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Un centre de santé communauta­ire dans l’est d’Ottawa, solution à la pénurie de médecins?

- Rebecca Kwan

Plus de 130 000 patients n’ont pas de médecin de fa‐ mille à travers la ville d’Ot‐ tawa, et ce nombre ne fait qu’augmenter.

Inquiétant comme situa‐ tion pour le Centre des res‐ sources de l'Est d'Ottawa (CREO), puisqu’ils se re‐ trouvent sollicités par des pa‐ tients sans attaches en quête de services en soins primaires, chose que le CREO n’offre pas.

Nous sommes sans mots. Sans ressources pour les sou‐ tenir ou même leur donner des options.

Nathalie Lafrenière, direc‐ trice générale du Centre des ressources de l'Est d'Ottawa

La directrice générale du CREO, Nathalie Lafrenière, constate que de plus en plus de médecins de famille dé‐ laissent la profession.

Une poignée de médecins de la Clinique de santé fami‐ liale d'Orléans ont justement annoncé leur départ du mi‐ lieu, la semaine dernière, lais‐ sant quelques milliers de pa‐ tients dans l’embarras, sans médecin de famille.

Quand des médecins quittent le milieu, la pression est accentuée [sur les autres établissem­ents de santé], ex‐ plique Mme Lafrenière en fai‐ sant allusion, entre autres, au CREO et aux urgences. C’est très inquiétant.

L’exode de médecins de fa‐ mille dans l’est d’Ottawa, la création d’un désert en soins primaires et de plus en plus de patients isolés : tous ces problèmes ne datent pas d’hier, déplore cette dernière.

Centralise­r les soins

Selon elle, des solutions, il en faut, et maintenant.

Nathalie Lafrenière recom‐ mande la création d’un centre de santé communauta­ire dans l’est de la ville.

C'est une méthode éprou‐ vée pour soutenir les plus vul‐ nérables de notre commu‐ nauté, vante-t-elle. D’ailleurs, le modèle a déjà été mis à l’épreuve et les résultats parlent d’eux-mêmes, raconte la directrice générale.

Un centre de santé com‐ munautaire permettrai­t d’of‐ frir des services de proximité aux résidents, d’améliorer les conditions de travail des mé‐ decins de famille, et, espère Mme Lafrenière, d'attirer de nouveaux médecins dans la région.

Notre système est cassé, il est plein à craquer. Il a été sa‐ turé, bien au-delà de la pan‐ démie.

Nathalie Lafrenière, direc‐ trice générale du Centre des ressources de l'Est d'Ottawa

Mme Lafrenière veut re‐ mettre en question le statu quo. C’est loin d’être la pre‐ mière fois qu’elle réclame un tel changement.

Le modèle des centres de santé communauta­ires est définitive­ment différent des cliniques privées actuelles, poursuit-elle. Il s'agirait d'em‐ ployés salariés qui auraient accès aux avantages sociaux, aux pensions et aux congés.

Les médecins de famille travaillan­t en cliniques privées n’ont pas le luxe d’avoir, à l’heure actuelle, de telles conditions de travail.

Une réalité dépeinte par le directeur général et chef de la direction du Collège des mé‐ decins de famille du Canada, le Dr Lawrence Loh.

Les coûts que les méde‐ cins paient pour leurs cli‐ niques, la charge administra‐ tive, sont montés en flèche, surtout depuis la pandémie, remarque-t-il.

De nombreux médecins de famille sont confrontés à la facturatio­n et n'oubliez pas qu'ils ne touchent pas de sa‐ laire, qu'ils n'ont pas d'avan‐ tages sociaux. Ils puisent tout dans ce qu'ils ont pour payer l'infrastruc­ture de la clinique, pour payer les tâches admi‐ nistrative­s.

Donc ce qu'ils choisissen­t, c'est de quitter ce tapis rou‐ lant. Ils choisissen­t d'autres choses où ils n'ont pas à gérer une entreprise.

Dr Lawrence Loh, directeur général et chef de la direction du Collège des médecins de famille du Canada

Des mesures doivent être prises très rapidement, selon le Dr Loh, pour remédier à la situation.

Les médecins de famille ont un besoin urgent d'aide, lance-t-il. Maintenant. Pour retenir ceux qui sont toujours dans le système.

À son avis, augmenter la rémunérati­on et l'indemnisa‐ tion font partie des solutions possibles. Ajouter des places dans les écoles de médecine et accueillir davantage de di‐ plômés internatio­naux pour‐ rait également servir, croit le docteur.

Il faut mettre en place des cliniques où les médecins de famille n'ont plus à gérer la cli‐ nique, renchérit-il. La plupart de nos membres ont indiqué qu'ils ne sont pas intéressés par l'embauche de personnel, la gestion de tous les contrats, tout l'arrière-gui‐ chet.

Travail d’équipe

Ce qu’ils souhaitent, té‐ moigne le directeur général, c’est de travailler en collabora‐ tion au sein d'une équipe.

Si vous entourez les méde‐ cins de famille d'équipes de profession­nels de la santé qui les aident à prendre en charge tous les aspects des soins aux patients ainsi que le soutien administra­tif, ils peuvent se concentrer sur ce qu'ils font bien : prendre soin de nos pa‐ tients complexes, poursuit-il.

C'est un modèle qui est ef‐ ficace et c'est un modèle que de nombreuses cliniques pri‐ vées essaient d'utiliser.

Dr Lawrence Loh, directeur général et chef de la direction du Collège des médecins de famille du Canada

Un besoin pour un pro‐ blème systémique

Ce qui revient au concept derrière la création d’un centre de santé communau‐ taire, modèle que la profes‐ seure à l'Université d'Ottawa et présidente du Réseau cana‐ dien des personnels de santé, Ivy Bourgeault, respecte beaucoup et prône depuis plusieurs années.

Nous avons besoin de stratégies qui fonctionne­nt réellement, plaide-t-elle. Le modèle des centres de santé communauta­ires est un très bon modèle de collaborat­ion interprofe­ssionnelle, pour la durabilité dans un environne‐ ment de travail.

Mme Bourgeault souhaite‐ rait que les centres de santé communauta­ires soient éten‐ dus à grande échelle. Le fait que nous ne l'avons pas fait est très très frustrant.

Dans un centre de santé communauta­ire, beaucoup de médecins travaillen­t de pair. Un bon moyen, selon Mme Bourgeault, pour que les médecins n'aient pas l'im‐ pression que leur seul recours est de partir, et de laisser une communauté non desservie.

Des niveaux très élevés de détresse morale existent par‐ mi les médecins de famille, re‐ marque la professeur­e. Nous sommes confrontés à une crise et il faut y prêter atten‐ tion.

Dans le domaine des soins primaires, tout le monde tra‐ vaille à court. Il n'y a tout sim‐ plement pas assez de méde‐ cins pour gérer les besoins de la population.

Ivy Bourgeault, profes‐ seure à l'Université d'Ottawa et présidente du Réseau cana‐ dien des personnels de santé

Mme Bourgeault déplore un problème systémique.

Nous n'avons pas planifié et pris soin de la maind'oeuvre pour la retenir, pour s'assurer qu'il y a un nombre suffisant de médecins dans le milieu, regrette cette dernière.

Avec les informatio­ns de Matthew Kupfer, de CBC News

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