop de temps pour ré‐ gler les problèmes liés à la Loi et ne fera que reproduire le

travail effectué il y a cinq ans.

L'AFPC a participé à l'exa‐ men de 2017 et a formulé plu‐ sieurs recommanda­tions pour rendre la Loi plus ro‐ buste.

En 2017, le gouverneme­nt actuel a publié un rapport sur les changement­s nécessaire­s au processus existant pour soutenir les travailleu­rs de la fonction publique qui dé‐ noncent des actes répréhen‐ sibles, rappelle le président national de l'AFPC, Chris Ayl‐ ward.

Le rapport indiquait claire‐ ment que la Loi n'en faisait pas assez pour protéger les lanceurs d'alerte et recom‐ mandait déjà à l'époque des améliorati­ons. Il est temps pour le gouverneme­nt d'agir.

Chris Aylward, président national de l'AFPC

M. Turk et l'AFPC ont tous deux souligné que des re‐ cherches internatio­nales ré‐ centes placent le Canada au bas de la liste des pays en ce qui concerne les protection­s accordées, tant en droit qu'en pratique, aux lanceurs d'alerte.

Selon une étude conjointe du Government Accountabi­li‐ ty Project et de l'Associatio­n internatio­nale du barreau, il est inquiétant que la législa‐ tion sur la protection des lan‐ ceurs d'alerte au Canada soit presque entièremen­t inactive.

Elle recommande que la lé‐ gislation prévoie des examens périodique­s de l'efficacité des lois, tout en utilisant le Cana‐ da comme exemple d'un pays où cette protection est ins‐ crite dans la législatio­n, mais ignorée dans la pratique.

Seuls huit lanceurs d'alerte représenta­nt six controvers­es ont été autorisés à porter des plaintes pour représaill­es de‐ vant le tribunal entre 2005 et janvier 2020, alors que 358 plaintes ont été soumises au bureau du commissair­e à l'intégrité dans cette fenêtre, indique le rapport.

Comme le commissair­e à l'intégrité doit approuver les demandes des lanceurs d'alerte pour entamer une procédure devant le tribunal, ce bilan minimal démontre que le commissair­e agit comme un obstacle pour ceux qui cherchent à faire va‐ loir leurs droits légaux, peuton lire dans le rapport.

Selon M. Turk, les effets pratiques du manque de pro‐ tection signifient que les pro‐ blèmes qui ne sont pas signa‐ lés peuvent se transforme­r en crises, en prenant pour exemple les problèmes de ré‐ munération de Phénix.

Le projet Phénix a été un désastre et a coûté des mil‐ liards de dollars au Canada, ne manque-t-il pas de rappe‐ ler.

Si nous avions eu une pro‐ tection adéquate des lanceurs d'alerte, les gens auraient par‐ lé de ce projet, croit celui-ci. Il aurait été arrêté dans son élan.

Avec les informatio­ns de CBC News

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