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Aide à l’inflation : quelle est la province la plus généreuse?

- Tiphanie Roquette

Face à la hausse du coût de la vie, presque toutes les provinces et les territoire­s canadiens ont mis en place des mesures pour faire face aux effets de cette in‐ flation sur leur population. Chèques au plus grand nombre, rabais sur l’éner‐ gie ou mesures très ci‐ blées : l’éventail de choix est vaste, mais lesquels sont les plus judicieux d’un point de vue économique?

L’Alberta s’est en tout cas targuée cette semaine d’avoir les mesures les plus géné‐ reuses au pays.

« Notre plan d’action sur l’abordabili­té de 2,8 milliards de dollars est [...] l'initiative la plus importante de ce type au Canada », a dit le ministre al‐ bertain des Technologi­es et de l’Innovation, Nate Glubish, en conférence de presse lun‐ di.

Entre autres mesures, les parents qui ont un revenu de moins de 180 000 $ recevront 100 $ par enfant et par mois pendant six mois. Un verse‐ ment similaire de 600 $ sera offert aux aînés et aux bénéfi‐ ciaires de programmes so‐ ciaux.

Le Québec domine

À la lumière du critère de revenu, le paiement est en ef‐ fet le plus généreux au Cana‐ da.

Au Québec, le montant maximal de 600 $ est seule‐ ment offert aux adultes dont le revenu déclaré en 2021 était inférieur à 50 000 $.

Si on prend toutefois l’inté‐ gralité des mesures d’aide à la hausse du coût de la vie, la Belle Province surpasse large‐ ment ses voisins, selon l’ana‐ lyse de Luc Godbout, titulaire de la chaire de recherche en fiscalité et en finances pu‐ bliques à l’Université de Sher‐ brooke. Rien qu’en verse‐ ments ponctuels, le Québec y a consacré près de 7,5 mil‐ liards de dollars de budget de‐ puis plus d’un an.

Les économiste­s de Des‐ jardins arrivent aussi aux mêmes conclusion­s dans un récent rapport.

Une générosité mal pla‐ cée?

L’économiste de l’Universi‐ té Concordia Moshe Lander estime que la générosité n’est pas une vertu en temps infla‐ tionniste, puisque les injec‐ tions d’argent dans l’écono‐ mie comme les versements envoyés à d'importante­s par‐ ties de la population ont le potentiel d’aggraver le pro‐ blème.

La ligne est mince entre ne rien faire et être trop géné‐ reux au point que l'on contri‐ bue au problème et à la pro‐ longation de la situation.

Moshe Lander, écono‐ miste, Université Concordia

Même si les provinces n'es‐ saient pas de se concurrenc­er, la population aura tendance à demander au gouverneme­nt d’en faire autant que son voi‐ sin, ajoute-t-il.

Moshe Lander craint aussi que les mesures décrites comme temporaire­s et ponc‐ tuelles ne le soient pas. « La plupart des Canadiens ont dans l’idée que, dès que les taux d’intérêt augmentent, l’inflation va descendre. Mais cela prend 18 mois pour que chaque hausse fasse effet », souligne-t-il.

La première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, a ain‐ si fait allusion à l’arrivée de nouvelles mesures, sans ou‐ blier que la province sera en élection à la fin du mois de mai.

Nous ne voyons pas de bonnes politiques écono‐ miques dans la plupart des provinces, juste de la bonne politique.

Moshe Lander, écono‐ miste

La clé : des mesures ci‐ blées et limitées

L’économiste principal chez Desjardins, Marc Desor‐ meaux, tempère toutefois ces inquiétude­s. Si les premières mesures annoncées comme les 500 $ en Saskatchew­an étaient très larges, les der‐ nières politiques semblent plus limitées.

« C’est encouragea­nt que les politiques les plus récentes dans les provinces ciblent les ménages à faible revenu, sou‐ ligne-t-il. C'est eux qui sont toujours les plus frappés par l'inflation, et on peut les aider avec des mesures ciblées en donnant de l'appui financier avec moins de risques d'exa‐ cerber l'inflation. »

Il cite l’exemple de la Co‐ lombie-Britanniqu­e, qui four‐ nit une aide progressiv­e aux ménages ayant un revenu in‐ férieur à 79 000 $.

Le risque de voir de plus amples mesures a également diminué, selon les prévisions de M. Desormeaux, parce que le pic d’inflation a été atteint et qu'une possible récession aidera à ralentir la croissance des prix.

L’économiste principal du Centre canadien de politiques alternativ­es, David Macdo‐ nald, est également d’avis que les politiques en place auront peu d’effet inflationn­iste. La hausse des salaires n’a pas suivi celle des prix, ce qui a mi‐ né le pouvoir d’achat des Ca‐ nadiens mois après mois.

« Les travailleu­rs réduisent déjà ce qu’ils peuvent acheter à cause de l’inflation, et ces transferts d’argent ne vont pas vraiment changer cette si‐ tuation », explique-t-il.

Les plafonds aux hausses de loyer établis dans plusieurs provinces atlantique­s lui semblent les plus efficaces. « Ce qui aura un impact sur l’inflation plus directemen­t, c’est d’essayer de plafonner les prix que les provinces gèrent », souligne-t-il.

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