Firme McKinsey : Québec solidaire veut faire témoigner 16 sous-ministres
Québec solidaire demande que la majorité des sousministres témoignent de‐ vant les députés pour ex‐ pliquer le besoin de la fonc‐ tion publique de recourir aux firmes privées de consultants. Dans une lettre adressée à la Com‐ mission des finances pu‐ bliques, consultée par Ra‐ dio-Canada, le parti d'oppo‐ sition demande un mandat d'initiative.
« Nous sommes préoccu‐ pés par des révélations ré‐ centes concernant l’influence de certaines compagnies pri‐ vées au sein de l’administra‐ tion publique, ainsi que la dé‐ valorisation de l’expertise de l’État au profit de contrac‐ tants externes », écrivent deux députés solidaires, Christine Labrie et Haroun Bouazzi, dans leur lettre au président de la Commission, Jean-François Simard (CAQ).
Les parlementaires doivent pouvoir examiner l'ampleur, la valeur ainsi que la pertinence du recours à la firme McKinsey et à toute autre firme-conseil, au sein de l'appareil d'État.
Lettre de Québec solidaire au président de la Commis‐ sion des finances publiques.
Le parti veut aussi que soient rendus publics l’en‐ semble des contrats avec ces firmes ainsi que leurs valeurs.
Radio-Canada a déjà révélé l'automne dernier que le gou‐ vernement Legault avait payé 35 000 $ par jour pour les ser‐ vices de McKinsey durant la pandémie de COVID-19. Ses consultants avaient notam‐ ment travaillé à la mise en place de stratégies de dépis‐ tage, de vaccination et d'ap‐ provisionnement.
Durant la crise sanitaire, McKinsey a eu des contacts avec différents ministères comme celui du Travail, celui de l'Emploi et celui de la Sécu‐ rité publique. La firme a aussi reçu des millions de dollars du ministère de l'Économie pour l'aider à préparer son plan de relance.
Convoquer 16 sous-mi‐ nistres
En plus des finances pu‐ bliques, la Commission a pour compétence de se pencher, entre autres, sur l'administra‐ tion du gouvernement, la fonction publique et l'appro‐ visionnement.
Dans le cadre du mandat d'initiative, Québec solidaire demande que les députés membres de la Commission puissent interroger 16 sousministres, soit ceux ayant les responsabilités suivantes :
Affaires municipales et Ha‐ bitation Conseil exécutif Cy‐ bersécurité et Numérique Économie, Innovation et Énergie Éducation Emploi En‐ vironnement, Lutte contre les changements climatiques, Faune et Parcs Famille Fi‐ nances Immigration, Francisa‐ tion et Intégration Ressources naturelles et Forêts Santé et Services sociaux Secrétariat du Conseil du Trésor Sécurité publique Transports et Mobi‐ lité durable Travail
En mai 2020, le gouverne‐ ment Legault avait rejeté une demande des partis d’opposi‐ tion pour rendre publique « la transmission de tous les avis et documents produits par la firme ».
Radio-Canada a aussi révé‐ lé qu'Hydro-Québec a octroyé 27 contrats d'une valeur de 38 millions de dollars à la firme McKinsey depuis 2016. Les mandats donnés aux consultants portent sur des enjeux stratégiques, par exemple sur des questions d'approvisionnement ou des décisions d'innovation.
Ce cabinet-conseil aide aussi la société d'État à valider des décisions sur la perti‐ nence d'effectuer des travaux de réfection de centrales hy‐ droélectriques et sur les in‐ vestissements à faire.
Enquête parlementaire au gouvernement fédéral
À Ottawa, les partis d'op‐ position se sont entendus, mardi, pour forcer la tenue d'une enquête du comité des opérations gouvernemen‐ tales sur les contrats octroyés à McKinsey.
Radio-Canada révélait, dé‐ but janvier, que le recours à la firme américaine avait été multiplié par 30 depuis l'arri‐ vée au pouvoir des libéraux de Justin Trudeau, par rapport au gouvernement précédent de Stephen Harper. Les consultants de McKinsey sont notamment très présents à Immigration, Réfugiés et Ci‐ toyenneté Canada.
L'objectif est d'obtenir des courriels, des messages textes, des rapports et tout document qui permettra de « mieux connaître l’influence que cette entreprise joue dans le gouvernement libé‐ ral », a expliqué le chef du Par‐ ti conservateur du Canada, Pierre Poilievre.
Tous les partis d'opposi‐ tion, de droite comme de gauche, ont fait part de leurs préoccupations.
Une enquête du Sénat français a donné des résul‐ tats
En France, une enquête du Sénat a conclu à « un phéno‐ mène tentaculaire » et à un « recours massif » à ce type de consultants, soulevant des questions quant à « la bonne utilisation des deniers pu‐ blics » et à « notre vision de l’État et de sa souveraineté face aux cabinets privés ».
Le recours aux consultants constitue aujourd’hui un ré‐ flexe : ils sont sollicités pour leur expertise (même lorsque l’État dispose déjà de compé‐ tences en interne) et leur ca‐ pacité à apporter un regard extérieur à l’administration.
Extrait du rapport d'en‐ quête du Sénat français dépo‐ sé en mars 2022
Le Sénat français craint « une relation de dépendance [qui] peut s’installer entre l’ad‐ ministration et ses consul‐ tants ».